Elles soutiennent que :
- la cour est compétente en premier et dernier ressort ;
- la requête est recevable ;
- la décision de la commission nationale d'aménagement commercial n'est pas suffisamment motivée en fait ;
- la société Sorodis s'est livrée à des manoeuvres visant à se soustraire au régime du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale et aurait dû déposer une demande unique auprès de la mairie, comme le prévoit l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme ;
- le projet ne contribuera pas à l'animation de la vie urbaine et aura un impact négatif sur les commerces déjà existants en raison du contexte local ;
- le projet n'est pas suffisamment desservi par les transports en commun et les modes de circulation doux ;
- le projet n'améliorera pas la situation existante s'agissant des effets en matière de développement durable, les mesures prises étant insuffisantes, alors que des zones protégées sont concernées.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 octobre 2017 et 23 février 2018, la société Sorodis, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande qu'il soit mis à la charge des requérantes une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens d'annulation soulevés par les requérantes n'est fondé.
Un mémoire en production de pièces, enregistré le 27 décembre 2017, a été présenté par la commission nationale d'aménagement commercial.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- les conclusions de M. Sacher, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la société Agralys et la société Les paysages de Sologne et de MeA..., représentant la société Sorodis.
Considérant ce qui suit :
1. La société Agralys et la société Les paysages de Sologne ont, le 23 janvier 2017, exercé un recours préalable dirigé contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial du Loir-et-Cher du 14 décembre 2016 autorisant le projet de la société Sorodis d'extension de 1 980 m² de la surface de vente du magasin existant à l'enseigne " Brico Jardi Animalerie E. Leclerc ", portant sa surface totale de vente à 7 180 m², au 81 avenue de Paris à Romorantin-Lanthenay. Par une décision du 27 avril 2017, la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a accordé à la société Sorodis l'autorisation sollicitée. La société Agralys et la société Les paysages de Sologne demandent l'annulation de cette décision.
Sur la motivation de la décision de la CNAC :
2. Aux termes de l'article R. 752-38 du code du commerce, relatif au recours contre les décisions ou avis des commissions départementales d'aménagement commercial présentées devant la Commission nationale d'aménagement commercial : " (...) L'avis ou la décision est motivé (...) ". Cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables, même au vu des arguments soulevés dans le cadre du recours administratif préalable obligatoire. En l'espèce, en indiquant que le projet n'entraînera pas d'imperméabilisation supplémentaire, que l'impact sur les flux de circulation sera marginal, avec également l'installation de deux bornes pour les véhicules électriques et dix-neuf places réservées au covoiturage et que le projet prévoit une amélioration des espaces végétalisés, la commission a suffisamment motivé sa décision.
Sur le moyen tiré du détournement de procédure :
3. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux se borne à ouvrir au public une surface de vente extérieure sur une partie d'un parking existant, ne nécessitant aucun travail immobilier et à utiliser à des fins de commerce une surface de 380 m², qui était une ancienne cafétéria, à l'intérieur du bâtiment existant. Si les requérants soutiennent que le muret faisant office de clôture entraînera une création importante d'emprise au sol, l'article R. 421-2 du code de l'urbanisme dispense de toute formalité au titre du même code les clôtures, sauf exception, non établie en l'espèce. Ainsi, le projet n'emporte pas de création d'emprise au sol supérieure à 40 m², ni de modification de la façade du bâtiment avec un changement de destination rendant nécessaire un permis de construire. Il n'est pas davantage établi que le permis de construire obtenu le 7 juin 2016 portait notamment sur la réaffectation du local commercial de 380 m², l'arrêté de permis de construire ne faisant état que d' " aménagements intérieurs " sans autre précision. Dès lors, le moyen tiré du détournement de procédure en l'absence de permis de construire valant autorisation d'aménagement commercial doit être écarté.
Sur le respect par le projet des critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce :
4. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " I.-L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; (...) c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; (...) ".
