Procédure devant la cour :
I. Par une requête n° 19NT01472 et un mémoire, enregistrés les 15 avril 2019 et 29 avril 2020, l'office public de l'habitat de la CARENE-SILENE, représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) de réformer cette ordonnance du 4 avril 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes et de porter la somme qu'elle condamne la SMABTP à lui verser au montant de 1 890 267,75 euros à titre de provision, augmentée des intérêts majorés, avec intérêts au taux légal et capitalisation ;
2°) de condamner la SMABTP à lui verser cette somme dans les mêmes conditions ;
3°) de mettre à la charge de la SMABTP la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- eu égard au caractère décennal des désordres affectant les logements, désormais établi par un rapport d'expertise, et des multiples déclarations de sinistre effectuées, la SMABTP, sauf à commettre une faute, était tenue de préfinancer des travaux pérennes et efficaces au regard des dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances et de la police d'assurance souscrite ; cette faute engage sa responsabilité contractuelle ; les plafonds de garantie prévus par les conditions particulières ne lui sont pas opposables ;
- l'ordonnance doit être réformée eu égard aux conclusions de l'expertise dont le rapport a été déposé le 13 décembre 2019 ; la SMABTP sera condamnée au versement d'une provision de 1 185 368,47 euros HT à laquelle il convient d'ajouter les coûts de frais de matériels, de maitrise d'oeuvre et d'assurance, majorés de la TVA, au titre des travaux réparatoires préconisés par l'expert concernant l'étanchéité, les façades, les fissures et l'intérieur des constructions, de 177 346 euros à parfaire au titre des dommages immatériels subis liés à l'indemnisation des occupants de certains logements sinistrés et de 342 617,25 euros à parfaire au titre de l'inoccupation d'autres logements, de 9 505,28 euros TTC au titre des constats d'huissier, de 57 420,59 euros TTC au titre des frais et honoraires d'avocat (subsidiairement pour 65% de cette somme) et de 22 976,75 euros au titre des frais d'expertise ;
- il sera fait application de l'article L. 242-1 du code des assurances au titre de la majoration des intérêts.
Par une ordonnance du 12 mars 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 2 avril 2020, et prorogée de plein droit jusqu'au 23 juin 2020 inclus par l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.
Un mémoire présenté pour la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, représentée par Me C..., a été enregistré le 3 juillet 2020.
Un mémoire présenté pour l'office public de l'habitat de la CARENE-SILENE, représenté par Me A..., a été enregistré le 17 juillet 2020.
II. Par une requête n° 19NT01547 et un mémoire, enregistrés les 23 avril 2019 et 3 juillet 2020, la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 4 avril 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes en tant qu'elle a accordé à l'office public de l'habitat de la CARENE-SILENE une provision de 174 141,31 euros et une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter l'ensemble des demandes de l'office public de l'habitat de la CARENE-SILENE ;
3°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat de la CARENE-SILENE la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- eu égard aux dispositions de l'article 2.1.3 de la convention dommages-ouvrages applicable, le juge des référés ne pouvait, après avoir écarté les demandes de SILENE relatives aux dommages matériels, faire droit à ses demandes de réparation au titre des dommages immatériels ;
- l'ordonnance procède de manière arbitraire en ce qu'elle fait droit partiellement à la demande de provision au titre de l'indemnisation accordée par l'office public de l'habitat de la CARENE-SILENE à ses locataires ;
- les demandes de l'Office seront écartées eu égard aux contestations sérieuses présentées : le rapport d'expertise est contestable s'agissant de la nature et de l'ampleur des travaux de reprise à entreprendre sur les façades des immeubles, l'analyse des causes des désordres affectant le complexe d'étanchéité des toitures terrasses, l'analyse des causes des dégradations constatées à l'intérieur des logements, l'analyse des préjudices consécutifs allégués ; les prétentions de l'office sont irrecevables en l'absence de déclarations de sinistres préalables et d'épuisement de la procédure contractuelle d'instruction ; certains désordres ne relèvent pas des garanties de l'assureur dommages-ouvrage faute d'apparition dans le délai d'épreuve décennal ; une partie des désordres sont de la responsabilité de l'office en conséquence d'un défaut d'entretien de l'ouvrage de sa part ; il n'appartient pas au juge des référés d'apprécier la responsabilité contractuelle de l'assureur dommages-ouvrage et sa responsabilité sera donc écartée alors que les solutions de réparation qu'elle a proposées ont montré leur efficacité ; le quantum des prétentions de l'office est contestable s'agissant des préjudices matériels, immatériels et des divers frais dont l'office demande l'indemnisation.
