Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 mai 2021 Mme B..., représentée par Me Gignoli Roilette, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 décembre 2020 ;
2°) d'annuler cette décision du 14 janvier 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan de lui délivrer une carte de séjour temporaire à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision contestée est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;
- cette décision est entachée de vices de procédure au regard des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'est pas justifié de ce que le médecin qui a établi le rapport médical au vu duquel le collège de médecins a émis son avis n'aurait pas siégé au sein de ce même collège, d'une part, et que cet avis a été émis plus de trois mois après la transmission du certificat médical, d'autre part ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- le préfet aurait dû user de son pouvoir de régularisation pour lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des disposions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 décembre 2021, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que la requérante n'est pas recevable à soulever de nouveaux moyens en appel et que les moyens qu'elle invoque ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante russe née le 16 juillet 1970, est entrée en France le 28 mai 2014, sous couvert d'un visa de long séjour délivré en qualité de conjoint d'un ressortissant français. L'intéressée a divorcé en 2016 et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 16 mars 2018. Elle a présenté le 18 juin 2018 une demande de titre de séjour pour raisons médicales. Par une décision du 14 janvier 2019, le préfet du Morbihan a rejeté sa demande. Mme B... relève appel du jugement du 14 décembre 2020 du tribunal administratif de Rennes rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les fins de non-recevoir opposées par le préfet du Morbihan :
2. La requérante, qui demande l'annulation du jugement du 14 décembre 2020 du tribunal administratif de Rennes, soulève en appel des moyens relevant des mêmes causes juridiques que les moyens qu'elle avait soulevés devant les premiers juges. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le préfet et tirée de ce que la requérante invoque en appel des moyens distincts de ceux soulevés en première instance doit être écartée.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Aux termes de l'article R. 313-22 de ce code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins (...). / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport. ".
4. Il résulte de ces dispositions que le médecin instructeur à l'origine du rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. La circonstance qu'il siège au sein de ce collège est constitutive d'un vice affectant le déroulement de la procédure dans la mesure où le demandeur est privé d'une garantie. Alors que la requérante soutient qu'il existe un doute quant à la régularité de la composition de ce collège, faute pour l'avis qu'il a rendu de mentionner le nom du médecin ayant établi le rapport médical la concernant, le préfet ne produit aucun élément de nature à établir que le médecin rapporteur n'aurait pas siégé dans ledit collège. Dès lors, Mme B... est fondée à soutenir que la décision contestée par laquelle le préfet du Morbihan a rejeté la demande de titre de séjour qu'elle avait présentée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, la privant d'une garantie, et à en demander l'annulation.
5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
6. Compte tenu de son motif d'annulation, le présent arrêt implique seulement que le préfet du Morbihan procède au réexamen de la demande de titre de séjour dont il a été saisi par Mme B... et la munisse, durant ce réexamen d'une autorisation provisoire de séjour sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Gignoli Roilette dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
D E C I D E
Article 1er : Le jugement n° 1902822 du 14 décembre 2020 du magistrat désigné du tribunal administratif de Rennes et l'arrêté du 14 janvier 2019 du préfet du Morbihan pris à l'encontre de Mme B... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Morbihan de réexaminer la demande de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen.
Article 3 : L'Etat versera à Me Gignoli Roilette la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5: Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., née C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Morbihan.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi, président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition du greffe le 11 mars 2022.
La rapporteure
C. Brisson
Le président
D. Salvi
La greffière,
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21NT013192