Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 octobre 2020, sous le n° 20NC03139, M. Belmir, représenté par Me David, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 25 juin 2020 ;
2°) d'annuler la décision du 1er juin 2018 par laquelle le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a rejeté son recours dirigé contre deux décisions du 2 mai 2018 par lesquelles le président de la commission de discipline de la maison d'arrêt de Besançon a, d'une part, révoqué le sursis dont était assortie la sanction prononcée à son encontre le 2 janvier 2018 et confirmée le 25 janvier 2018 et, d'autre part, prononcé à son encontre la sanction de sept jours de cellule disciplinaire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
s'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- le président de la formation de jugement ne pouvait pas dispenser le rapporteur public d'exposer à l'audience ses conclusions dès lors que son litige n'entrait pas dans les cas limitativement énumérés par l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative ; la dispense de conclusions décidée par le président de la formation de jugement ne dispensait pas le rapporteur public de communiquer par écrit aux parties ses conclusions ;
- le jugement attaqué ne comporte pas les signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
s'agissant de la légalité de la décision du 1er juin 2018 :
- la décision d'engager une procédure disciplinaire a son encontre a été prise par une signataire incompétente, dès lors que la délégation de signature a été publiée dans un recueil des actes administratifs de la préfecture qui ne comportait pas la signature du préfet ;
- cette délégation de signature n'a pas été régulièrement publiée au sein de l'établissement ;
- son avocat n'a pas été convoqué à la séance de la commission de discipline ;
- la procédure disciplinaire a méconnu les exigences de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la sanction qui lui a été infligée est entachée d'erreur de fait.
Par une ordonnance du 17 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée le 16 juillet 2021.
Le garde des sceaux, ministre de la justice a présenté un mémoire en défense le 14 janvier 2022, postérieurement à la clôture d'instruction, qui n'a pas été communiqué.
M. Belmir a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 18 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Goujon-Fischer, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. Belmir écroué à la maison d'arrêt de Besançon à compter du 14 décembre 2017, a fait l'objet, le 2 janvier 2018, d'une sanction de quatorze jours de cellule disciplinaire dont sept avec sursis, infligée par le président de la commission de discipline de la maison d'arrêt pour des faits de menaces à l'encontre d'un surveillant, ayant eu lieu le 1er janvier 2018. Par une décision du 25 janvier 2018, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a confirmé cette sanction. Par une décision du 2 mai 2018, faisant suite à la découverte, le 20 janvier 2018, d'objets interdits dans la cellule de M. Belmir, le président de la commission de discipline de la maison d'arrêt de Besançon a révoqué le sursis dont l'intéressé avait bénéficié et prononcé contre celui-ci une sanction de sept jours de cellule disciplinaire, à exécuter du 2 au 8 mai 2018, réprimant l'ensemble des faits fautifs dont l'intéressé s'était rendu coupable, selon l'administration, les 1er et 20 janvier 2018. Par une décision du 1er juin 2018, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon a confirmé cette décision. M. Belmir relève appel du jugement du 25 juin 2020, par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er juin 2018.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort du dossier de la procédure conduite devant le tribunal administratif de Besançon que le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public de prononcer ses conclusions à l'audience sur le fondement de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, aux termes duquel " Le président de la formation de jugement peut dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, d'exposer à l'audience des conclusions sur une requête " et non sur le fondement de l'article R. 732-1-1 code de justice administrative. Ainsi, le moyen tiré de ce que cette dispense serait intervenue hors des cas prévus par le code de justice administrative ne peut qu'être écarté comme inopérant. Si l'article R. 732-1 du ce code prévoit qu' " après le rapport qui est fait sur chaque affaire par un membre de la formation de jugement (...), le rapporteur public prononce ses conclusions lorsque le présent code l'impose ", il n'impose de faire connaître aux parties les conclusions du rapporteur public qu'à travers le prononcé de ces conclusions au cours de l'audience publique. Par suite, le moyen tiré de ce que la dispense de conclusions décidée par le président de la formation de jugement sur le fondement de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020 n'exemptait pas le rapporteur public d'une obligation de communiquer par écrit aux parties ses conclusions doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative aux termes duquel : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il résulte de l'examen de la minute du jugement attaqué que celui-ci comporte toutes les signatures requises par les dispositions qui précèdent. L'absence de signatures sur l'expédition du jugement notifié au requérant n'entache pas ce jugement d'irrégularité.
4. Il résulte de ce qui précède que M. Belmir n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
Sur la légalité de la décision du 1er juin 2018 :
En ce qui concerne la légalité externe :
5. Seule la décision prise à la suite du recours administratif obligatoire, qui se substitue nécessairement à la décision initiale, est susceptible d'être déférée au juge de la légalité. Toutefois, si l'exercice d'un tel recours a pour but de permettre à l'autorité administrative, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale, sans attendre l'intervention du juge, la décision prise sur le recours n'en demeure pas moins soumise elle-même au principe de légalité. Si le requérant ne peut invoquer utilement des moyens tirés des vices propres à la décision initiale, lesquels ont nécessairement disparu avec elle, il est recevable à exciper de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de discipline.