Par des mémoires, enregistrés les 10 octobre 2019, 29 avril 2020 et 17 juillet 2020, l'office public de l'habitat de la CARENE-SILENE demande à la cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête ;
2°) à titre incident, de réformer l'ordonnance du 4 avril 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes et de condamner la SMABTP à lui verser la somme de 1 890 267,75 euros à titre de provision, augmentée des intérêts majorés, avec intérêts au taux légal et capitalisation ;
3°) de mettre à la charge de la SMABTP une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la SMABTP ne sont pas fondés ;
- subsidiairement, l'ordonnance sera réformée pour les motifs suivants :
- eu égard au caractère décennal des désordres affectant les logements, désormais établi par un rapport d'expertise, et des multiples déclarations de sinistres effectuées, la SMABTP, sauf à commettre une faute, était tenue de préfinancer des travaux pérennes et efficaces au regard des dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances et de la police d'assurance souscrite ; cette faute engage sa responsabilité contractuelle ; les plafonds de garantie prévus par les conditions particulières ne lui sont pas opposables dès lors qu'elle a commis une faute contractuelle ;
- eu égard aux conclusions de l'expertise la SMABTP sera condamnée au versement d'une provision 1 280 401, 88 euros TTC comprenant les coûts de frais de matériels, de maitrise d'oeuvre et d'assurance, majorés de la TVA, au titre des travaux réparatoires préconisés par l'expert concernant l'étanchéité, les façades, les fissures et l'intérieur des constructions, de 177 346 euros à parfaire au titre des dommages immatériels subis liés à l'indemnisation des occupants de certains logements sinistrés et de 342 617,25 euros à parfaire au titre de l'inoccupation d'autres logements, de 9 505,28 euros TTC au titre des constats d'huissier, de 57 420,59 euros TTC au titre des frais et honoraires d'avocat (subsidiairement pour 65% de cette somme) et de 22 976,75 euros au titre des frais d'expertise ;
- il sera fait application de l'article L. 242-1 du code des assurances au titre de la majoration des intérêts.
Par une ordonnance du 7 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 17 juillet 2020.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la SMABTP, et de Me F..., représentant l'office public de l'habitat de la CARENE-SILENE.
Considérant ce qui suit :
1. L'office public de l'habitat (OPH) de la CARENE-SILENE a entrepris en 2002 de réaliser un ensemble de 60 logements collectifs neufs, dénommé " Terra Nova ", situé boulevard de l'hôpital et route des Landettes à Saint-Nazaire. L'office a souscrit pour cette opération une police d'assurance dommages-ouvrage auprès de la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP). Les travaux ont fait l'objet d'une réception au cours de l'année 2005 et les dernières réserves ont été levées au mois de novembre de la même année. Des désordres sont toutefois apparus dès le mois d'octobre 2006, consistant en des infiltrations, des fissures et des moisissures. L'office a présenté 70 déclarations de sinistre à l'assureur dommages-ouvrage concernant 39 logements sur les 60 réalisés dans le cadre de l'opération. En dépit des reprises effectuées, aucune solution pérenne n'a pu être trouvée et les désordres d'étanchéité des logements ont subsisté avec des infiltrations subséquentes. Un premier expert a été désigné en référé par une ordonnance du 1er octobre 2014 du président du tribunal administratif de Nantes avec une mission complétée le 27 septembre 2017. Parallèlement le tribunal d'instance de Saint-Nazaire, saisi par douze locataires, a condamné l'office à payer diverses sommes à ceux-ci pour un montant total de 163 296,72 euros, frais de procédure compris, par un jugement du 25 juillet 2018. Alors que les opérations d'expertise se poursuivaient, par une ordonnance du 4 avril 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, saisi par l'office public de l'habitat de la CARENE-SILENE, a condamné la SMABTP à lui payer à titre de provision la somme totale de 174 141,31 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 novembre 2018 et de leur capitalisation annuelle à compter du 8 novembre 2019, ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre des frais d'instance. L'office public de l'habitat de la CARENE-SILENE et la SMABTP relèvent appel de cette ordonnance et l'office public de l'habitat de la CARENE-SILENE présente des conclusions d'appel incident dans l'instance n° 1901547. Par une décision du 28 mai 2019, le président du tribunal administratif de Nantes a procédé au remplacement de l'expert, en raison notamment du retard pris par celui initialement désigné pour constater les désordres, et le second expert désigné a déposé son rapport le 13 décembre 2019.
