Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 octobre 2017 M. B... C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 27 avril 2017 ;
2°) d'annuler la décision du 25 mai 2016 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier car le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été communiqué de façon suffisamment précise, en méconnaissance de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ;
- ce jugement est irrégulier parce qu'il n'a pas été signé par le président, le rapporteur et le greffier d'audience ;
- le compte rendu d'incident a été établi en méconnaissance de l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale car il ne comporte pas le nom de son auteur ;
- la décision de saisir la commission de discipline a été prise par un agent qui ne disposait pas d'une délégation de signature et dont le nom a manifestement été porté sur le document par un montage ; en outre elle a été prise le 30 janvier 2016 à 10h01, postérieurement à sa convocation devant la commission de discipline, datée du même jour à 9h41, ce qui constitue une irrégularité ;
- les comptes-rendus professionnels méconnaissent les principes définis par le code de procédure civile ainsi que l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision contestée méconnaît l'article R. 57-7-51 du code de procédure pénale car elle prononce une sanction de 44 jours de cellule disciplinaire, qu'il a entièrement exécutée, alors que le quantum maximum était de 30 jours ;
- en l'absence de tout autre élément, la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie par les seuls témoignages des surveillants ;
- la sanction prononcée, qui atteint le maximum du quantum encouru, est disproportionnée ; la peine n'a pas été individualisée.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2018 le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. C...ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Le Bris,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M.C..., alors détenu au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, a fait l'objet d'un compte rendu d'incident le 29 janvier 2016 après avoir frappé un surveillant et avoir proféré des insultes et menaces à l'endroit des agents qui lui ont fait réintégrer sa cellule. La commission de discipline s'est réunie le 1er février 2016 et a prononcé à son encontre le jour même deux sanctions, respectivement de trente jours et quatorze jours de cellule disciplinaire. M. C...a présenté un recours préalable auprès du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes qui a réformé cette décision et prononcé une sanction unique de trente jours de cellule disciplinaire le 25 mai 2016. L'intéressé relève appel du jugement du 27 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du relevé de l'application Sagace que, préalablement à l'audience qui s'est tenue le 6 avril 2017, le sens des conclusions du rapporteur public a été porté à la connaissance des parties avec la mention " rejet au fond ". Le rapporteur public n'était pas tenu, à peine d'irrégularité du jugement, d'indiquer les motifs qui le conduisaient à proposer cette solution de rejet. Par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que cette information n'aurait pas été suffisante et que les dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ainsi que le droit à un procès équitable auraient été méconnus.
3. En outre, il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait entaché d'irrégularité au regard de ces dispositions manque en fait et ne peut qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision du 25 mai 2016 du directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-51 du code de procédure pénale : " Lorsque la commission de discipline est amenée à se prononcer le même jour sur plusieurs fautes commises par la même personne majeure, le président de la commission peut prononcer, pour chaque faute, l'une des sanctions prévues à l'article R. 57-7-33 et, le cas échéant, l'une des sanctions prévues à l'article R. 57-7-34. / Sauf décision contraire du président de la commission de discipline, les durées des sanctions prononcées se cumulent entre elles. Toutefois, en cas de cumul, lorsque les sanctions sont de même nature, leur durée cumulée ne peut excéder la limite du maximum prévu pour la faute la plus grave. Pour l'application de cette disposition, sont réputés de même nature : 1° Le confinement en cellule individuelle ordinaire et le placement en cellule disciplinaire ; (...) ".
