Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2019, la communauté de communes Entre Beauce et Perche, représentée par la SELARL Martin-Sol, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 9 mai 2019 ;
2°) de condamner la société SNE Quantitec à lui verser la somme de 3 772,69 euros en réparation des désordres affectant une cuve de fosse septique, assortie des intérêts et de leur capitalisation, et de mettre à la charge de cette société 25 % des frais d'expertise, soit la somme de 1 831 euros ;
3°) de mettre à la charge de la société SNE Quantitec la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il ne statue pas sur le point de savoir si la société SNE Quantitec a manqué à son devoir de conseil lors des opérations préalables à la réception ;
- la responsabilité contractuelle de la société SNE Quantitec est engagée à raison des désordres affectant la cuve de fosse septique dès lors que cette société a manqué à son devoir de conseil lors des opérations préalables à la réception et à son devoir de surveillance du chantier ;
- elle est titulaire du droit d'agir en garantie décennale contre les constructeurs dès lors que ce droit lui a été confié par le propriétaire de la cuve par l'article 9 de la convention datée du 26 avril 2006 ;
- la responsabilité décennale de la société SNE Quantitec est engagée dès lors que les désordres entraînent l'impropriété à destination de la fosse septique.
Par un mémoire, enregistré le 28 octobre 2019, la société SNE Quantitec, représentée par la SELARL Rakotoarison et Vincent, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la communauté de communes Entre Beauce et Perche la somme de 5 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les désordres qui ne résultent pas d'un manque de conseil lors des opérations préalables à la réception sont, le cas échéant, imputables à un suivi impropre des travaux ; toutefois, la réception sans réserve des travaux fait obstacle à l'engagement de sa responsabilité contractuelle ;
- la communauté de communes n'est pas titulaire de l'action en responsabilité décennale ;
- la société SNE Quantitec n'est pas responsable des désordres.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno, rapporteur,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant la communauté de communes Entre Beauce et Perche.
Considérant ce qui suit :
1. En 2006, la communauté de communes du pays Courvillois a entrepris de faire réhabiliter les installations d'assainissement non-collectif de personnes privées domiciliés à Saint-Germain-le-Gaillard (Eure-et-Loir). A cette fin, elle a conclu, d'une part, des conventions avec les propriétaires privés concernés. Aux termes de ces conventions, ceux-ci acceptaient notamment que la communauté de communes choisisse les équipements d'assainissement ainsi que l'entrepreneur chargé de les installer. En contrepartie, les travaux étaient réglés par la communauté de communes et bénéficiaient de subventions attribuées à celle-ci par l'Agence de l'eau Seine-Normandie et le département d'Eure-et-Loir. La personne privée concernée n'avait ainsi à régler à la communauté de commune que la part du prix des travaux non-couverte par le subventionnement. Par ailleurs, ces conventions prévoyaient que la communauté de communes réaliserait, en contrepartie du versement d'une redevance annuelle par le propriétaire, les travaux d'entretien nécessaires sur l'ouvrage. Une telle convention a été conclue le 26 avril 2006 avec M. A..., domicilié au lieu-dit " Le Tartre " à Saint-Germain-le Gaillard. D'autre part, la communauté de communes a conclu un marché public, au sens de l'article 1er du code des marchés publics, dont le lot n° 3 visait en particulier la réhabilitation des installations d'assainissement non-collectif au lieu-dit " Le Tartre ". Ce lot a été attribué, par un acte d'engagement du 29 juin 2006, à un groupement solidaire composé de M. B..., mandataire, et de M. C.... La maîtrise d'oeuvre des travaux a été confiée à la société SNE Quantitec.
