Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 15 décembre 2021 et le 11 février 2022, Mme A..., représentée par Me Guilbaud, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 11 octobre 2021 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2021 décidant son transfert aux autorités italiennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
en ce qui concerne le jugement attaqué :
- le tribunal administratif n'a pas examiné l'application de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le jugement est entaché d'une erreur d'appréciation de sa situation médicale au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
en ce qui concerne la décision ordonnant son transfert aux autorités italiennes :
- la décision n'a pas été précédée d'un examen du risque réel de violation des stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, alors que le préfet de Maine-et-Loire ne pouvait ignorer les carences dans la prise en charge médico-sociale des demandeurs d'asile en Italie et alors qu'elle souffre d'une anémie chronique et d'un manque de fer dans l'organisme ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 janvier 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme A... n'est fondé.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Guéguen, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante guinéenne née le 24 juin 1994, déclare être entrée irrégulièrement sur le territoire français le 6 juillet 2021. Elle a présenté, le 22 juillet 2021, une demande d'asile à la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie le 17 juin 2021, les autorités italiennes ont été saisies le 22 juillet 2021 par le préfet de Maine-et-Loire d'une requête en application du règlement du 26 juin 2013 et ont expressément accepté le 21 septembre 2021 leur responsabilité dans l'examen de la demande d'asile de Mme A.... Par deux arrêtés du 28 septembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert de l'intéressée aux autorités italiennes et l'a assignée à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours. Mme A... relève appel du jugement du 11 octobre 2021 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 septembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Mme A... fait valoir que le jugement est entaché d'une omission d'examiner le moyen tiré de la méconnaissance de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Toutefois, le premier juge, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés, a répondu au point 14 de son jugement, à ce moyen. Dès lors, le moyen tiré pour ce motif de l'irrégularité du jugement attaqué doit être écarté.
3. Si Mme A... soutient que le tribunal a commis une erreur d'appréciation de sa situation médicale au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, cette erreur, à la supposer établie, n'affecte que le bien-fondé du jugement et non sa régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :
4. D'une part, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
5. D'autre part, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas examiné la possibilité, prévue par les articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, d'instruire la demande d'asile présentée et relevant de la compétence d'un autre Etat, en considération d'éléments tenant à la situation personnelle de la requérante, aux défaillances systémiques dans la procédure d'asile et aux conditions d'accueil dans le pays désigné par la décision de transfert, compte tenu notamment de la situation sanitaire exceptionnelle liée à la propagation du coronavirus sur le territoire européen, la décision en litige mentionnant expressément que " les autorités italiennes n'ont pas demandé la suspension de l'application du règlement Dublin en lien avec la situation sanitaire ", que " les frontières sont ouvertes " et que " l'exécution des arrêtés de réadmission n'est pas suspendue ". Cet arrêté mentionne enfin que " la situation sanitaire y demeure stable et comparable à celle sur le territoire français ". Par ailleurs, Mme A... n'établit pas, par la production des documents à caractère général qu'elle produit, que sa situation ne sera pas traitée dans des conditions conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile par les autorités italiennes alors que l'Italie est un État membre de l'Union européenne, qu'elle est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et qu'aucune défaillance systémique dans la mise en œuvre des procédures d'asile n'a été relevée à l'encontre de l'Italie. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est conforme aux exigences de ces conventions internationales. Si cette présomption est réfragable lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant, Mme A... n'établit pas l'existence en Italie de défaillances telles qu'elles constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de transfert en litige impliquerait nécessairement un renvoi de la requérante vers son pays d'origine. Dans ces circonstances, Mme A... ne démontre pas être exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, ni qu'elle serait personnellement exposée à des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de transfert aux autorités italiennes. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à l'examen de sa situation au regard des stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ni qu'en écartant l'application de la clause discrétionnaire le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision de transfert aux autorités italiennes d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme A...(/nom)(ano)X(/ano), n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale ou de réexaminer sa situation doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Guilbaud et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 22 février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- M. Guéguen, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.
Le rapporteur,
J.-Y. GUEGUEN
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT03541