Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 août 2020 M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 17 juin 2020 ;
3°) d'annuler l'arrêté de la préfète d'Indre-et-Loire du 9 juin 2020 ;
4°) d'enjoindre à la préfète d'Indre-et-Loire de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté n'est pas suffisamment motivé et révèle un défaut d'examen de sa situation particulière ;
- la préfète d'Indre-et-Loire ne pouvait prononcer à son encontre une mesure d'éloignement alors qu'il remplit les conditions pour obtenir de plein droit un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la préfète a également méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, celle fixant le pays de destination et l'interdiction de retour sur le territoire français sont privées de base légale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;
- la préfète a méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée à la préfète d'Indre-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public ;
- et les observations de Me B..., représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant mongol né le 9 octobre 1987, est entré en France le 24 juillet 2011. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 26 septembre 2012, confirmée le 2 octobre 2013 par la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 9 juin 2020, la préfète d'Indre-et-Loire l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra, le cas échéant, être reconduit d'office, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour en France pendant deux ans. M. D... relève appel du jugement du 17 juin 2020 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif d'Orléans a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 août 2020. Par conséquent, sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle est devenue sans objet.
Sur la légalité de l'arrêté contesté de la préfète d'Indre-et-Loire :
3. L'arrêté contesté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire pouvait à sa seule lecture en connaître les motifs. Il est donc suffisamment motivé et ne révèle aucun défaut d'examen de la situation particulière du requérant.
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein
droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Si M. D... se prévaut d'une durée de résidence en France de près de neuf ans, il ressort des pièces du dossier que celle-ci résulte du délai d'instruction de sa demande d'asile et de sa volonté de se maintenir irrégulièrement en France en dépit de précédentes mesures d'éloignement prononcées à son encontre. En outre, rien ne fait obstacle à ce que M. D... reforme sa cellule familiale hors de France avec son épouse, également en situation irrégulière, et avec les deux enfants mineurs du couple.
Dans ces conditions, et alors même que M. D... justifie d'une certaine insertion professionnelle, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, contraire aux dispositions et aux stipulations rappelées au point précédent.
6. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
7. Il résulte de ce qui a été dit au point 5, et alors qu'il n'est pas établi que les enfants mineurs du requérant ne pourraient poursuivre leur scolarité hors de France, que la préfète d'Indre-et-Loire n'a pas méconnu les stipulations rappelées au point précédent.
8. L'obligation de quitter le territoire français contestée n'étant, ainsi qu'il résulte des points précédents, pas illégale, M. D... n'est pas fondé à soutenir que les décisions prises sur son fondement devraient être annulées par voie de conséquence de cette illégalité.
9. Enfin, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) ".
10. La préfète d'Indre-et-Loire, dès lors que M. D... n'invoque aucune circonstance humanitaire, n'a pas méconnu les dispositions rappelées au point précédent en assortissant la mesure d'éloignement contestée d'une interdiction de retour sur le territoire français.
11. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M. D....
Article 2 : La requête de M. D... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée à la préfète d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, présidente de chambre,
- Mme Brisson, présidente assesseure,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2021.
Le rapporteur
E. A... La présidente
I. PerrotLa greffière
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02403