5. Par la décision contestée, qui s'est substituée à celle prise par la commission de discipline le 1er février 2016, le directeur interrégional des services pénitentiaires de Rennes a prononcé à l'encontre de M.C..., à raison des deux fautes disciplinaires qui lui étaient reprochées, une sanction unique de 30 jours de cellule disciplinaire correspondant au maximum prévu pour la faute la plus grave, conformément aux dispositions citées au point 4 de l'article R. 57-7-51. Par suite, et quand bien même la commission de discipline avait préalablement prononcé deux sanctions dont la durée cumulée dépassait ce maximum, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté. En outre, la circonstance, au demeurant non établie, que M. C...aurait en réalité exécuté 44 jours de cellule disciplinaire est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision en litige.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale :
" A la suite de ce compte rendu d'incident, un rapport est établi par un membre du personnel de commandement du personnel de surveillance, un major pénitentiaire ou un premier surveillant et adressé au chef d'établissement. Ce rapport comporte tout élément d'information utile sur les circonstances des faits reprochés à la personne détenue et sur la personnalité de celle-ci. L'auteur de ce rapport ne peut siéger en commission de discipline. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que le compte-rendu établi le 29 janvier 2016 et le rapport d'enquête établi le lendemain, sur lesquels le directeur interrégional de l'administration pénitentiaire a fondé sa décision, relatent que M. C...a assené un coup de poing au visage d'un surveillant qui lui avait fait une remarque sur le caractère inadapté de sa tenue et qu'il a également insulté et menacé les surveillants qui l'ont maitrisé pour lui faire réintégrer sa cellule, faits dont le surveillant auteur du compte-rendu d'incident a été le témoin. Si M. C...soutient que le seul témoignage d'un surveillant ne peut suffire à établir la matérialité des faits qui lui sont reprochés, il n'apporte aucun élément de nature à mettre valablement en doute l'exactitude ou la sincérité du compte-rendu d'incident établi par le surveillant qui les a constatés. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la matérialité des faits qui fondent la décision contestée ne serait pas établie.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale : " Constitue une faute disciplinaire du premier degré le fait, pour une personne détenue : 3°D'exercer ou de tenter d'exercer des violences physiques à l'encontre d'un membre du personnel ou d'une personne en mission ou en visite dans l'établissement (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-33 du même code : " Lorsque la personne détenue est majeure, peuvent être prononcées les sanctions disciplinaires suivantes : (...) / 7° La mise en cellule disciplinaire. ". L'article R. 57-7-47 de ce code précise que : " Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder vingt jours pour une faute disciplinaire du premier degré, quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré et sept jours pour une faute disciplinaire du troisième degré. / Cette durée peut être portée à trente jours lorsque les faits commis constituent une des fautes prévues au 1° et au 2° de l'article R. 57-7-1. ". Enfin, l'article R. 57-7-49 du même code prévoit : " Le président de la commission de discipline prononce celles des sanctions qui lui paraissent proportionnées à la gravité des faits et adaptées à la personnalité de leur auteur. Pour les détenus mineurs, il tient compte, notamment, de leur âge et de leur degré de discernement. (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
9. Les faits relatés au point 7 constituent une faute disciplinaire du premier degré au sens des dispositions précitées de l'article R. 57-7-1 du code de procédure pénale, faute qui pouvait légalement faire l'objet d'un placement en cellule disciplinaire dont la durée ne pouvait excéder trente jours. Compte tenu des antécédents disciplinaires de l'intéressé, et de la circonstance qu'il a en outre insulté et menacé des surveillants, le directeur interrégional des services pénitentiaires n'a pas commis d'erreur d'appréciation et a prononcé une peine adaptée à sa personnalité en lui infligeant pour ces motifs une sanction de trente jours de cellule disciplinaire.
10. Pour le surplus, M. C...se borne à reprendre devant la cour les moyens qu'il avait déjà développés en première instance, sans les assortir de précisions ou d'éléments nouveaux. Par suite, ces moyens seront écartés par adoption des motifs qui ont été retenus par les juges de première instance, tirés de ce que le compte rendu d'incident établi le 29 janvier 2016 est conforme aux dispositions de l'article R. 57-7-13 du code de procédure pénale, de ce que la décision de saisine de la commission de discipline a été signée par une autorité compétente, qui n'a pas commis de faux en écriture, et qu'elle n'est pas entachée d'irrégularité, et de ce que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du code de procédure civile est inopérant.
11. Il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1 : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 11 janvier 2019
Le rapporteur,
I. Le BrisLe président,
I. PerrotLe greffier,
M. D... La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT03215