Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Bourgeois, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 4 mai 2021 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 30 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, le tout dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de tire de séjour est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation, notamment au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision a été prise en méconnaissance de la réglementation communautaire relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles, en vertu de laquelle elle peut occuper en France un emploi d'aide médico-psychologique ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée des mêmes vices de légalité externe que la décision de refus de titre de séjour ;
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle aurait dû être précédée d'une invitation à quitter le territoire, conformément aux dispositions de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;
- elle a été prise sans avoir eu la possibilité de faire valoir préalablement ses observations ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée des mêmes vices de légalité externe que la décision de refus de titre de séjour, en particulier d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation au regard des risques encourus dans le pays dans lequel elle est susceptible d'être éloigné ;
- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- en fixant l'Italie comme possible pays de destination, alors que la mesure d'éloignement a été prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur de droit au regard de l'article L. 513-2 du même code.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 décembre 2021, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Brisson et les observations de Me Thullzer représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante camerounaise née le 1er janvier 1978, est entrée en France en 2015, selon ses déclarations, munie d'une carte de résident longue durée-UE délivrée par les autorités italiennes. Elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en 2018. Par arrêté du 30 juillet 2019, le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'issue de ce délai. Mme A... relève appel du jugement du
4 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sur les moyens communs à la contestation des différentes décisions :
2. L'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivé. Il ressort de cette motivation que le préfet, qui a pris en compte la situation personnelle, familiale et professionnelle de la requérante, s'est notamment prononcé sur sa demande de titre de séjour telle que présentée par l'intéressée et sur la question d'éventuels risques encourus avant de fixer le pays de renvoi. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de la situation de Mme A... dont serait entaché l'arrêté doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
3. Pour refuser à la requérante la délivrance d'un titre de séjour autorisant l'exercice d'une activité professionnelle, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé sur la circonstance que l'intéressée, qui ne justifiait ni d'un visa de long séjour ni d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative, ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une part, et que, n'ayant pas sollicité la délivrance d'un tel titre dans les trois mois suivant son entrée en France et ne bénéficiant pas d'un contrat de travail visé par l'autorité administrative, elle ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-4-1 du même code, d'autre part. En se bornant à faire valoir que son diplôme italien lui permet, en vertu de la réglementation communautaire relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles d'occuper en France un emploi d'aide médico-psychologique, Mme A... ne critique pas utilement les motifs sur lesquels le préfet s'est fondé pour rejeter sa demande de titre de séjour.
4. Mme A... dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait présenté sa demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions. Au demeurant, si la requérante, présente en France depuis quatre ans à la date de l'arrêté, se prévaut de son statut de résident de longue durée-UE, de sa qualification pour occuper un emploi d'aide médico-psychologique et de l'expérience acquise dans ce métier qu'elle exerce sous couvert de contrats à durée déterminée, de l'aide qu'elle apporte à sa tante handicapée, de la présence en France du père de son enfant et de la scolarisation de ce dernier, l'intéressée ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels tels qu'en ne lui délivrant pas un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Loire-Atlantique aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions.
5. En vertu des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Si Mme A... se prévaut de ce que le père de son enfant né en 2007 et entré en France en 2015 en même temps qu'elle, vit en France sous couvert d'un titre de séjour, les justificatifs qu'elle produit, constitués de quelques billets de train relatifs à des trajets entre Nantes et Paris en 2017 et 2019 et de deux virements effectués par le père en août 2020 et janvier 2021, ne permettent d'établir l'existence, à la date de l'arrêté contesté, ni de liens soutenus entre le père et son enfant, ni d'une contribution effective du père à l'entretien et à l'éducation de cet enfant alors, au demeurant, que la requérante a déclaré dans sa demande de titre de séjour, en assumer seule la charge. Mme A... n'établit pas davantage que la scolarité de son enfant, en classe de 6ème à la date de l'arrêté, ne pourrait se poursuivre en dehors du territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé la délivrance d'un titre de séjour à la requérante, qui n'a ni pour objet ni pour effet de séparer l'enfant de sa mère, aurait été prise en méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
6. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens tirés de ce que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A... aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Compte tenu de l'absence d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, Mme A... ne saurait exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de sa contestation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.
8. Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ". Il est constant que, par l'arrêté contesté du 30 juillet 2019, Mme A... s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut obliger un étranger à quitter le territoire français.
9. Si Mme A... se prévaut des dispositions de l'article 6 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, qui prévoient la possibilité d'édicter une décision de retour à l'encontre d'un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d'un État membre et titulaire d'un titre de séjour valable ou d'une autre autorisation conférant un droit de séjour délivré par un autre État membre ne respectant pas son obligation de se rendre immédiatement sur le territoire de cet autre État membre, il ne résulte pas de ces dispositions qu'une telle décision de retour devrait être précédée d'une invitation à quitter le territoire. En tout état de cause, en accordant à Mme A... un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français et en prévoyant qu'elle pourrait, à l'expiration de ce délai, être reconduite d'office à la frontière, le préfet n'a pas méconnu les dispositions invoquées.
10. En faisant valoir qu'elle n'a pas été mise à même de présenter des observations avant l'intervention de la décision l'obligeant à quitter le territoire français la requérante doit être regardée comme entendant invoquer un principe général du droit de l'Union européenne auquel se rattache le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2°) de l'article
41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Toutefois, Mme A..., qui a été à même de faire valoir tout élément utile tenant à sa situation personnelle à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour et tout au long de l'instruction de sa demande et qui ne fait état d'aucun élément pertinent qu'elle aurait été empêchée de porter à la connaissance de l'administration et qui aurait été susceptible d'influer sur le prononcé de la mesure prise à son encontre, n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de son droit à être entendue dans des conditions de nature à caractériser une méconnaissance du principe précité.
11. C'est au terme d'une exacte motivation, qu'il y a par suite lieu d'adopter, que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce que la décision obligeant Mme A... à quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
12. La décision fixant le pays de renvoi n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision de refus de titre de séjour, Mme A... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.
13. Aux termes de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné:
/ 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. ".
14. Le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1.
15. Il est constant qu'à la date de l'arrêté contesté, Mme A... était titulaire d'une carte de résident longue durée-UE délivrée par les autorités italiennes. Par suite, en désignant l'Italie, pays dans lequel elle ne conteste pas être admissible, comme pays à destination duquel elle pourra être reconduite en cas d'exécution d'office de l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre sur le fondement de l'article
L. 511-1, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas entaché sa décision d'illégalité au regard des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
16. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyens tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 4 février 2022.
La rapporteure,
C. BRISSON
Le président,
D. SALVI
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT014992