2. Les requêtes nos 19NT01472 et 19NT01547 présentées respectivement pour l'OPH de la CARENE-SILENE et la SMABTP sont relatives aux conséquences des désordres affectant un même ensemble immobilier, sont dirigées contre la même ordonnance et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour se prononcer par un même arrêt.
Sur la recevabilité des demandes d'indemnisation provisionnelles de l'OPH SILENE :
3. Aux termes de l'article L. 242-1 du code des assurances dans sa rédaction en vigueur à la date de souscription du contrat d'assurance en litige : " Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil. / (...) L'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat./ Lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d'acceptation, par l'assuré, de l'offre qui lui a été faite, le règlement de l'indemnité par l'assureur intervient dans un délai de quinze jours / Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L'indemnité versée par l'assureur est alors majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal. (...)". Ces dispositions instituent une procédure spécifique de préfinancement des travaux de réparation des désordres couverts par la garantie décennale avant toute recherche de responsabilité.
4. Par ailleurs, aux termes de l'article 5 de la " convention dommages-ouvrage " régissant les rapports entre la SMABTP et l'OPH en application du contrat qu'ils ont conclu le 10 juin 2005 sur le fondement de l'article L. 242-1 du code des assurances : " En cas de sinistre, susceptible de mettre en jeu les garanties de la présente convention, vous-même (ou toute personne y ayant intérêt) êtes tenu de nous en faire la déclaration au plus tard dans les dix jours suivant celui dont vous en avez eu connaissance (...) Les délais visés à l'article L. 242-1 du code commencent à courir du jour où nous recevons la déclaration de sinistre réputée constituée.(...) ". Il résulte de ces stipulations qu'en l'absence de respect par le maître d'ouvrage de cette obligation de déclaration de sinistre, toute demande contentieuse contre l'assureur tendant à l'indemnisation d'un sinistre non déclaré est irrecevable.
5. En l'espèce, il résulte de l'instruction, en particulier du tableau récapitulatif établi par l'OPH SILENE, que seuls 39 des 60 logements de l'ensemble immobilier " Terra Nova " ont fait l'objet d'une ou plusieurs déclarations de sinistres. Par suite, les conclusions de l'OPH SILENE tendant à la condamnation de la SMABTP à lui verser des indemnités provisionnelles sont irrecevables en tant qu'elles visent d'autres logements que ceux ayant fait l'objet d'une déclaration de sinistre.
Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée :
6. Selon l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant.
En ce qui concerne les conclusions d'appel principal de la SMABTP dans l'instance n° 19NT01547 :
7. En premier lieu, la " convention dommages-ouvrage " régissant les rapports entre la SMABTP et l'OPH en application du contrat qu'ils ont conclu le 10 juin 2005 prévoit en son article 1.1 que sont garantis les travaux de réparation visés par le premier alinéa de l'article L. 242-1 cité du code des assurances et en son article "2.1.3 Garantie de dommages immatériels" que sont garantis : " le paiement des dommages immatériels subis par le propriétaire ou l'occupant de la construction et résultant d'un dommage garanti en vertu des articles 1 et 2.1.1. de la présente convention ". Ces mêmes dommages immatériels sont définis comme "tout préjudice pécuniaire résultant de la privation de jouissance d'un droit, de l'interruption d'un service ou de la perte d'un bénéfice (...) ".
8. La SMABTP soutient que le premier juge ne pouvait accorder une provision à l'OPH au titre des préjudices immatériels allégués alors qu'il n'a accordé aucune provision au titre des préjudices matériels résultant des désordres relevant de la responsabilité décennale des constructeurs. Toutefois, d'une part, si l'ordonnance attaquée ne met pas à la charge de la SMABTP, en l'état de l'instruction à la date de son intervention, une quelconque somme au titre des préjudices matériels, elle reconnait néanmoins en son point 7 l'existence de désordres couverts par la garantie décennale, et donc par l'article 1.1 de la convention citée. Par suite, c'est sans méconnaitre les stipulations citées au point précédent du contrat liant la SMABTP à l'OPH que le premier juge a mis à la charge de la SMABTP une provision au titre des préjudices immatériels subis par l'OPH.
