Par un jugement n° 1600875 du 6 mars 2019 le tribunal administratif de Nantes a condamné le centre hospitalier universitaire d'Angers à lui verser la somme de 200 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 avril 2019, 15 juillet 2020, 18 et
28 septembre 2020 M. C... F..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 mars 2019 en tant qu'il a constaté un non-lieu à statuer sur ses conclusions à fin d'annulation des décisions contestées et de le réformer en ce qu'il n'a pas fait droit à la totalité de ses conclusions indemnitaires ;
2°) d'annuler les décisions du 6 avril 2016, le plaçant en congé sans traitement à compter du 3 août 2015, du 9 octobre 2015 lui retenant son traitement au titre de la période du 3 août au
4 octobre 2015 et du 4 décembre 2015 rejetant son recours administratif du 17 novembre 2015 ;
3°) d'enjoindre au directeur du centre hospitalier universitaire d'Angers de reconstituer sa carrière ;
4°) de condamner le centre hospitalier universitaire d'Angers à lui verser la somme de 18 000 euros en réparation des préjudices qu'il a subis, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 février 2016, date de réception de sa demande, et de leur capitalisation ;
5°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Angers la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est recevable comme ayant été précédée d'une demande préalable présentée au centre hospitalier universitaire le 9 février 2016 ; l'ordonnance d'irrecevabilité du 3 février 2018 prise par le tribunal administratif est circonscrite au seul motif d'irrecevabilité invoqué ;
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal a prononcé un non-lieu à statuer ; la décision du 6 avril 2016 a la même portée que celle du 9 octobre 2015 et s'y est donc substituée ;
- la décision du 6 avril 2016 est illégale car elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît l'article 41-2 de la loi du 9 janvier 1986 et l'article 15 du décret du
19 avril 1988 car sa position en congé de maladie devait être maintenue pour la période litigieuse ;
- elle présente le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ;
- la responsabilité de son employeur est engagée ;
- il subit un préjudice financier et moral ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence en lien avec l'illégalité de la décision du 6 avril 2016.
Par des mémoires en défense enregistrés les 2 juillet, 23 septembre et 2 octobre 2020, le centre hospitalier universitaire d'Angers, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. F... n'est fondé.
En application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative les parties ont été informées le 9 juillet 2020 de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions de M. F... tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 2016 prise par le directeur du centre hospitalier universitaire d'Angers sont irrecevables dès lors qu'elles sont nouvelles en appel.
Des observations en réponse à ce moyen d'ordre public ont été présentées par M. F... par le mémoire du 15 juillet 2020 visé ci-dessus.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-336 du 19 avril 1988 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- les observations de Me B..., représentant M. F..., et de Me E... représentant le CHU d'Angers.
Une note en délibéré a été produite pour M. F... le 22 janvier 2021.
Considérant ce qui suit :
1. M F..., qui exerce les fonctions d'aide-soignant au centre hospitalier universitaire d'Angers, a été placé en position de congé de maladie ordinaire du 3 août au
4 octobre 2015. Mandaté par le centre hospitalier universitaire, un médecin conseil a, le
30 septembre 2015, estimé que l'état de santé de l'intéressé ne justifiait pas que ce dernier ait été, à compter du 3 août 2015, placé en arrêt de travail. Le 1er octobre 2015, le requérant a été mis en demeure de reprendre ses fonctions à compter du 5 octobre 2015. Par une décision du 9 octobre 2015, le directeur du centre hospitalier universitaire d'Angers a placé M. F... en congé sans traitement du 3 août au 4 octobre 2015 pour absence injustifiée. Ce dernier a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision ainsi que celle du 4 décembre 2015 rejetant le recours administratif formé contre cette décision. Par une première décision du 6 avril 2016, le directeur du centre hospitalier universitaire a procédé au retrait de la décision du 9 octobre 2015 et, par une seconde décision du même jour, a, de nouveau, placé M. F... en position de congé sans traitement pour la période du 3 août au 4 octobre 2015. Par un jugement n° 1600875 du 6 mars 2019, le tribunal administratif de Nantes a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par M. F... mais, constatant la faute commise par le centre hospitalier universitaire d'Angers, a condamné celui-ci à verser à son agent une indemnité de 200 euros. M. F... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Lorsqu'une décision administrative faisant l'objet d'un recours contentieux est retirée en cours d'instance pour être remplacée par une décision ayant la même portée, le recours doit être regardé comme tendant également à l'annulation de la nouvelle décision. Lorsque que le retrait a acquis un caractère définitif, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision initiale, qui ont perdu leur objet. Le juge doit, en revanche, statuer sur les conclusions dirigées contre la nouvelle décision prise par l'autorité compétente, les conclusions dirigées contre la décision initiale doivent être regardées comme également dirigées contre la nouvelle décision qui s'y est substituée.
3. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'instance n° 1600875 introduite devant le tribunal administratif de Nantes, le CHU d'Angers a procédé au retrait de sa décision du 9 octobre 2015 et l'a remplacée par une décision du 6 avril 2016 ayant également pour effet de placer M. F... en position de congé sans traitement entre le 3 août et le 4 octobre 2015, décision qui doit être regardée comme ayant acquis un caractère définitif. Il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de M. F... dirigées contre la décision du 6 avril 2016 le plaçant en congé sans traitement. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. F... à cette fin.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...)/ 2°) A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis de l'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42 (...) ". Aux termes de l'article 15 du décret du 19 avril 1988 : " / (...) / Les fonctionnaires bénéficiaires d'un congé de maladie doivent se soumettre au contrôle exercé par l'autorité investie du pouvoir de nomination. Cette dernière peut faire procéder à tout moment à la contre-visite de l'intéressé par un médecin agréé ; le fonctionnaire doit se soumettre, sous peine d'interruption de sa rémunération, à cette contre-visite. / (...)/ ". Ces dispositions ont pour objet de permettre à l'administration, lors d'une demande initiale de congé de maladie ou à chaque renouvellement, de vérifier, pour l'avenir, le bien-fondé de celle-ci en faisant procéder à une contre-expertise suivie, le cas échéant, d'une saisine du comité médical. L'agent intéressé, placé de plein droit en congé de maladie dès la demande qu'il a formulée sur le fondement d'un certificat médical, demeure en situation régulière tant que l'administration n'a pas expressément rejeté sa demande de congé de maladie ou n'a pas enjoint à l'agent de reprendre ses fonctions.
5. Sur la base d'un arrêt de travail qu'il a transmis à son employeur, M. F... a été placé en congé pour maladie à compter du 3 août et jusqu'au 4 octobre 2015. En application des dispositions précitées, il a fait l'objet d'une contre-visite d'un médecin agréé mandaté par le centre hospitalier universitaire qui a estimé, par un certificat médical du 30 septembre 2015, que l'état de santé de l'intéressé ne justifiait pas cet arrêt de travail. Si cet avis était de nature à ouvrir la possibilité d'une saisine du comité médical ou à faire obstacle à une prolongation de l'arrêt maladie postérieurement au 4 octobre 2015, il ne pouvait pas permettre à l'employeur de remettre d'office en cause la position de congé de maladie dans laquelle M. F... avait été placé de plein droit à compter du 3 août 2015 et qui restait valide jusqu'à la date d'effet de l'injonction qui avait été adressée à celui-ci de reprendre son travail le 5 octobre 2015. Dans ces conditions, en estimant que la position de M. F... du 3 août au 4 octobre 2015 devait être requalifiée en congé sans traitement et en demandant à son agent le reversement des rémunérations perçues durant cette période, le centre hospitalier universitaire d'Angers a méconnu les dispositions rappelées ci-dessus. La décision du 6 avril 2016 doit donc, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, être annulée pour ce motif.
Sur les conclusions à fin d'injonction et les conclusions indemnitaires :
6. En premier lieu, eu égard à ce qui vient d'être dit, M. F... est fondé à demander que le centre hospitalier universitaire d'Angers procède à la reconstitution de sa carrière au titre de la période du 3 août au 4 octobre 2015 et lui verse la rémunération à laquelle il pouvait prétendre s'il n'avait pas été placé en position de congé sans traitement s'élevant à la somme de 2 349,98 euros correspondant au montant mis à sa charge par l'avis de sommes à payer du 21 octobre 2015.
7. En second lieu, si le requérant ne justifie pas, par les pièces qu'il produit, du préjudice financier qui serait en lien direct et certain avec la faute commise par le centre hospitalier universitaire d'Angers, il résulte néanmoins de l'instruction que la mesure de placement en congé sans traitement a été pour M. F... à l'origine d'un préjudice moral et de troubles dans ses conditions d'existence dont les premiers juges ont, en l'espèce, fait une juste appréciation en mettant à la charge du centre hospitalier universitaire le versement de la somme de 200 euros.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
8. M. F... a droit, en application de l'article 1153 du code civil, aux intérêts au taux légal sur la somme de 2 849,98 euros à compter du 9 février 2016, date de réception par le centre hospitalier universitaire d'Angers de sa réclamation préalable.
9. Pour l'application des dispositions de l'article 1554 du code civil, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. L'intéressé a demandé pour la 1ère fois la capitalisation des intérêts dans sa requête enregistrée au greffe de la cour le 29 avril 2019. A cette date, il était dû plus d'une année d'intérêts. Il y a lieu de faire droit à cette demande de capitalisation à compter du 9 février 2017, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts et le cas échéant, à chaque échéance annuelle ultérieure.
Sur les frais du litige :
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire d'Angers la somme de 800 euros qui sera versée à M. F... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
11. En revanche, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. F... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance le versement d'une somme au titre des frais exposés par le centre hospitalier universitaire d'Angers et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1600875 du 6 mars 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il a estimé qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de M. F... dirigées contre la décision du 6 avril 2016 le plaçant en congé sans traitement.
Article 2 : La décision du 6 avril 2016 plaçant M. F... en position de congé sans traitement est annulée.
Article 3 : Le centre hospitalier universitaire d'Angers versera à M. F... une indemnité d'un montant total de 2 549,98 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du
9 février 2016. Les intérêts échus le 9 février 2017, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le surplus des conclusions indemnitaires de M. F... est rejeté.
Article 5 : Le centre hospitalier universitaire d'Angers versera à M. F... la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... et au centre hospitalier universitaire d'Angers.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot président de chambre,
- Mme D..., président-assesseur,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.
Le rapporteur
C. D...
Le président
I. Perrot
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19NT01642 2