Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 novembre 2017 et 28 septembre 2018, La Poste, représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 septembre 2017 en tant qu'il a fait partiellement droit aux demandes de M. B...;
2°) de rejeter en totalité la demande de M. B...devant le tribunal administratif d'Orléans ;
3°) de mettre à la charge de M. B...le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- les premiers juges ont retenu un moyen irrecevable, dès lors que la prétendue faute liée à l'absence de concours interne n'a été invoquée par M. B...que postérieurement à l'expiration du délai de recours ;
- l'absence d'organisation de concours interne ne constitue pas une faute ;
- le tribunal administratif a accepté d'indemniser un préjudice moral en réalité inexistant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2018 M.B..., représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce que La Poste soit condamnée à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité du processus de promotion mis en place par La Poste depuis le 14 décembre 2009. Il conclut en outre à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de La Poste au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
- qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
- qu'il est bien fondé à voir engager la responsabilité de La Poste à raison des dysfonctionnements et retards observés dans la mise en oeuvre d'un dispositif de promotion interne, qui lui ont occasionné des préjudices de carrière ainsi qu'un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence que les premiers juges ont inexactement appréciés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée, portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée, relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom ;
- le décret n° 58-777 du 25 août 1958 modifié, portant règlement d'administration publique pour la fixation du statut particulier du corps des inspecteurs des postes, télégraphes et téléphones ;
- le décret n° 64-953 du 11 septembre 1964 modifié, relatif au statut particulier du corps des contrôleurs divisionnaires des postes et télécommunications ;
- le décret n° 72-503 du 23 juin 1972 modifié, portant statut particulier du corps des contrôleurs des postes et télécommunications ;
- le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de La Poste.
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Francfort, président-assesseur,
- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant La Poste S.A.
Une note en délibéré, présentée pour La Poste, a été enregistrée le 18 décembre 2018.
Considérant ce qui suit :
Les faits, la procédure :
1. Il résulte de l'instruction que M. B...a intégré le service des Postes et Télécommunications en juillet 1982 en qualité d'agent d'exploitation du service général, avant d'être promu au grade de contrôleur suite à sa réussite à un concours en juin 1983. Dans le cadre de la réforme mise en place par la loi du 2 juillet 1990, il a intégré les services de La Poste et a choisi de rester dans son corps d'origine devenant ainsi un fonctionnaire dit " reclassé ". Estimant avoir subi un préjudice à raison du blocage de sa carrière, il a introduit un recours devant le tribunal administratif d'Orléans qui, par jugement du 29 décembre 2008, a rejeté sa demande. Par un arrêt du 20 janvier 2011 la cour administrative d'appel de Nantes a condamné solidairement l'Etat et La Poste à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation de l'atteinte portée à ses droits statutaires. Il s'est pourvu devant le Conseil d'Etat qui, par une décision du 22 décembre 2011, a rejeté son pourvoi.
2. M. B...a été promu dans le corps des contrôleurs divisionnaires le 30 décembre 2013. Toutefois, estimant toujours subir un préjudice, par lettre du 11 juin 2014, M. B...a adressé une réclamation au président de La Poste afin d'obtenir le versement d'une somme de 30 000 euros en réparation des préjudices subis à raison de l'illégalité du processus de promotion et d'avancement mis en place par La Poste depuis la parution du décret du 14 décembre 2009, la reconstitution de sa carrière à compter du 1er janvier 2010 ainsi que la prise en compte des conséquences pécuniaires de cette reconstitution impliquant le versement à ce titre d'une somme de 13 446,39 euros, le versement des cotisations correspondantes au service des pensions de retraite de La Poste et de France Télécom, et enfin son inscription sur la liste d'aptitude au grade d'inspecteur au titre de l'année 2013. L'absence de réponse à sa demande a fait naître une décision implicite de rejet, dont M. B...a saisi le tribunal administratif d'Orléans.
3. Ce dernier a partiellement fait droit à sa demande en condamnant La Poste à lui verser la somme de 800 euros au titre de son préjudice moral. La Poste relève appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé cette condamnation. M. B...demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler le même jugement en ce qu'il a pour partie rejeté les conclusions de sa demande et de faire droit à ces mêmes conclusions.
Sur la requête de La Poste :
4. En premier lieu, et contrairement à ce que soutient La Poste, les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement en estimant que les dispositions du décret du 14 décembre 2009, visé ci-dessus, n'emportent pas en elles-mêmes de dérogation à l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 et ne font pas obstacle à l'application des décrets statutaires régissant les différents corps énumérés en annexe dont celui des contrôleurs de La Poste, en relevant qu'il revenait à La Poste d'appliquer les dispositions du décret du 11 septembre 1964 relatif au statut particulier du corps des contrôleurs divisionnaires des postes et télécommunication, lequel ne comporte aucune dérogation prévue à l'article 10 de la loi du 11 janvier 1984, et de procéder au recrutement dans ce corps dans le respect des proportions fixées entre les différentes voies d'accès que constituent le concours interne et la liste d'aptitude, et en déduisant qu'en refusant d'organiser un concours interne, sans qu'aucune disposition dérogatoire n'ait légalement justifié cette exclusion, La Poste avait commis une illégalité fautive. Ils ont ainsi expressément écarté le moyen soulevé en défense selon lequel les dispositions du décret du 14 décembre 2009 et de l'article 22 de la loi du 11 janvier 1984 permettaient à La Poste de rétablir la promotion interne par la voie de la seule liste d'aptitude, à l'exclusion de tout concours interne.