9. En second lieu, l'ordonnance attaquée met à la charge de la SMABTP au profit de l'OPH la somme provisionnelle totale de 174 141,31 euros au titre des préjudices immatériels subis par l'OPH compte tenu, d'une part, des indemnisations que ce dernier a été condamné à verser à certains occupants des immeubles en cause par un jugement du tribunal d'instance de Saint-Nazaire du 25 juillet 2018 et, d'autre part, des pertes de recettes de loyers subies par l'OPH du fait de la vacance de plusieurs logements consécutivement aux désordres dont ils sont affectés. Les provisions allouées correspondent à la moitié des sommes demandées par l'OPH en raison des incertitudes, rappelées par l'ordonnance, relatives à l'ampleur exacte des obligations de la SMABTP au regard du nombre des logements concernés. Or, par la simple contestation de principe du choix de limiter à 50 % de la somme demandée le montant de la provision accordée, la SMABTP n'établit pas que l'indemnité provisionnelle mise à sa charge excéderait les obligations qu'elle tient du contrat la liant à l'OPH. Par suite, la SMABTP n'est pas fondée à soutenir qu'il n'y avait pas lieu de mettre à sa charge ladite somme à ce titre.
10. Il résulte de ce qui a été exposé aux points 7 à 9 que la requête de la SMABTP doit être rejetée.
En ce qui concerne les conclusions d'appel principal de l'office public de l'habitat de la CARENE-SILENE sous le n° 19NT01472 et ses conclusions d'appel incident sous le n° 19NT01547 :
S'agissant de la nature et de l'origine des désordres et du fondement de la responsabilité :
11. Le document intitulé " conditions particulières Delta Chantier " du contrat d'assurance applicable stipule en son article 1.1 que l'OPH SILENE bénéficie des garanties suivantes : d'une part, " Dommages-ouvrage (articles 1 et 3 de la convention Dommages-ouvrage) " jusqu'à un montant correspondant au " coût total définitif de la construction indexé ", d'autre part " Eléments d'équipement (article 2.11 de la convention Dommages-ouvrage) " jusqu'à un montant correspondant à " 20 % du coût total de construction définitif sans pouvoir excéder 458 000 indexés ", enfin " Dommages immatériels (article 2.1.3 de la convention Dommages-Ouvrage) " jusqu'à " 10 % du coût total de la construction définitif, sans pouvoir excéder 229 0000 indexés ". La " convention dommages-ouvrage " précise en ce qui concerne la " garantie dommages-ouvrage obligatoire " à son article 1.1 que l'assureur garantit " le paiement des travaux de réparation des dommages, même résultant d'un vice du sol, de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1 du Code civil " et notamment " les dommages qui : (...) affectant lesdits ouvrages dans l'un de leurs éléments constitutifs ou l'un de leurs éléments d'équipement, les rendent impropres à leur destination (...) ". Par ailleurs, il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans.
12. L'ensemble immobilier Terra Nova, comprenant 60 logements, est composé de plusieurs bâtiments comportant sur certaines façades des blocs édifiés en porte à faux. Il résulte de l'instruction que les désordres ayant fait l'objet de déclarations de sinistre sont liés à des fissures ou/et des infiltrations. Le rapport d'expertise déposé le 13 décembre 2019 constate tout d'abord que les blocs en porte à faux de chacun des bâtiments A à J de l'ensemble " Terra Nova " présentent " une fissure horizontale au niveau du plancher bas de chaque bloc. (...) sur une épaisseur de 20 à 40 cm de profondeur, (...) visible sur chaque pignon, rendant inéluctable le caractère traversant de ce type de fissure et infiltrante à l'eau en fonction de l'orientation cardinale et des conditions météorologiques. ", cela en raison d'un " desétaiement trop tardif des planchers nervurés en porte à faux ". L'expert a également constaté de nombreuses fissures horizontales et verticales d'ouvertures plus modestes dues aux " phénomènes de retrait (" R ") et/ou de dilatation (" D ") excessif des matériaux béton/maçonnerie ", dont certaines " peuvent être traversantes et infiltrantes si elles sont exposées à la pluie " et avance que certaines de ces fissures vont avoir des effets sur les pièces d'appui des menuiseries extérieures des façades en porte à faux, risquant de laisser infiltrer l'eau de pluie sous les pièces d'appui, ou " par endroit, elles peuvent compromettre l'imperméabilisation des façades et rendre les fissures infiltrantes à l'eau, permettant les infiltrations d'eau et d'air. " et entraînant " tous les désordres induits sur l'étanchéité comme pour les pièces d'appui des menuiseries extérieures ". L'expert confirme, dans une réponse à un dire, " La présence généralisée des fissures sur les 10 bâtiments, d'humidité et d'infiltrations d'eau... " et souligne à nouveau " Toutes les fissures horizontales le long de chaque façade en porte à faux sont traversantes, infiltrantes à l'air et infiltrantes à l'eau en fonction de l'exposition cardinale, des saisons, de la température ambiante extérieure et des vents dominants. (...) Ces fissures sont évolutives (...) Les autres fissures, dites de " retrait ", sur les façades non en porte à faux, ne sont pas généralisées, mais présentent à chaque point singulier de jonction " béton/maçonnerie ", un désordre qui se caractérise par une fissure horizontale ou verticale, en générale non infiltrante... " mais " par endroit, elles compromettent l'imperméabilisation des façades et rendent les fissures infiltrantes à l'eau ".
