Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 juin 2020, M. D..., représenté par
Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 18 décembre 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Côtes-d'Armor du 12 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
- la préfet des Côtes d'Armor, qui s'est cru à tort lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 6 septembre 2018, a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le suivi et les traitements médicaux dont il a besoin ne sont pas disponibles au Gabon ;
- l'arrêté contesté a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, protégé par les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a également méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ; elle est également contraire aux dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet des Côtes d'Armor qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 mai 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant gabonais né le 30 août 1968, est entré en France le 23 septembre 2017. Le 25 avril 2018, il a demandé un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 12 juillet 2019, le préfet des Côtes-d'Armor a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office. M. D... relève appel du jugement du 18 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ".
3. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la rédaction de l'arrêté contesté, que le préfet des Côtes-d'Armor a pris cet arrêté après s'être approprié un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du
6 septembre 2018 selon lequel l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Gabon et est en état de voyager vers ce pays. Le moyen tiré de ce que le préfet des Côtes-d'Armor se serait cru lié par cet avis doit donc être écarté.
4. S'il est constant que le requérant souffre d'un diabète de type II et d'un syndrome d'apnée du sommeil sévère nécessitant une ventilation artificielle la nuit, les certificats médicaux des 1er octobre 2019 et 3 juin 2020 qu'il produit ne se prononcent pas sur la disponibilité du suivi et des traitements médicaux dont il a besoin au Gabon. Par ailleurs, le certificat établi à sa demande par un médecin gabonais le 18 juin 2020, s'il indique que son appareil de ventilation n'est pas disponible au Gabon, ne permet pas de conclure qu'il ne pourra pas l'utiliser dans ce pays ou se procurer sur place un autre type d'appareil également adapté à son état de santé. Enfin, si M. D... verse également au dossier les extraits d'une thèse récente faisant état de manière générale des difficultés et des insuffisances du système de santé gabonais, ce document ne permet pas à lui seul de conclure que son traitement ne lui serait pas effectivement accessible dans ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet des
Côtes-d'Armor aurait méconnu les dispositions rappelées au point 2 doit être écarté.
5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. D... résidait en France depuis moins de deux ans à la date de l'arrêté contesté. Son épouse est également en situation irrégulière. Si ses trois enfants mineurs suivent avec succès leur scolarité en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils ne pourraient pas la poursuivre au Gabon. Dans ces conditions, rien ne fait obstacle à ce que le requérant reforme sa cellule familiale dans ce pays. Par suite, alors même que sa fille majeure, née d'une précédente union, poursuit des études supérieures en France en situation régulière et qu'il produit de nombreux témoignages de soutien attestant de sa bonne insertion sociale, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, contraire aux dispositions et aux stipulations rappelées au point précédent. Pour la même raison, cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste de ses conséquences sur sa situation personnelle.
7. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions concernant les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que l'arrêté contesté n'aura pas pour effet de priver les enfants mineurs du requérant de sa présence ou de celle de leur mère. Par suite, cet arrêté n'a pas méconnu les stipulations rappelées au point précédent.
9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...). ".
10. Il résulte de ce qui a été indiqué au point 4 que le moyen tiré de ce que le préfet des Côtes-d'Armor aurait méconnu ces dispositions doit être écarté.
11. Le présent arrêt rejetant les conclusions dirigées par M. D... contre la décision lui refusant un titre de séjour, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision constituant sa base légale doit être écarté.
12. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet des Côtes-d'Armor.
Délibéré après l'audience du 18 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2021.
Le rapporteur
E. A...Le président
C. Brisson
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01700