Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 août 2021, M. B..., représentée par Me Philippon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 février 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 27 août 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 25 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation au regard de son droit au séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 3 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ont été méconnues ;
- le tribunal n'a pas communiqué aux parties, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, l'information selon laquelle il envisageait de fonder sa décision sur un moyen d'ordre public relevé d'office tiré de ce que son droit de se maintenir sur le territoire français avait pris fin en vertu du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le jugement attaqué est entaché d'incompétence, dès lors qu'il n'est pas établi que le premier juge ait été désigné par le président du tribunal pour statuer sur le litige ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'existence de multiples erreurs de faits ;
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée en droit ;
- elle est entachée d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L 743-1, et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et viole le principe de non refoulement des demandeurs d'asile garanti par l'article 33 de la Convention de Genève ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et de multiples erreurs de faits
Par un mémoire en défense enregistré le 27 décembre 2021, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Catroux a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant arménien né le 15 février 1956, est entré en France le
11 janvier 2020 muni d'un visa de court séjour délivré par les autorités polonaises. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 12 mars 2020, statuant en procédure accélérée sur le fondement du 1° du I de l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notifiée à l'intéressé le 17 mars 2020. Par un arrêté du 27 août 2020, le préfet de la Loire-Atlantique l'a obligé, en application du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. M. B... relève appel du jugement du 5 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il ressort du jugement attaqué qu'il comporte l'ensemble des signatures prévues par les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, aucune disposition n'imposant, par ailleurs, que l'expédition notifiée aux parties comporte ces signatures. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit, par suite, être écarté.
3. En deuxième lieu, en relevant au point 10 du jugement attaqué qu'en vertu du 7° de l'article L. 743-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit de M. B... de se maintenir sur le territoire français a pris fin avec la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le premier juge s'est borné à répondre au moyen soulevé par le requérant, dans sa demande de première instance, et tiré de la méconnaissance des articles L. 743-1 et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et n'a donc pas relevé d'office un moyen. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal aurait méconnu les dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.
4. En troisième lieu, le jugement attaqué indique que le président du tribunal administratif de Nantes a désigné Mme Wunderlich, vice-présidente, pour statuer, comme en l'espèce, sur les litiges visés à l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions le requérant, qui n'apporte aucun élément contraire, n'est pas fondé à remettre en cause la compétence de cette magistrate pour statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 27 août 2020. Il s'ensuit, que le moyen tiré de ce que l'auteur du jugement attaqué était incompétent ne peut qu'être écarté.
5. En quatrième et dernier lieu, dans sa demande de première instance, le requérant a fait valoir que l'arrêté contesté était entaché d'erreurs de fait, dès lors que le préfet a mentionné, à tort, qu'il n'établit pas disposer d'attaches sur le territoire français et que son épouse réside en Arménie. Toutefois, le premier juge a, à bon droit, regardé le requérant, qui faisait grief à l'arrêté contesté de considérer qu'il n'établissait pas ses attaches personnelles en France comme soulevant, non un moyen tiré de l'erreur de fait, mais comme présentant un argument, à l'appui du moyen tiré du défaut d'examen particulier de sa situation, auquel il a répondu au point 8 du jugement attaqué. Enfin, le fait que l'arrêté en litige mentionne, à tort, que son épouse, décédée le 27 août 2020, réside en Arménie est en l'espèce sans influence sur la légalité de l'arrêté en litige dès lors que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis cette erreur. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
7. L'arrêté contesté rappelle les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité et notamment de son 6°, dont le préfet a fait application. Il est, par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, suffisamment motivé en droit.
8. En deuxième lieu, le requérant se borne à reprendre en appel, sans apporter aucun élément nouveau de fait ou de droit, le moyen tiré d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article L. 311-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs, retenus à bon droit par le premier juge qui y a suffisamment et justement répondu.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, dans le délai prévu à l'article L. 731-2 contre une décision de rejet de l'office, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. (...) ". Aux termes de l'article
L. 743-2 du même code alors en vigueur : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 7° L'office a pris une décision de rejet dans les cas prévus au I et au 5° du III de l'article L. 723-2; (...) ". Enfin, aux termes de l'article
L. 723-2 de ce code, alors en vigueur: " I. - L'office statue en procédure accélérée lorsque : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr en application de l'article L. 722-1 ; (...) ".
10. D'une part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le maintien sur le territoire français du demandeur d'asile sur la demande duquel il est statué en procédure accélérée sur le fondement du 1° du I de l'article L. 723-2 de ce code, comme en l'espèce, prend fin avec la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides prise sur cette la demande. Or, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que la demande d'asile de l'intéressé avait été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statuant en procédure accélérée, le 12 mars 2020, antérieurement à l'arrêté en litige. Il ne bénéficiait donc plus d'un droit à se maintenir sur le territoire en tant que demandeur d'asile. Le moyen tiré de ce que cet arrêté serait entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L 743-1, et L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut, dès lors, qu'être écarté, les circonstances que M. B... ait formé une demande d'aide juridictionnelle auprès de la Cour nationale du droit d'asile le 27 mai 2020 et que sa demande devant le tribunal ait eu un effet suspensif s'agissant de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français étant à cet égard sans incidence.
11. D'autre part, si le requérant soutient que sa situation aurait justifié qu'il soit fait application de la réserve fondée sur le respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, dès lors que son état de santé ne lui a pas permis de se présenter à l'entretien avec l'agent de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, il n'apporte aucune précision ou aucun élément probant à l'appui de cette allégation. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides n'aurait pas disposé des éléments suffisants pour fonder sa décision. Le moyen relatif à l'erreur de droit au regard des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés ne peut, dès lors, qu'être écarté.
12. En quatrième lieu, le requérant, qui se prévaut de la présence de son fils et sa belle-fille en France, du décès de son épouse et de l'émigration en Russie de membres de sa famille, soutient que le préfet n'a pas procédé à l'examen particulier de sa situation, dès lors que le préfet a considéré qu'il n'établissait pas détenir d'attaches personnelles anciennes, intenses et stables en France et être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment de la motivation de l'arrêté contesté, qui a relevé que la demande d'asile de l'intéressé avait été rejetée en procédure accélérée, que le préfet a procédé à l'examen particulier de sa situation.
13. En cinquième et dernier lieu, la présence en France de M. B..., âgé de soixante-quatre ans à la date de l'arrêté contesté, était très récente, puisqu'il n'y résidait, à la suite d'un visa d'entrée et de court séjour, obtenu auprès des autorités polonaises, dont il a manifestement détourné l'objet, que depuis quelques mois. Il n'est pas contesté qu'il a toujours vécu dans son pays d'origine. Dans ces conditions, les circonstances que l'arrêté en litige ait mentionné, de façon erronée il est vrai, que l'épouse du requérant, décédée le 27 août 2020, résidait en Arménie, n'a eu aucune incidence sur la légalité de la décision contestée, qui était fondé ainsi qu'il a été dit sur le rejet de la demande d'asile de l'intéressé dans le cadre d'une procédure accélérée. Il résulte en effet de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision s'il avait pris en compte notamment ce décès au titre des considérations de fait de la décision en litige. Le moyen tiré de l'erreur de fait doit, dès lors, être écarté comme inopérant.
14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. L'hirondel, premier conseiller,
- M. Catroux, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.
Le rapporteur,
X. CatrouxLa présidente,
C. Brisson
La greffière,
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°21NT02369