Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 1er juin 2018, 17 décembre 2019 et 8 janvier 2020 Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 28 mars 2018 ;
2°) de condamner la commune de Plévenon à lui verser la somme de 125 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de l'arrêté d'alignement du maire de la commune de Plévenon du 2 décembre 2005, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de notification de sa demande indemnitaire préalable ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Plévenon la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est fondé à tort sur l'autorité de la chose jugée résultant du jugement du tribunal administratif de Rennes n° 1002239 du 11 mai 2012 ; les parties ne sont pas les mêmes puisqu'elle est désormais seule requérante ; le présent litige a une cause différente dès lors que la responsabilité recherchée est cette fois relative au fait que, sur le fondement de l'arrêté illégal du 2 décembre 2005, la commune a cherché à faire obstacle à la réparation immédiate de son préjudice ;
- les premiers juges ont omis de répondre aux moyens qu'elle avait soulevés devant eux, qui n'étaient pas inopérants ;
- toute illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la personne publique ; lorsqu'une décision ou une action de l'administration porte atteinte ou aggrave une atteinte à la propriété privée, celle-ci engage sa responsabilité ;
- la parcelle dont elle est propriétaire est délimitée et clôturée par rapport à la parcelle de ses voisins et au chemin rural qui la longe par un talus en granit haut de 0,80 mètres bordé d'une douve et surmonté d'arbres séculaires, d'une haie vive d'essences locales plantée derrière la crête du talus formant un petit muret du côté de sa parcelle ; aux termes du code des usages locaux pour les Côtes d'Armor, ce talus et cette douve constituent la limite séparative et la ligne démarcative de sa parcelle, ce code précisant d'une part que " le talus appartient exclusivement à celui vers lequel le rejet se trouve " et d'autre part que " qui a le talus a la douve " ; le talus fait donc partie de sa propriété et tant le document cadastral que ce code démontrent qu'elle est propriétaire de la surface occupée par la ligne électrique litigieuse ;
- l'arrêté du 2 décembre 2005, qui a pour effet d'élargir le chemin rural adjacent d'une bande de plus de 2 mètres prise sur sa propriété, a eu pour conséquence de l'empêcher d'obtenir réparation immédiate de l'empiètement sur sa propriété et de sa destruction partielle ;
- alors que le plan cadastral distingue trois voies, à savoir la voie communale n° 18, un chemin rural et un chemin privé, la commune a renommé l'ensemble " rue croix de la mare " sans procéder ni à un reclassement ni à une enquête publique ;
- compte tenu des fautes de la commune de Plévenon, elle a subi un préjudice direct et certain ; en raison de l'illégalité de l'arrêté d'alignement, qui a entraîné un recul des limites cadastrales, elle n'a pas pu saisir la juridiction compétente ;
- elle a subi des préjudices financiers tenant à la perte de valeur vénale résultant de l'emprise irrégulière et à l'impossibilité dans laquelle elle se trouve de faire procéder à des travaux de rénovation ; elle a droit à une indemnisation de la différence entre le montant qu'elle aurait dû percevoir en cas de vente et la dévaluation de sa propriété, soit 50 000 euros ;
- elle subit un préjudice matériel d'un montant total de 50 000 euros du fait de la perte de jouissance d'une partie de sa propriété et des frais importants qu'elle a dû exposer pour faire valoir ses droits ;
- elle subit un préjudice moral tenant à des problèmes de santé, à un état dépressif, à de graves troubles du sommeil et à une méfiance envers l'administration, qu'il y a lieu d'évaluer à la somme de 25 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2019 la commune de Plévenon, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la voirie routière,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- les conclusions de M. Gautier, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., substituant Me C..., représentant la commune de Plévenon.