13. Les désordres ainsi décrits par le rapport d'expertise, dont le contenu et le caractère contradictoire ne sont pas sérieusement contestés, sont de nature à rendre les logements concernés impropres à leur destination lorsque ceux-ci sont affectés de fissures infiltrantes ou susceptibles de le devenir. La SMABTP ne saurait sérieusement soutenir que ces désordres ne seraient pas apparus pendant le délai décennal dès lors qu'il résulte de l'instruction que les désordres ont commencé à apparaître dès 2005-2006. Au demeurant, il est constant que la totalité des déclarations de sinistres adressées par l'OPH SILENE à son assureur pour les 39 logements qu'elles visent ont été établies entre octobre 2006 et avril 2014, c'est-à-dire dans le délai de dix ans suivant la réception intervenue en 2005.
S'agissant de la demande de provision au titre des travaux de reprise :
14. En premier lieu, sur les 60 logements que comporte l'ensemble immobilier " Terra Nova ", répartis entre dix bâtiments A à J, seuls 39 logements ont fait l'objet d'une ou plusieurs déclarations à l'assureur. Il résulte de l'instruction, en particulier de la description des désordres pour chacun des logements concernés réalisée avec précision par l'expert aux pages 74 à 235 de son rapport, que 35 de ces logements ayant fait l'objet d'une ou plusieurs déclarations de sinistres ont été atteints par des fissures traversantes et infiltrantes en raison de leurs caractéristiques initiales ou des fissures de retrait qui sont devenues ultérieurement infiltrantes, ces dommages se traduisant par des zones d'humidité et des moisissures plus ou moins importantes mais constituant dans tous les cas des obstacles à la salubrité ou à l'habitabilité des logements de nature à faire regarder ceux-ci comme impropres à leur destination. Ainsi, compte tenu des documents aux dossiers permettant de faire le lien entre les désordres de nature décennale et les seuls sinistres déclarés pour lesquels l'OPH est recevable à demander qu'une indemnité provisionnelle soit mise à la charge de la SMABTP, il est établi de manière suffisamment certaine que 35 logements peuvent être regardés comme devenus impropres à leur destination du fait de désordres déclarés par le maître d'ouvrage assuré et entrant dans le champ de la garantie " dommages ouvrage ".
15. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, au vu du rapport d'expertise, que les travaux préconisés par l'expert sont nécessaires à la réparation des désordres identifiés. D'une part, il apparaît ainsi nécessaire, afin de réparer les conséquences des fissures infiltrantes apparues en conséquence du désétaiement tardif des façades comportant des blocs en porte à faux et du retrait de matériaux hétérogènes sur certaines façades, de procéder à des travaux réparatoires concernant l'étanchéité des bâtiments et leurs façades avec un traitement des fissures. Une reprise de toutes les façades s'impose, soit par une vêture, dès lors qu'une partie de la façade concernée est en porte à faux, soit par un revêtement souple d'imperméabilité pour les autres façades afin de traiter les fissures de retrait qui sont également parfois infiltrantes à l'eau. D'autre part, sont également justifiés des travaux réparatoires intérieurs aux logements concernés par ces infiltrations d'eau. A ces travaux doivent être ajoutés les frais de maîtrise d'oeuvre pour la coordination du chantier et d'assurance dommages-ouvrage.