En ce qui concerne l'aménagement du territoire :
S'agissant de l'effet sur l'animation de la vie urbaine :
5. Il ressort des pièces du dossier que le projet est implanté à 3 km et 7 minutes du centre-ville de Romorantin-Lanthenay, dans une zone périphérique d'activités économiques et commerciales, dénommée " les Portes de Sologne ". Le pétitionnaire souhaite compléter l'offre par la création d'un espace extérieur dédié aux végétaux de pleine terre, à la mise en scène et théâtralisation d'aménagement de jardin, aux abris de jardin, au plein-air, au bâti lourd. Si quatre magasins de bricolage/jardinerie sont présents sur la commune ou la commune voisine, seuls deux sont spécialisés en jardinerie. Il n'est pas établi, notamment par l'article de presse produit, que la fermeture du magasin " Mr Bricolage " situé sur le territoire de la même commune serait uniquement lié au contexte concurrentiel. En outre, la société Sorodis a apporté des éléments démontrant une vacance commerciale faible en centre-ville et un taux important d'évasion commerciale vers Blois, Orléans, Tours et Bourges. Ainsi et malgré la circonstance, certes regrettable, que l'affectation de la cellule commerciale de 380 m² n'ait pas été précisée, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que le projet aurait un effet négatif sur l'animation de la vie urbaine.
S'agissant de l'effet de l'accessibilité du projet par les transports collectifs et les modes de déplacement doux :
6. Il est constant que le site est desservi par la ligne 4 du réseau Route 41 du conseil départemental, desservant Romorantin-Lanthenay. Neuf bus circulent sur la journée, de 7h40 à 18h20. L'arrêt " centre commercial Nord ", le plus proche du magasin, est situé à 300 mètres. Si cet arrêt n'est desservi que par 2 à 7 bus par jour selon le jour et le sens de circulation, cette circonstance n'est pas à elle seule de nature à justifier le refus de l'autorisation sollicitée, s'agissant d'une enseigne spécialisée dans le bricolage et la jardinerie, avec seulement 4 % de clients utilisant les transports en commun, et alors même que l'affectation de la cellule commerciale de 380 m² n'a pas été précisée. Il en est de même de la circonstance que les modes de déplacements doux auraient pu être améliorés, ces modes concernant moins de 2 % des clients.
En ce qui concerne le développement durable :
S'agissant de l'insertion paysagère et architecturale du projet :
7. Il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre du projet, les arbres existants seront conservés. Seuls deux arbres sur le parking, dans l'emprise de l'extension de la surface de vente, seront déplacés. La végétalisation des espaces verts en limite de l'avenue de Paris sera améliorée avec des plantations d'arbustes de type fusain nain, potentille orange et églantier. Par ailleurs, lors de l'instruction du dossier devant la CNAC, le pétitionnaire a indiqué vouloir améliorer les espaces végétalisés par la plantation d'arbres de haute tige et de massifs sur toute la limite du foncier depuis le domaine public, afin de limiter l'impact visuel du bâtiment.
S'agissant de la qualité environnementale du projet :
8. Le projet porte sur une extension sous la forme d'un espace de vente extérieur sur une partie du parking existant et donc déjà imperméabilisé. Ainsi, s'il ne diminue pas les espaces imperméabilisés, il ne les accroit pas. De même, il ne réduit pas les espaces verts. De plus, il prévoit deux bornes de recharge pour les véhicules électriques. Si, comme l'indique la CNAC, le site est entièrement situé en zone Natura 2000, site " Sologne ", au vu de la nature du projet, portant sur une zone déjà urbanisée, il n'est pas établi que des mesures spécifiques auraient dû être prises.
9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Agralys et la société Les paysages de Sologne ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision de la commission nationale d'aménagement commercial du 27 avril 2017 autorisant le projet d'extension du magasin de la société Sorodis.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Sorodis et de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement d'une somme au titre desdites dispositions. Il y a lieu, en l'espèce, de mettre à la charge de la société Agralys et de la société Les paysages de Sologne le versement à la société Sorodis d'une somme globale de 1 500 euros au titre des frais exposés en appel.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête des sociétés Agralys et Les paysages de Sologne est rejetée.
Article 2 : La société Agralys et la société Les paysages de Sologne verseront à la société Sorodis une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Agralys, à la société Les paysages de Sologne, au ministre de l'économie et des finances et à la société Sorodis.
Délibéré après l'audience du 21 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Dussuet, président de chambre,
- M. Degommier, président assesseur,
- Mme Picquet, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 janvier 2019.
Le rapporteur,
P. PICQUET
Le président,
J-P. DUSSUET
Le greffier,
C. POPSE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances et au ministre de la cohésion des territoires en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées,
de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT02185