6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-15 du code de procédure pénale : " Le chef d'établissement ou son délégataire apprécie, au vu des rapports et après s'être fait communiquer, le cas échéant, tout élément d'information complémentaire, l'opportunité de poursuivre la procédure. Les poursuites disciplinaires ne peuvent être exercées plus de six mois après la découverte des faits reprochés à la personne détenue ".
7. Il ressort des pièces du dossier que la décision d'engager des poursuites disciplinaires à l'encontre de M. Belmir pour les faits de détention d'objets interdits en cellule, relevés le 20 janvier 2018, a été prise le 14 mars 2018 par Mme B..., directrice adjointe de la maison d'arrêt de Besançon, à qui le chef de cet établissement avait donné délégation, par une décision du 26 septembre 2017, publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du Doubs n° 25-2017-040 du 30 septembre 2017, à l'effet de décider de l'opportunité des poursuites en cas de manquement à la discipline de nature à justifier une sanction disciplinaire en application de l'article R. 57-7-15 du code de procédure pénale. La circonstance que ce recueil des actes administratifs, qui ne constitue pas une décision au sens de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, n'ait pas été signée par le préfet ne faisait pas obstacle à ce que la délégation de signature du 26 septembre 2017 soit rendue opposable aux tiers par sa publication au sein de ce recueil. En outre, la publication de cette délégation de signature au recueil des actes administratifs de la préfecture était, en raison de l'objet d'une telle décision, suffisante pour lui conférer date certaine et la rendre opposable aux tiers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision d'engagement des poursuites disciplinaires doit en tout état de cause être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 57-6-8 du code de procédure pénale : " Lorsqu'il est envisagé de prendre une décision individuelle défavorable à la personne détenue qui doit être motivée conformément aux dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration, la personne détenue peut se faire représenter ou assister par un conseil ou, dans les conditions prévues aux articles R. 57-6-9 à R. 57-6-16 et à l'exception des décisions intervenant en matière disciplinaire ou en matière d'isolement, par un mandataire de son choix. ". L'article R. 57-6-9 du même code dispose que : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration aux décisions mentionnées à l'article précédent, la personne détenue dispose d'un délai pour préparer ses observations qui ne peut être inférieur à trois heures à partir du moment où elle est mise en mesure de consulter les éléments de la procédure, en présence de son avocat ou du mandataire agréé, si elle en fait la demande (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier, comme l'ont relevé les premiers juges, que M. Belmir était assisté devant la commission de discipline, réunie le 2 mai 2018, de Me Vernet, avocat, conformément à sa demande du 26 avril 2018. L'intéressé a ainsi bénéficié des dispositions citées ci-dessus des articles R. 57-6-8 et R. 57-6-9 du code de procédure pénale. Si le rapport d'enquête du 14 mars 2018 mentionne le souhait de M. Belmir d'être assisté par Me David ou un avocat commis d'office, ces mêmes dispositions ne garantissent pas au détenu concerné le droit d'être assisté à la commission de discipline par l'avocat de son choix. Le moyen tiré du défaut de convocation de Me David à la séance de la commission de discipline doit, par suite, être écarté.
10. En quatrième lieu, eu égard à la nature et au degré de gravité des sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues, qui n'ont, par elles-mêmes, pas d'incidence sur la durée des peines initialement prononcées, les dispositions du code de procédure pénale relatives à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires ne sauraient être regardées comme portant sur des accusations en matière pénale au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, si les sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues peuvent entraîner des limitations de leurs droits et doivent être regardées de ce fait comme portant sur des contestations sur des droits à caractère civil au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la nature administrative de l'autorité prononçant les sanctions disciplinaires fait obstacle à ce que ces stipulations soient, en ce qu'elles concernent les contestations sur des droits de caractère civil, applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires. Par suite, le moyen tiré par M. Belmir de ce que la procédure disciplinaire menée à son encontre n'aurait pas respecté les exigences de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la légalité interne :
11. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'incident établi le 1er janvier 2018, mais également des faits reconnus par M. Belmir devant la commission de discipline, que celui-ci a proféré des menaces physiques explicites à l'encontre de ce surveillant à cette même date. Il ressort en outre du rapport d'incident établi le 20 janvier 2018 qu'à l'occasion d'une fouille de la cellule de M. Belmir, les surveillants pénitentiaires y ont trouvé, dissimulés sous le lavabo, une clé USB, une carte mémoire intégrée, de la pâte blanche et deux tubes de mayonnaise percés. En se bornant, sans faire état d'éléments précis ni probants, à soutenir que ces faits reposent sur les déclarations des surveillants pénitentiaires, que la fouille de sa cellule a eu lieu hors de sa présence et que sa cellule n'a pas fait l'objet d'un état des lieux d'entrée, M. Belmir n'établit pas que le directeur interrégional des services pénitentiaires de Dijon aurait fondé sa décision sur des faits matériellement inexacts.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. Belmir n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou à défaut la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
14. Ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, la somme demandée par M. Belmir au titre des frais non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. Belmir est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Belmir et au garde des sceaux, ministre de la justice.
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N° 20NC03139