Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 octobre 2020, sous le n° 20NC03138, M. A..., représenté par Me David, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 juin 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 26 avril 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a ordonné la prolongation de son isolement à compter du 5 mai 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
s'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- le jugement attaqué ne comporte pas les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- le président de la formation de jugement ne pouvait pas dispenser le rapporteur public d'exposer à l'audience ses conclusions dès lors que son litige n'entrait pas dans les cas limitativement énumérés par l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative ; la dispense de conclusions décidée par le président de la formation de jugement ne dispensait pas le rapporteur public de communiquer par écrit aux parties ses conclusions ;
s'agissant de la légalité de la décision du 26 avril 2020 :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle prolonge son placement à l'isolement uniquement au regard du motif de son incarcération et non par mesure de protection ou de sécurité, comme l'exige l'article 726-1 du code de procédure pénale ;
- contrairement à ce qu'exige l'article R. 57-7-68 du code de procédure pénale, son placement à l'isolement ne constitue pas l'unique moyen d'assurer la sécurité des personnes ou de l'établissement ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par une ordonnance du 17 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée le 16 juillet 2021.
Le garde des sceaux, ministre de la justice a présenté un mémoire en défense le 14 janvier 2022, postérieurement à la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 18 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- l'ordonnance n° 202-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... écroué le 31 octobre 2017 à la maison d'arrêt d'Auxerre, a été mis à l'isolement par décision du directeur de cet établissement à compter du 7 novembre 2017, puis a été transféré à la maison d'arrêt de Besançon le 14 décembre 2017. Par décisions des 18 décembre 2017 et 2 février 2018, le directeur de la maison d'arrêt de Besançon a prolongé la mise à l'isolement, respectivement jusqu'au 5 février 2018 et jusqu'au 5 mai 2018. Par une décision du 26 avril 2018, dont M. A... demande l'annulation, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a de nouveau prononcé la prolongation de son isolement à compter du 5 mai 2018. M. A... relève appel du jugement du 25 juin 2020, par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort du dossier de la procédure conduite devant le tribunal administratif de Besançon que le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public de prononcer ses conclusions à l'audience sur le fondement de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, aux termes duquel " Le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience des conclusions sur une requête " et non sur le fondement de l'article R. 732-1-1 code de justice administrative. Ainsi, le moyen tiré de ce que cette dispense serait intervenue hors des cas prévus par le code de justice administrative ne peut qu'être écarté comme inopérant. Si l'article R. 732-1 du ce code prévoit qu' " après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement (...), le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose ", il n'impose de faire connaître aux parties les conclusions du rapporteur public qu'à travers le prononcé de ces conclusions au cours de l'audience publique. Par suite, le moyen tiré de ce que la dispense de conclusions décidée par le président de la formation de jugement sur le fondement de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020 n'exemptait pas le rapporteur public d'une obligation de communiquer par écrit aux parties ses conclusions doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative aux termes duquel : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celui-ci comporte toutes les signatures requises par les dispositions qui précèdent. L'absence de signatures sur l'expédition du jugement notifié au requérant n'entache pas ce jugement d'irrégularité.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
Sur la légalité de la décision du 26 avril 2018 :
En ce qui concerne la légalité externe :
5. La décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon du 26 avril 2018 prolongeant pour trois mois à compter du 5 mai 20185 février 2018 la mise à l'isolement de M. A..., énonce en termes suffisamment précis les raisons de droit et de fait qui en constituent le fondement et satisfait dès lors à l'obligation de motivation.
En ce qui concerne la légalité interne :
6. Aux termes de l'article 726-1 du code de procédure pénale : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office. Cette mesure ne peut être renouvelée pour la même durée qu'après un débat contradictoire, au cours duquel la personne concernée, qui peut être assistée de son avocat, présente ses observations orales ou écrites. L'isolement ne peut être prolongé au-delà d'un an qu'après avis de l'autorité judiciaire. / Le placement à l'isolement n'affecte pas l'exercice des droits visés à l'article 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, sous réserve des aménagements qu'impose la sécurité. / Lorsqu'une personne détenue est placée à l'isolement, elle peut saisir le juge des référés en application de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. / Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article ". Le premier alinéa de l'article R. 57-7-73 du même code prévoit que : " Tant pour la décision initiale que pour les décisions ultérieures de prolongation, il est tenu compte de la personnalité de la personne détenue, de sa dangerosité ou de sa vulnérabilité particulière, et de son état de santé ".
7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la prolongation du placement à l'isolement de M. A..., décidée par le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon le 26 avril 2018, a été prise au regard du profil pénal et pénitentiaire et notamment du non-respect en récidive d'une assignation à résidence prononcée par le ministre de l'intérieur dans le cadre de l'état d'urgence, ayant fondé la condamnation de l'intéressé à une peine de 18 mois d'emprisonnement, des éléments contenus dans la notice individuelle établie par le juge d'instruction préconisant sa séparation du reste de la population pénale et de la circonstance que seul le quartier d'isolement permettait son encellulement individuel. Contrairement à ce que soutient le requérant, le directeur interrégional des services pénitentiaires n'a pas commis d'erreur de droit en fondant sa décision sur ces éléments, y compris ceux relatifs aux motifs de condamnation de l'intéressé, dès lors qu'ils étaient pertinents pour apprécier la nécessité de prolonger la mise à l'isolement de l'intéressé par mesure de protection ou de sécurité. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon n'aurait pas pris en compte la personnalité de M. A..., son éventuelle vulnérabilité ou son état de santé, comme l'exigeait notamment l'article R. 57-7-73 du code de procédure pénale.
8. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans sa notice individuelle établie le 31 octobre 2017, la présidente du tribunal de grande instance d'Auxerre préconisait de séparer M. A... des autres détenus en raison de l'instabilité de son caractère. En estimant que la nature des faits pour lesquels l'intéressé avait été condamné, associée aux préconisations la présidente du tribunal de grande instance d'Auxerre et aux caractéristiques propres à la maison d'arrêt de Besançon rendaient nécessaires, par mesure de protection ou de sécurité, la prolongation du placement à l'isolement de M. A..., et que la personnalité, la vulnérabilité ou l'état de santé de celui-ci ne s'y opposait pas, le directeur de la maison d'arrêt de Besançon n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. La prolongation de l'isolement de M. A..., qui ne présente pas le caractère d'une sanction, n'était, en tout état de cause, pas subordonnée à la condition qu'une telle mesure constitue l'unique moyen d'assurer la sécurité des personnes ou de l'établissement.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme demandée par M. A... au titre des frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
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N° 20NC03138