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... est propriétaire d'une parcelle cadastrée section D n° 1110 et n° 1111, située au lieu-dit " La Petite Moinerie " à Plévenon (22). Le 26 octobre 2005, le maire de la commune de Plévenon a pris un arrêté d'alignement individuel relatif à la parcelle cadastrée section D n° 1111 constatant que la limite du domaine public avait été déterminée conformément au plan cadastral. Le maire a toutefois pris dès le 2 décembre suivant un nouvel arrêté se substituant au précédent, portant alignement individuel et fixant l'alignement de la parcelle en cause par rapport au chemin situé à l'est et la séparant d'une parcelle cadastrée sous le n° 462. Ce second arrêté a été annulé par un jugement du tribunal administratif de Rennes n° 060377 du 31 août 2009, confirmé par un arrêt de la cour n° 09NT02536 du 16 décembre 2011, au motif que, le chemin en cause ne faisant pas partie du domaine public communal, le maire n'était pas compétent pour en constater la limite par rapport aux propriétés privées sur le fondement des dispositions de l'article L. 112-1 du code de la voirie routière, lesquelles permettent seulement de constater la limite d'une voie publique par rapport aux propriétés privées. Par une décision du 25 mars 2010, la commune de Plévenon a rejeté la demande indemnitaire préalable, fondée sur l'illégalité fautive de cet arrêté, que lui avaient adressée Mme B... et son époux, depuis lors décédé. Par un jugement n° 1002239 du 11 mai 2012, devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le recours indemnitaire formé sur le même fondement par les époux B.... Mme B... a toutefois présenté à la commune de Plévenon, par un courrier du 4 octobre 2016, une nouvelle réclamation préalable à laquelle la commune a opposé un refus par une décision du 29 novembre 2016. Par un jugement n° 1605321 du 23 mars 2018, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le recours indemnitaire formé par Mme B..., qui relève appel de ce jugement.
2. L'autorité de la chose jugée d'une décision juridictionnelle s'attache au dispositif de cette décision et aux motifs qui en sont le soutien nécessaire et elle est subordonnée à la triple identité de parties, d'objet et de cause.
3. Il résulte de l'instruction que par un jugement n° 1002239 du 11 mai 2012, devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le recours indemnitaire présenté par Mme B... et son époux en leur qualité de propriétaires des parcelles cadastrées
section D n° 1110 et 1111 au lieu-dit " La Petite Moinerie " à Plévenon. Ce recours tendait à voir engager la responsabilité pour faute de la commune de Plévenon du fait de l'adoption illégale de l'arrêté du 2 décembre 2005, annulé par un jugement du même tribunal du 31 août 2009 confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 16 décembre 2011, et à ce que la commune soit condamnée à réparer les préjudices qu'ils estimaient avoir subis du fait de la faute ainsi commise. Dans le cadre de cette instance, les époux B... sollicitaient l'indemnisation, à hauteur de 150 000 euros, de préjudices financier et matériel tenant à la perte de valeur vénale et de jouissance du bien en cause ainsi qu'aux frais exposés par eux pour faire valoir leurs droits et du préjudice moral tenant aux conséquences psychologiques du contentieux engagé.
4. Les conclusions que Mme B... a présentées devant le tribunal administratif de Rennes dans l'instance enregistrée sous le n° 1605321 objet du présent appel, qui opposent les mêmes parties, à savoir le propriétaire des parcelles visées ci-dessus et la commune de Plévenon, qui se fondent sur l'illégalité de la même décision administrative et tendent à nouveau à la condamnation de la commune de Plévenon, sur le terrain de la responsabilité pour faute, à réparer les préjudices financier, matériel et moral prétendument subis du fait de l'arrêté du 2 décembre 2005, se heurtent à l'autorité de la chose jugée qui s'attache au précédent jugement du 11 mai 2012. Elles ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'une omission de répondre à des moyens eu égard au motif pour lequel les moyens de la demande n'ont pas été examinés, motif tiré de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à son précédent jugement du 11 mai 2012, devenu définitif, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Plévenon, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse à Mme B... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme B... le versement à la commune de Plévenon de la somme de 800 euros au titre des mêmes frais.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera à la commune de Plévenon la somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et à la commune de Plévenon.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller,
- Mme F..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.
Le rapporteur
M. F...Le président
C. BrissonLe greffier
A. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT021902
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