- suspendu l'exécution de ces mêmes arrêtés en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire français ;
- constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation des mesures de contrôle qu'ils comportent ;
- enjoint au préfet du Morbihan de réexaminer la situation des intéressés dans un délai d'un mois à compter de l'intervention des décisions à venir de la Cour nationale du droit d'asile et de leur délivrer dans l'attente des autorisations provisoires de séjour dans un délai de huit jours ;
- mis à la charge de l'État le versement des sommes de 1 000 euros et 700 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice de leur conseil.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 juin 2021, le préfet du Morbihan demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du président du tribunal administratif de Rennes du 20 mai 2021 ;
2°) de rejeter les demandes de M. et Mme B....
Il soutient que :
- les recours en rectification matérielle formés par les intimés devant la Cour nationale du droit d'asile sont postérieurs aux arrêtés portant obligation de quitter le territoire français et, par suite, sans incidence sur leur légalité ;
- la Cour nationale du droit d'asile s'étant prononcé sur leurs recours, le premier juge ne pouvait prononcer la suspension des arrêtés litigieux, fût-ce en raison de la présentation de ces recours en rectification d'erreur matérielle devant la Cour nationale du droit d'asile ;
- ni la présentation de ces recours ni les éléments invoqués à leur appui, qui ne sont ni nouveaux ni probants, ne remettent en cause le bien-fondé de ses décisions.
La requête a été communiquée le 13 juillet 2021 à M. et Mme B..., qui n'ont pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brisson et les observations de Me Le Strat représentant M. B... et Mme C... ont été entendus au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme B..., ressortissants azerbaïdjanais nés les 5 septembre 1985 et 22 juin 1987, sont entrés irrégulièrement en France avec leurs deux enfants mineurs le 22 octobre 2017, selon leurs déclarations. Le bénéfice de l'asile leur a été refusé par décisions du 22 mars 2018 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par une décision du 23 mars 2021 de la Cour nationale du droit d'asile. Par deux arrêtés du 31 mars 2021, le préfet du Morbihan a obligé les intéressés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et à se présenter deux fois par semaine devant les services de gendarmerie de Pontivy et a fixé le pays de destination. Le préfet du Morbihan relève appel du jugement du
20 mai 2021 par lequel le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés en tant qu'ils fixent le pays de renvoi et suspendu l'exécution de ces mêmes arrêtés en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire français.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la suspension de l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci (...) ". Aux termes de l'article L. 743-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 743-1, (...) le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 4° bis Sans préjudice du 4° du présent article, l'office a pris une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 723-11 ; (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 743-3 de ce code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une mesure d'éloignement prévue au titre Ier du livre
V (...) / Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des
4°bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour ". Aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles
L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées que l'étranger contestant une obligation de quitter le territoire français par un recours formé en application de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, peut demander au juge la suspension de l'exécution de cette mesure d'éloignement dans les cas où son droit de se maintenir sur le territoire a préalablement pris fin en application des 4°bis ou 7° de l'article
L. 743-2 du même code.
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment des décisions du 22 mars 2018 par lesquelles le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé le bénéfice de l'asile M. et Mme B... que ces décisions ne constituent ni des décisions d'irrecevabilité prises en application du 3° de l'article L. 723-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni des décisions de rejet prises au terme de la procédure accélérée applicable dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2 du même code. Dès lors, ils n'entraient pas dans les cas où le juge peut prononcer la suspension de l'exécution des arrêtés portant obligation de quitter le territoire pris à leur encontre. Il s'ensuit, alors même que les intéressés auraient déposé un recours en rectification d'erreur matérielle de la décision prise le 23 mars 2021 auprès de la Cour nationale du droit d'asile que le préfet est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a ordonné la suspension de l'exécution de chacun des deux arrêtés du 31 mars 2021 faisant obligation à M. B... et à Mme C... de quitter le territoire français.
En ce qui concerne les décisions fixant le pays de renvoi :
5. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
6. Pour annuler les décisions litigieuses fixant l'Azerbaïdjan comme pays à destination duquel M. et Mme B... pourraient être reconduits, le président du tribunal administratif de Rennes a estimé que ces décisions avaient été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les intéressés font valoir qu'ils encourent des risques de persécutions en raison de l'appartenance de M. B... au Front populaire classique, de sa participation à des manifestations politiques et de la surveillance dont font l'objet en France les opposants politiques par le pouvoir azerbaïdjanais. Toutefois, si l'engagement politique de M. B... n'a pas été remis en cause par les instances de l'asile, ces dernières ont notamment relevé le caractère confus, convenu ou sommaire des déclarations des intéressés et comme non établis les faits allégués et les craintes énoncées. Si M. et Mme B... soutiennent que la Cour nationale du droit d'asile a rejeté leurs recours sans tenir compte de l'empêchement pour raisons médicales dans lequel se trouvait M. B... de se présenter à l'audience, les intéressés n'établissent pas, par les justificatifs insuffisamment probants qu'ils produisent, parmi lesquels des documents sans signature présentés comme une convocation au commissariat de Sabirabad (Azerbaïdjan) le 5 février 2021, en deux exemplaires datés l'un de 2018 et l'autre de 2021, une décision d'incrimination du 30 mars 2021 et un avis de recherche non daté, le caractère réel, actuel et personnel des risques qu'ils invoquent en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, c'est à tort que, pour annuler les décisions fixant le pays de renvoi contenues dans les arrêtés du 31 mars 2021 du préfet du Morbihan, le président du tribunal administratif de Rennes s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance des stipulations précitées.
7. Aucun autre moyen n'a été invoqué devant le tribunal à l'appui des demandes dirigées contre les décisions fixant le pays de renvoi dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Morbihan est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ses arrêtés du 31 mars 2021 en tant qu'ils fixent le pays de renvoi et a suspendu l'exécution de ces mêmes arrêtés en tant qu'ils portent obligation de quitter le territoire français. Par voie de conséquence, les conclusions présentées en première instance par M. et Mme B... à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : Les articles 2, 3, 5 et 6 du jugement nos 2102078, 2102079 du président du tribunal administratif de Rennes sont annulés.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme B... devant le tribunal administratif de Rennes dirigées contre les décisions fixant le pays de renvoi et tendant à la suspension des décisions portant obligation de quitter le territoire français sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... B... et à Mme A... C....
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 4 février 2021.
La rapporteure,
C. Brisson
Le président,
D. Salvi
La greffière
A Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT016412