16. En troisième lieu, l'OPH SILENE demande au titre du coût des différents éléments des travaux de reprise des désordres une somme totale de 1 296 888,76 euros TTC, en reprenant les évaluations faites par l'expert des seuls préjudices matériels imputables aux constructeurs, excluant en particulier le coût des travaux imputables au défaut d'entretien des terrasses des immeubles par l'office. Au regard de la part des logements dont il est établi, ainsi qu'il a été dit au point 14, qu'ils sont affectés de désordres entrant dans le champ de la garantie " dommages ouvrage ", la créance de l'OPH SILENE au titre de la garantie par son assureur des dommages " matériels " apparaît non sérieusement contestable à hauteur de 58 % du montant susmentionné, ce dont il résulte qu'une indemnité provisionnelle de 752 195 euros TTC doit être mise à ce titre à la charge de la SMABTP.
S'agissant de la demande de provision au titre des préjudices immatériels :
17. En ce qui concerne la garantie des dommages " immatériels ", l'article 2.1.3 de la " convention dommages-ouvrage " du contrat d'assurance souscrit par l'OPH SILENE auprès de la SMABTP stipule " Nous garantissons le paiement des dommages immatériels subis par le propriétaire ou l'occupant de la construction et résultant d'un dommage garanti en vertu des articles 1 et 2.1.1 de la présente convention ", ce dont il résulte que seuls doivent être indemnisés par l'assureur les dommages immatériels résultants de désordres ayant fait l'objet de déclarations de sinistres et entrant dans le champ de la responsabilité décennale des constructeurs ou de la garantie de bon fonctionnement.
18. En premier lieu, l'OPH demande que soit mise à la charge de la SMABTP la somme de 177 346 euros correspondant à celle qu'il a été tenu de verser aux locataires de douze logements de l'ensemble immobilier Terra Nova par le jugement du tribunal d'instance de St Nazaire du 25 juillet 2018, devenu définitif, actualisée par l'expert au mois de décembre 2019. Seuls onze de ces douze logements étaient effectivement affectés de désordres de nature décennale couverts par la garantie assurantielle des dommages à l'ouvrage dès lors que le jugement précité constate en sa page 19 que pour le logement d'une des locataires " le constat d'huissier ne fait pas état de traces d'humidité ou d'infiltrations ". Dans ces conditions, doit être regardée comme constituant une créance non sérieusement contestable au titre de ce chef de préjudice une somme correspondant à 11 douzièmes du montant demandé par l'OPH sur la base de l'évaluation de l'expert, soit une indemnité provisionnelle de 162 567 euros.
19. En deuxième lieu, l'OPH SILENE demande 342 617,25 euros au titre du préjudice tenant aux pertes de loyers résultant de la vacance de 33 logements, évaluées par l'expert à ce montant au 31 décembre 2019. Mais il établit seulement dans ses écritures que 15 de ces logements vacants ont fait l'objet d'une déclaration de sinistre et n'est donc pas recevable à demander la totalité des pertes de loyers évaluées par l'expert. Dans ces conditions, la créance de l'OPH à ce titre doit être regardée comme non sérieusement contestable seulement à hauteur d'un tiers de la somme demandée, soit une indemnité provisionnelle de 114 205 euros.
20. Dès lors que, en dépit de la généralisation des désordres à l'ensemble des logements, la SMABTP n'a pas respecté son obligation contractuelle de garantir " en dehors de toute recherche de responsabilité (...) le paiement des travaux de réparation des dommages ", stipulée à l'article 1.1 de la " convention dommages ouvrage ", caractérisant ainsi une faute contractuelle, elle ne peut être fondée à opposer à l'OPH SILENE le plafond de garantie des " dommages immatériels " prévu aux stipulations rappelées au point 11.
S'agissant de la demande de provision au titre des autres frais exposés :
21. En premier lieu, l'OPH demande de condamner la SMABTP à lui verser la somme provisionnelle de 9 505,28 euros au titre des 47 constats d'huissier de justice qu'elle a fait établir en 2016 en exposant qu'elle y a été contrainte par l'inertie de son assureur. Toutefois, il résulte de l'instruction que ces constats d'huissier ont été réalisés au soutien des intérêts de l'OPH dans le cadre de la procédure judiciaire distincte initiée par divers locataires de l'ensemble immobilier devant le tribunal d'instance de Saint-Nazaire à compter de 2016. Par suite, il y a lieu de rejeter cette demande en raison de son caractère sérieusement contestable dans le cadre de la présente instance.