5. En deuxième lieu, le moyen soulevé par M. B...devant le tribunal administratif, tiré de l'absence de concours interne dans les dispositifs de promotion et d'avancement mis en place par La Poste à la suite de l'entrée en vigueur du décret du 14 décembre 2009 se rattache à la responsabilité de l'opérateur pour les fautes commises dans le cadre du processus de promotion mis en place depuis le 14 décembre 2009. Cette cause juridique et ce fait générateur étant déjà invoqués dans la réclamation préalable du 11 juin 2014, La Poste n'est pas fondée à soutenir que cette argumentation devrait être écartée comme procédant devant la cour d'une cause juridique nouvelle.
6. En troisième lieu, ainsi que l'ont apprécié les premiers juges, les dispositions de l'article 1er du décret du 14 décembre 2009 susvisé n'emportent pas en elles-mêmes de dérogation à l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 et ne font pas obstacle à l'application des décrets statutaires régissant les différents corps énumérés en annexe dont celui des contrôleurs divisionnaires des postes et télécommunications qu'il n'abroge pas. Le statut particulier du corps des contrôleurs divisionnaires des postes et télécommunications prévoit au nombre des modalités de promotion interne la voie du concours interne et celle de la liste d'aptitude. Alors même que La Poste fait valoir qu'elle a fait le choix de privilégier la voie de la liste d'aptitude, cette circonstance ne la dispensait pas d'appliquer ces dispositions du statut particulier du corps des contrôleurs divisionnaires régi par le décret susvisé du 11 septembre 1964 et de procéder au recrutement dans ce corps dans le respect des proportions expressément fixées par le 2° de l'article 2 de ce décret entre les différentes voies d'accès que constituent le concours interne et la liste d'aptitude.
7. Contrairement à ce que soutient La Poste, le Conseil d'Etat, en refusant de faire droit aux conclusions à fin d'astreinte liées à l'exécution de sa décision du 11 décembre 2008 n'a pas statué sur la légalité du dispositif de promotion qu'elle a mis en place à la suite du décret du 14 décembre 2009, laquelle constitue un litige distinct de celui tranché par ladite décision du 11 décembre 2008.
8. Par suite, en s'abstenant d'organiser un concours interne d'accès au corps des contrôleurs divisionnaires, sans qu'aucune disposition dérogatoire n'ait légalement justifié cette exclusion, La Poste a commis une illégalité fautive.
9. En quatrième lieu il résulte des dispositions des articles 2 bis et 3 du décret n° 58-777 du 25 août 1958, portant statut particulier du corps des inspecteurs de La Poste, tel que modifié par le décret n° 2009-1555, que ces inspecteurs sont recrutés, soit par inscription sur une liste d'aptitude, soit après réussite à un concours interne. La Poste admet ne pas avoir organisé des concours internes en vue d'assurer la promotion des agents reclassés depuis janvier 2010, indiquant cependant avoir mis en oeuvre le processus de promotion de ces agents par inscription sur liste d'aptitude dès janvier 2010 aux motifs que ce dispositif est plus simple et plus rapide à mettre en place et répondrait mieux aux aspirations des agents reclassés. Toutefois de telles circonstances ne dispensaient pas l'opérateur d'appliquer les dispositions précitées des décrets du 25 août 1958 portant règlement d'administration publique pour la fixation du statut particulier du corps des inspecteurs des postes, télégraphes et téléphones. En s'abstenant d'appliquer celles de ces dispositions qui prévoient l'organisation d'un concours interne, sans qu'aucune disposition dérogatoire n'ait légalement justifié cette exclusion, La Poste a également commis une faute.
11. En dernier lieu, La Poste ne fournit à la cour aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle les premiers juges se sont livrés en évaluant à 800 euros le préjudice moral subi par M. B...en raison de l'atteinte portée à ses droits statutaires du fait des fautes commises par La Poste dans l'application des dispositifs de promotion interne, telles qu'elles ont été qualifiées ci-dessus.
12. Il résulte de tout ce qui précède que La Poste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans l'a condamnée à verser à M. B... une somme de 800 euros ;
Sur les conclusions d'appel incident de M. B...:
13. En premier lieu, il y a lieu par adoption des motifs du jugement attaqué, de rejeter les conclusions d'appel incident de M. B...tendant à l'indemnisation de la perte de traitements et de rémunérations accessoires induite par l'illégalité du processus de promotion et d'avancement mis en place par La Poste depuis le 14 décembre 2009.
14. En second lieu, que M. B...ne fournit à la cour aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation à laquelle les premiers juges se sont livrés en évaluant à 800 euros le préjudice moral subi par lui en raison de la faute rappelée ci-dessus.
15. Il résulte de ce qui précède M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a pour partie rejeté sa demande ;
Sur les frais de l'instance :
16. Il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions de La Poste et de M. B...présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de La Poste est rejetée.
Article 2 : Les conclusions incidentes de M. B...sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à La Poste S.A. et à M. E...B....
Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Francfort, président,
- Mme Gélard, premier conseiller,
- M. Pons, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 janvier 2019.
Le président-rapporteur,
J. FRANCFORTL'assesseur le plus ancien,
V. GELARD
La greffière,
E. HAUBOIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03448