Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 février 2017 M. B... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 6 octobre 2016 ;
2°) d'annuler la décision du 30 mars 2015 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été communiqué de façon suffisamment précise, en méconnaissance de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;
- ce jugement est irrégulier parce qu'il n'a pas été signé par le président, le rapporteur et le greffier d'audience ;
- l'administration pénitentiaire n'a pas accompli d'effort suffisant pour lui permettre d'assurer sa défense car, alors qu'il avait demandé à être assisté par un avocat commis d'office du barreau d'Alençon, elle a contacté le barreau d'Argentan, qui n'a pas répondu à sa demande ;
- l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est applicable à la procédure disciplinaire en milieu pénitentiaire et il n'a pas été respecté en l'espèce ; en effet l'impartialité des membres de la commission de discipline n'est pas assurée, de même que la publicité des débats ;
- l'article R. 57-7-3 du code de procédure pénale ne définit pas de façon suffisamment précise l'incrimination de refus d'obtempérer à des injonctions des membres du personnel et ne respecte donc pas le principe de légalité des peines ;
- la circonstance que le maximum du quantum encouru n'a pas été prononcé ne suffit pas à justifier du respect du principe de proportionnalité de la sanction.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2018 le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Bris,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., alors détenu au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, a fait l'objet d'un compte rendu d'incident le 11 février 2015 pour avoir refusé de quitter sa cellule du quartier disciplinaire en fin de sanction. La commission de discipline s'est réunie le 13 février 2015 et a prononcé à son encontre le jour même une sanction de quatre jours de cellule disciplinaire. M. C...a présenté un recours préalable auprès du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes qui a confirmé cette sanction par une décision du 30 mars 2015. L'intéressé relève appel du jugement du 6 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du relevé de l'application Sagace que, préalablement à l'audience qui s'est tenue le 21 septembre 2016, le sens des conclusions du rapporteur public a été porté à la connaissance des parties avec la mention " rejet au fond ". Le rapporteur public n'était pas tenu, à peine d'irrégularité du jugement, d'indiquer les motifs qui le conduisaient à proposer cette solution de rejet. Par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que cette information n'aurait pas été suffisante et que les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ainsi que le droit à un procès équitable auraient été méconnus.
3. En outre, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité au regard de ces dispositions manque en fait et ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision du 30 mars 2015 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue. Le dossier de la procédure disciplinaire est mis à sa disposition. /La personne détenue est informée de la date et de l'heure de sa comparution devant la commission de discipline ainsi que du délai dont elle dispose pour préparer sa défense. Ce délai ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. /Elle dispose de la faculté de se faire assister par un avocat de son choix ou par un avocat désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats et peut bénéficier à cet effet de l'aide juridique. (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que l'administration pénitentiaire a transmis le 11 février 2015 à 18h04 au bâtonnier de l'ordre des avocats d'Alençon la demande faite par M. C... d'être assisté par un avocat commis d'office, soit plus de 24 heures avant la séance de la commission de discipline prévue le 13 février suivant à 10h00. Le requérant n'est donc pas fondé à soutenir qu'elle n'a pas accompli des diligences suffisantes au motif qu'elle aurait transmis sa demande au barreau d'Argentan et non à celui d'Alençon comme il en avait émis le souhait. Ainsi, l'administration pénitentiaire doit être regardée comme ayant rempli ses obligations en mettant à même l'intéressé d'être assisté d'un conseil, alors même que celui-ci n'a en définitive pas pu bénéficier de l'assistance d'un avocat lors de la séance de la commission de discipline en raison du refus du bâtonnier du barreau d'Alençon de satisfaire à la demande qui lui avait été faite. Par suite, et alors qu'aucune disposition n'obligeait l'administration pénitentiaire à reporter la séance de la commission, les droits de la défense n'ont pas été méconnus.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-3 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du troisième degré le fait, pour une personne détenue : (...) 3° De refuser d'obtempérer aux injonctions des membres du personnel de l'établissement ; ", aux termes de l'article R. 57-7-33 du même code : " Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : /7° La mise en cellule disciplinaire. ". L'article R. 57-7-47 de ce code précise que : " Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder vingt jours pour une faute disciplinaire du premier degré, quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré. (...) ". Enfin, l'article R. 57-7-49 du code de procédure pénale prévoit : " Le président de la commission de discipline prononce celles des sanctions qui lui paraissent proportionnées à la gravité des faits et adaptées à la personnalité de leur auteur. (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est du reste pas contesté par M. C...que, le 11 février 2015 vers 9h00, ce dernier a refusé d'obéir à un membre du personnel du centre pénitentiaire qui lui demandait de quitter la cellule disciplinaire où il avait achevé d'exécuter une précédente sanction. Compte tenu des antécédents disciplinaires de l'intéressé, et alors que le quantum maximum pour une faute disciplinaire du troisième degré est de sept jours, le directeur interrégional des services pénitentiaires n'a pas commis d'erreur d'appréciation en lui infligeant pour ce motif une sanction de quatre jours de cellule disciplinaire.
8. Pour le surplus, M. C...se borne à reprendre devant la cour les moyens qu'il avait déjà développés en première instance, sans les assortir de précisions ou d'éléments nouveaux. Par suite, ces moyens seront écartés par adoption des motifs qui ont été retenus par les juges de première instance, tirés de ce que le moyen relatif à la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant, ainsi que les moyens de procédure qui s'y attachent, et de ce que les dispositions citées au point 6 du 3° de l'article R. 57-7-3 du code de procédure pénale ne méconnaissent pas le principe de légalité des peines.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1 : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 janvier 2019
Le rapporteur,
I. Le BrisLe président,
I. PerrotLe greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT00650