22. En second lieu, l'OPH demande que soit mise à la charge de la SMABTP, à titre principal, la somme de 57 420,59 euros au titre des frais d'avocat qu'elle a exposés au cours des opérations d'expertise. Elle produit toutefois un récapitulatif émis par son conseil faisant état d'un total de dépenses à ce titre limité à 33 175,14 euros TTC. Le montant non sérieusement contestable de la créance dont elle peut se prévaloir à ce titre ne saurait dès lors dépasser cette somme.
23. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnisation entrant dans le champ des préjudices garantis par le contrat d'assurance dommages-ouvrage de l'OPH SILENE apparaît non sérieusement contestable à hauteur de la somme totale de 1 062 142,14 euros. Doit toutefois être déduite de l'indemnité provisionnelle globale due par la SMABTP la somme qu'elle a déjà versée à l'OPH dès lors que l'assureur ne saurait être condamné à garantir deux fois les mêmes désordres. Comme le rappelle le point 8 de l'ordonnance attaquée du 4 avril 2019, l'assureur a déjà versé à l'OPH SILENE la somme de 84 957,62 euros. L'indemnité provisionnelle de 174 141,31 euros que l'article 1er de l'ordonnance attaquée du 4 avril 2019 a condamné la SMABTP à verser à l'OPH SILENE devra donc être portée à 977 184,52 euros.
S'agissant de la demande de majoration du taux d'intérêt légal :
24. L'OPH sollicite sur le fondement des dispositions du 5ème alinéa de l'article L. 242-1 du code des assurances citées au point 3 que le montant de l'indemnité mis à la charge de la SMABTP soit majoré d'un intérêt au taux légal égal au double du taux de l'intérêt légal au motif que cette dernière n'aurait pas respecté le délai de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour faire une offre d'indemnité. Cependant, par le simple renvoi à une liste des déclarations de sinistres qu'elle affirme avoir effectuées pour 39 logements elle n'établit pas le bien-fondé de son allégation. Par suite, sa demande à ce titre, sérieusement contestable, ne peut qu'être écartée. L'OPH a en revanche droit, sur la provision susmentionnée, aux intérêts au taux légal et à leur capitalisation dans les conditions, non contestées, énoncées aux points 16 et 17 de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif.
Sur les dépens :
25. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ".
26. En l'espèce, il résulte de l'instruction que ces frais comprennent l'allocation provisionnelle de 3 296,75 euros accordée au premier expert, remplacé par une ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes du 26 mars 2015, et le montant des frais et honoraires versés au second expert qui a déposé son rapport le 13 décembre 2019, s'élevant à 22 976,75 euros en vertu de l'ordonnance de taxation prise par le premier vice-président du tribunal administratif le 10 mars 2020. Ils s'élèvent donc au total à 26 273,50 euros et devront être mis à la charge de la SMABTP, partie perdante pour l'essentiel.
Sur les frais d'instance :
27. La SMABTP se voyant attribuer la charge des frais d'expertise, elle est " la partie tenue aux dépens " au sens de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a donc lieu de mettre à sa charge le versement à l'OPH SILENE d'une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance. En revanche, la SMABTP, partie perdante, ne peut y prétendre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête n° 1901547 de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics est rejetée.
Article 2 : L'indemnité provisionnelle de 174 141,31 euros que la SMABTP a été condamnée à verser à l'OPH de la CARENE-SILENE par l'article 1er de l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes du 4 avril 2019 est portée à 977 184,52 euros.
Article 3 : Les frais d'expertise, comprenant l'allocation provisionnelle versée à M. E... en vertu d'une ordonnance du président du tribunal administratif de Nantes du 26 mars 2015 et les frais et honoraires de son remplaçant M. D... s'élevant à 22 976,75 euros en vertu de l'ordonnance de taxation prise par le premier vice-président du tribunal administratif le 10 mars 2020, sont mis à la charge de la SMABTP.
Article 4 : L'ordonnance n° 1810481 du 4 avril 2019 du juge des référés du tribunal administratif de Nantes est réformée en ce qu'elle a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : La SMABTP versera à l'OPH de la CARENE-SILENE une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus de la requête n° 19NT01472 de l'OPH de la CARENE-SILENE et de ses conclusions d'appel incident sous le n° 19NT01547 est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et à l'office public de l'habitat de la CARENE-SILENE.
Une copie en sera adressée pour information à M. D..., expert.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- Mme G..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.
Le rapporteur,
C. B...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT01472-19NT01547