Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 novembre 2021, M. A... B..., représenté par Me Philippon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 octobre 2021 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 20 septembre 2021 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé dans le délai de 48 heures à compter de la décision à intervenir, et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 48 heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en l'absence de certitude sur la signature de la minute par le magistrat et le greffier et sur la compétence du magistrat en l'absence de délégation établie ;
- l'arrêté de transfert n'est pas suffisamment motivé ;
- la décision d'assignation à résidence est intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il établit qu'aucun transfert n'est réalisé par l'administration dans les deux mois suivant la décision de transfert.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., se disant ressortissant ivoirien né le 20 juin 1976, est entré irrégulièrement en France le 13 août 2021 selon ses déclarations. Il a formé une demande d'asile enregistrée par la préfecture de la Loire-Atlantique le 19 août suivant. La consultation du fichier Eurodac a notamment révélé qu'il avait sollicité l'asile auprès des autorités espagnoles le 11 juillet 2021. Les autorités de ce pays, saisies le 20 août 2021 sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, ont, par une décision implicite, accepté le transfert de M. B.... Par des arrêtés du 20 septembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de M. B... aux autorités espagnoles et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours dans le département de la Loire-Atlantique. M. B... relève appel du jugement du 5 octobre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces deux arrêtés.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces du dossier soumis à la cour que, contrairement à ce que soutient M. B..., la minute du jugement attaqué comporte les signatures requises par les dispositions précitées.
3. En second lieu, M. B... soutient que le magistrat qui a statué sur sa demande, sur le fondement combiné des articles L. 572-6 et L. 614-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, était incompétent pour ce faire faute d'établir une délégation accordée à cet effet par le président du tribunal administratif de Nantes. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ce magistrat avait bien été désigné par une telle décision, en date du 1er septembre 2021 et affichée au greffe de ce tribunal, pour exercer les attributions confiées notamment par l'article L. 572-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au président de cette juridiction.
4. Par suite, les moyens tirés de l'irrégularité du jugement attaqué doivent être écartés.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. En premier lieu, en application de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.
6. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. Ainsi, doit notamment être regardée comme suffisamment motivée, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
7. La décision de transfert contestée vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et en particulier son article L. 572-1. Elle indique également que M. B... a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique et que les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont fait apparaître qu'il avait déposé une demande d'asile en Espagne en juillet 2021. Elle doit être regardée comme suffisamment motivée, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement. Cette décision comporte également un exposé de la situation personnelle et familiale de l'intéressé. Elle comprend ainsi un exposé détaillé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de Maine-et-Loire s'est fondé pour considérer l'Espagne comme responsable de l'examen de la demande d'asile de M. B... et décider son transfert auprès des autorités de ce pays. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de transfert ne satisferait pas à l'exigence légale de motivation doit être écarté.
8. En deuxième lieu, l'article L. 573-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 peut être assigné à résidence selon les modalités prévues aux articles L. 751-2 à L. 751-7. " et aux termes de l'article L. 751-2 : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. / Lorsqu'un Etat requis a refusé de prendre en charge ou de reprendre en charge l'étranger, il est immédiatement mis fin à l'assignation à résidence édictée en application du présent article, sauf si une demande de réexamen est adressée à cet Etat dans les plus brefs délais ou si un autre Etat peut être requis./ En cas de notification d'une décision de transfert, l'assignation à résidence peut se poursuivre si l'étranger ne peut quitter immédiatement le territoire français mais que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable./ L'étranger faisant l'objet d'une décision de transfert peut également être assigné à résidence en application du présent article, même s'il n'était pas assigné à résidence lorsque la décision de transfert lui a été notifiée. (...) ".
9. Il est constant que M. B... a fait l'objet d'une décision de transfert le 20 septembre 2021. Il n'est pas établi par la production d'un courrier du préfet de Maine-et-Loire du 28 août 2020 faisant état de " délais d'organisation des transferts contraints : entre 2 et 6 mois " que M. B... n'était pas susceptible d'être effectivement transféré dans les deux mois suivant la décision de transfert du 20 septembre 2021. Ce courrier n'est pas davantage de nature à établir l'absence de nécessité de cette mesure alors même que l'intéressé n'a pas été déclaré en fuite à la date de l'arrêté contesté l'assignant à résidence. Dans ces conditions, et alors que l'arrêté litigieux se borne à lui faire obligation de se rendre une fois par semaine auprès du commissariat central de police de Nantes, ni l'assignation à résidence ni l'obligation de pointage hebdomadaire n'apparaissent entachées d'erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 20 septembre 2021 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Philippon et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 22 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. Guéguen, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT03117