Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 décembre 2019, sous le n° 19NC03698, M. A..., représenté par Me David, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 juillet 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 18 décembre 2017 par laquelle le chef d'établissement de la maison d'arrêt de Besançon a ordonné la prolongation de son isolement ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
s'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- la communication du sens des conclusions du rapporteur public du tribunal administratif de Strasbourg n'a pas répondu aux exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;
- le jugement attaqué ne comporte pas les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
s'agissant de la légalité de la décision du 18 décembre 2017 :
- cette décision est entachée d'incompétence ; la publication au recueil des actes administratifs de la préfecture de la décision portant délégation de signature d'un chef d'établissement pénitentiaire ne suffisait pas à rendre cette délégation opposable aux détenus ;
- la signature portée sur cette décision, ainsi que le nom du signataire sont illisibles, en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle prolonge son placement à l'isolement uniquement au regard du motif de son incarcération et non par mesure de protection ou de sécurité, comme l'exige l'article 726-1 du code de procédure pénale ;
- contrairement à ce qu'exige l'article R. 57-7-68 du code de procédure pénale, son placement à l'isolement ne constitue pas l'unique moyen d'assurer la sécurité des personnes ou de l'établissement ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par une ordonnance du 17 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée le 16 juillet 2021.
Le garde des sceaux, ministre de la justice a présenté un mémoire en défense le 14 janvier 2022, postérieurement à la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 17 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., écroué le 31 octobre 2017 à la maison d'arrêt d'Auxerre, a été mis à l'isolement par décision du directeur de cet établissement à compter du 7 novembre 2017, puis a été transféré à la maison d'arrêt de Besançon le 14 décembre 2017. Par décision du 18 décembre 2017, le directeur de la maison d'arrêt de Besançon a prolongé sa mise à l'isolement jusqu'au 5 février 2018. M. A... relève appel du jugement du 25 juillet 2019, par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ".
3. La communication aux parties du sens des conclusions, prévue par ces dispositions, a pour objet de les mettre en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public.
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le rapporteur public a, avant l'audience publique du tribunal administratif de Besançon du 4 juillet 2019, précisé le sens de ses conclusions dans l'affaire concernant M. A..., en faisant porter, sur le site Sagace, la mention " Rejet au fond ". Contrairement à ce que soutient le requérant, qui ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire du 9 janvier 2009, dépourvue de valeur réglementaire, cette mention répondait suffisamment aux exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative aux termes duquel : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celui-ci comporte toutes les signatures requises par les dispositions qui précèdent. L'absence de signatures sur l'expédition du jugement notifié au requérant n'entache pas ce jugement d'irrégularité.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
Sur la légalité de la décision du 18 décembre 2017 :
En ce qui concerne la légalité externe :
7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-66 du code de procédure pénale : " Le chef d'établissement décide de la mise à l'isolement pour une durée maximale de trois mois. Il peut renouveler la mesure une fois pour la même durée (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., écroué le 31 octobre 2017 à la maison d'arrêt d'Auxerre, a été mis à l'isolement par décision du directeur de cet établissement à compter du 7 novembre 2017, puis a été transféré à la maison d'arrêt de Besançon le 14 décembre 2017. Par décision du 18 décembre 2017, le directeur de la maison d'arrêt de Besançon a prolongé sa mise à l'isolement jusqu'au 5 février 2018. Celui-ci, qui a signé lui-même cette décision, était compétent à cet effet en application des dispositions précitées de l'article R. 57-7-66 du code de procédure pénale et non en vertu d'une délégation d'une signature. Par suite, le moyen tiré de ce que la publication d'une délégation de signature d'un chef d'établissement pénitentiaire au recueil des actes administratifs de la préfecture ne serait pas suffisante pour rendre opposable une telle délégation aux détenus doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci (...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 18 décembre 2017, portant l'entête de la maison d'arrêt de Besançon, comporte la signature de M. D... B..., directeur de cet établissement pénitentiaire et la mention en caractères lisibles de son prénom, de son nom, ainsi que de sa qualité de " chef d'établissement ". Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté.
11. En troisième lieu, la décision du 18 décembre 2017 prolongeant jusqu'au 5 février 2018 la mise à l'isolement de M. A... décidée le 7 novembre 2017, énonce en termes suffisamment précis les raisons de droit et de fait qui en constituent le fondement et satisfait dès lors à l'obligation de motivation.
En ce qui concerne la légalité interne :
12. Aux termes de l'article 726-1 du code de procédure pénale : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office. Cette mesure ne peut être renouvelée pour la même durée qu'après un débat contradictoire, au cours duquel la personne concernée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. L'isolement ne peut être prolongé au-delà d'un an qu'après avis de l'autorité judiciaire. / Le placement à l'isolement n'affecte pas l'exercice des droits visés à l'article 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, sous réserve des aménagements qu'impose la sécurité. / Lorsqu'une personne détenue est placée à l'isolement, elle peut saisir le juge des référés en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article ". Le premier alinéa de l'article R. 57-7-73 du même code prévoit que : " Tant pour la décision initiale que pour les décisions ultérieures de prolongation, il est tenu compte de la personnalité de la personne détenue, de sa dangerosité ou de sa vulnérabilité particulière, et de son état de santé. ".
13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la prolongation du placement à l'isolement de M. A..., décidée par le directeur de la maison d'arrêt de Besançon le 18 décembre 2017, a été prise au regard du parcours carcéral et du profil pénal de l'intéressé et notamment du non-respect en récidive d'une assignation à résidence prononcée par le ministre de l'intérieur dans le cadre de l'état d'urgence, ayant fondé la condamnation de l'intéressé à une peine de 18 mois d'emprisonnement, ainsi que des éléments contenus dans la notice individuelle établie par le juge d'instruction préconisant sa séparation du reste de la population pénale. Contrairement à ce que soutient le requérant, le directeur de la maison d'arrêt n'a pas commis d'erreur de droit en fondant sa décision sur ces éléments, y compris ceux relatifs aux motifs de condamnation de l'intéressé, dès lors qu'ils étaient pertinents pour apprécier la nécessité de prolonger la mise à l'isolement de l'intéressé par mesure de protection ou de sécurité. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur de la maison d'arrêt n'aurait pas pris en compte la personnalité de M. A..., son éventuelle vulnérabilité ou son état de santé, comme l'exigeait notamment l'article R. 57-7-73 du code de procédure pénale.
14. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans sa notice individuelle établie le 31 octobre 2017, la présidente du tribunal de grande instance d'Auxerre préconisait de séparer M. A... des autres détenus en raison de l'instabilité de son caractère. En estimant que la nature des faits pour lesquels l'intéressé avait été condamné, associée aux préconisations de la présidente du tribunal de grande instance d'Auxerre rendaient nécessaires, par mesure de protection ou de sécurité, la prolongation du placement à l'isolement de M. A..., et que la personnalité, la vulnérabilité ou l'état de santé de celui-ci ne s'y opposait pas, le directeur de la maison d'arrêt de Besançon n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. La prolongation de l'isolement de M. A..., qui ne présente pas le caractère d'une sanction, n'était, en tout état de cause, pas subordonnée à la condition qu'une telle mesure constitue l'unique moyen d'assurer la sécurité des personnes ou de l'établissement.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
16. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
17. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
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N° 19NC03698