Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 avril 2017, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 février 2017 et de rejeter la demande présentée par Mme E...B...en première instance.
Il soutient que la demande de Mme E...B...devant le tribunal administratif de Rennes était tardive et donc irrecevable.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2018, Mme E...B..., représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'annuler les décisions litigieuses du préfet du Finistère du 25 juin 2013 et du 23 septembre 2014 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que le moyen soulevé par le ministre de l'agriculture et de l'alimentation n'est pas fondé et que la décision contestée du 25 juin 2013 est entachée de détournement de procédure et est insuffisamment motivée.
Par un mémoire enregistré le 5 juillet 2018 l'EARL Toutous, représentée par Me C..., demande à la cour d'annuler le jugement attaqué, de rejeter la demande présentée par Mme E...B...en première instance et de mettre à la charge de Mme E...B...la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande était irrecevable ;
- les moyens soulevés par Mme E...B...ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la tardiveté des conclusions présentées par l'EARL Toutous Sylvie.
Par des observations enregistrées le 14 novembre 2018, l'EARL Toutous Sylvie a répondu au courrier l'informant qu'un moyen d'ordre public était susceptible d'être soulevé d'office par la cour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Berthon,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par des arrêtés du 20 novembre 2009, le préfet du Finistère a accordé d'une part à Mme E...B...et d'autre part à l'EARL Toutous Sylvie l'autorisation d'exploiter les mêmes terres agricoles situées sur le territoire des communes de Landrévarzec et de Briec. A la demande de Mme E...B..., le tribunal administratif de Rennes, par un jugement du 31 décembre 2012 devenu définitif a annulé pour insuffisance de motivation l'autorisation délivrée à l'EARL Toutous Sylvie. Toutefois, par un arrêté du 25 juin 2013, le préfet du Finistère a délivré à cette société une nouvelle autorisation d'exploiter les terres en litige. Mme E...B...lui a demandé, dans un courrier daté du 16 septembre 2014, de retirer cette nouvelle autorisation. Le préfet, par une décision du 23 septembre 2014, a rejeté sa demande. Mme E...B...a alors saisi le tribunal administratif de Rennes qui, par un jugement du 3 février 2017, a annulé la décision du préfet du Finistère du 23 septembre 2014 après avoir écarté la fin de non-recevoir opposée par l'administration et par l'EARL Toutous Sylvie, tirée de la tardiveté de la demande de première instance. Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et l'EARL Toutous Sylvie relèvent appel de ce jugement.
Sur la recevabilité des conclusions présentées par l'EARL Toutous Sylvie :
2. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4 (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'EARL Toutous Sylvie a reçu notification du jugement attaqué le 13 février 2017. Ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement et à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative n'ont toutefois été enregistrées au greffe de la cour administrative d'appel que le 5 juillet 2017, soit après l'expiration du délai imparti par les dispositions précitées. Elles sont donc irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la recevabilité de la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif :
4. Selon l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". Aux termes du III de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable, issue du décret n°2007-865 du 14 mai 2007 : " Le préfet notifie sa décision [d'autorisation d'exploiter] aux demandeurs, aux propriétaires et aux preneurs en place par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise contre récépissé. Cette décision fait l'objet d'un affichage à la mairie de la commune sur le territoire de laquelle sont situés les biens. Elle est publiée au recueil des actes administratifs. ".
5. Il est constant qu'au regard de la décision préfectorale contestée du 25 juin 2013 autorisant l'EARL Toutous Sylvie à exploiter les terres en litige, Mme E...B...n'avait, au sens des dispositions précitées de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime, ni la qualité de demandeur, ni celle de propriétaire ou de preneur en place. Cette décision n'avait donc pas en vertu des dispositions du III de l'article R. 331-6 du code rural et de la pêche maritime rappelées au point précédent, à lui être notifiée. Par suite, c'est son affichage par les maires des communes de Landrévarzec et de Briec, régulièrement intervenu les 28 juin et 1er juillet 2013 ainsi qu'il ressort des pièces du dossier qui a fait courir à l'encontre de Mme E...B...le délai de recours contentieux. La demande de Mme E...B..., enregistrée le 24 novembre 2014 au greffe du tribunal administratif après l'expiration du délai de recours contentieux, délai que le recours gracieux qu'elle a formé le 16 septembre 2014 n'a pas interrompu en raison de sa propre tardiveté, était donc irrecevable. Par conséquent, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande de Mme E...B..., et à demander l'annulation de ce jugement.
Sur les frais de l'instance :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme E...B...la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1405342 du tribunal administratif de Rennes du 3 février 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme E...B...devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées en appel par l'EARL Toutous Sylvie sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, à Mme A... E...B...et à l'EARL Toutous Sylvie.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Coiffet, président-assesseur
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 janvier 2019.
Le rapporteur
E. BerthonLe président
O. Coiffet
Le greffier
M. E...G...
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de l'alimentation en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01089