2. En exécution de ce marché, une fosse septique de 3 000 litres a été installée par l'entreprise C... chez M. A.... Les travaux correspondants ont été réceptionnés le 25 octobre 2006, sans réserve, par M. A.... En septembre 2015, à l'occasion d'une vidange de cette fosse, la société chargée de son entretien a constaté une importante fissure au fond de celle-ci. Afin de connaître les causes de ce désordre, une expertise judiciaire a été sollicitée par la communauté de communes. L'expert désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a déposé son rapport le 15 avril 2018. Par une demande introduite le 3 juillet 2018, la communauté de communes Entre Beauce et Perche, venue aux droits de la communauté de communes du pays Courvillois, a demandé la condamnation de la société SNE Quantitec à lui verser une somme principale de 3 772,69 euros en réparation des désordres affectant la cuve de la fosse septique installée chez M. A..., représentant la part de 25 % de responsabilité imputée par l'expert au maître d'oeuvre. Par un jugement du 9 mai 2019, dont il est relevé appel, cette demande a été rejetée.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. En première instance, la communauté de communes a soutenu que la société SNE Quantitec avait commis un " défaut de précaution normale lors de l'exécution du chantier " portant sur la pose d'une cuve chez M. A.... Elle estimait que ce manquement originel de la société à ses obligations avait par ailleurs eu pour conséquence un " défaut de conseil et d'information lors des opérations de réception ". Ainsi, en retenant que les conclusions indemnitaires qui leur étaient soumises n'étaient " pas fondées sur des fautes commises par [la société SNE Quantitec] lors de la réception des travaux, mais sur l'absence de surveillance des travaux ", les premiers juges, qui ont par ailleurs estimé que l'éventuel défaut de suivi du chantier par le maître d'oeuvre était insusceptible d'engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de la communauté de communes, ne se sont pas mépris sur l'étendue du litige dont ils étaient saisis et n'ont pas omis répondre au moyen tiré d'un manquement de la société SNE Quantitec à son devoir de conseil lors des opérations préalables à la réception.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :
4. En premier lieu, la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'oeuvre en avait eu connaissance en cours de chantier
5. En l'espèce, au vu en particulier du rapport d'expertise, il ne résulte de l'instruction ni que la fissuration de la cuve de la fosse septique installée chez M. A... ait été présente ou susceptible d'être décelée en cours de chantier, ni que la société SNE Quantitec ait eu connaissance de défauts d'exécution des travaux en lien avec les désordres constatés en 2015 qu'elle ne pouvait manquer de relever afin de proposer une réserve lors de la réception. Par suite, il n'est aucunement établi que le désordre résulterait d'un manquement de cette société à ses obligations de conseil envers son cocontractant, la communauté de communes, ou envers le maître de l'ouvrage, M. A..., lors des opérations préalables à la réception.
6. En second lieu, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle met fin aux rapports contractuels en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. La responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre pour les fautes commises lors de la conception ou dans la surveillance des travaux ne peut ainsi plus être recherchée par son cocontractant public après la réception de l'ouvrage.
7. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit, les travaux litigieux ont été réceptionnés sans réserves par le maître de l'ouvrage, M. A..., le 25 octobre 2006. Or, il n'est en tout état de cause ni établi ni même allégué qu'une stipulation du marché liant la société SNE Quantitec à la communauté de communes s'opposerait à l'extinction des rapports contractuels résultant de la réception ainsi prononcée. Dans ces conditions, et alors même que, d'une part, la communauté de communes, qui n'a pas la qualité de maître de l'ouvrage, n'a pas contresigné le procès-verbal de réception et que, d'autre part, elle est seule à avoir été liée contractuellement avec le maître d'oeuvre, elle ne peut plus rechercher la responsabilité contractuelle de ce dernier à raison de fautes qu'il aurait commises à son égard et qui porteraient sur l'implantation de la cuve installée chez M. A... ou sur la surveillance des travaux de pose.
En ce qui concerne la garantie décennale :
8. En premier lieu, hors le cas où il en est stipulé autrement, seul le propriétaire, maître de l'ouvrage, dispose, en principe, du droit d'engager une action en responsabilité décennale contre les constructeurs.
9. En l'espèce, la communauté de communes, qui n'est pas maître de l'ouvrage, n'est pas directement détentrice de l'action en garantie décennale. Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, elle n'a donc pas qualité pour demander à être indemnisée, au titre de cette garantie, du montant des travaux nécessaires à la réparation de la cuve de fosse septique.
10. En second lieu, si la communauté de communes entre Beauce et Perche se prévaut de la convention conclue le 26 avril 2006 avec M. A..., propriétaire de l'installation d'assainissement non collectif en cause, l'article 8 de la convention stipule que : " Pendant le délai de garantie décennale des ouvrages qui prendra effet à compter de l'achèvement des travaux, porté au procès-verbal de réception, le propriétaire devra informer [la communauté de communes] des anomalies de toute nature qu'il pourra constater (...) " et son article 9 que la communauté de communes " (...) assurera l'ensemble des recours qui pourraient s'avérer nécessaires vis-à-vis des participants à l'opération dans le cadre des obligations contractuelles des parties ". Il résulte des termes-mêmes de ces stipulations que, durant le délai de la garantie décennale, le maître de l'ouvrage, M. A..., est tenu d'informer la communauté de communes des désordres affectant la cuve de fosse septique et qu'il reconnaît que la collectivité est seule détentrice d'une action en responsabilité fondée sur la méconnaissance des obligations contractuelles des constructeurs.
11. En se bornant ainsi à prévoir une obligation d'information du propriétaire privé de l'installation à l'égard de la communauté de communes et la possibilité pour celle-ci d'exercer contre les constructeurs une action fondée sur leurs obligations contractuelles, la convention du 26 avril 2006 n'a pour objet ou pour effet ni de subroger la communauté de communes dans les droits du maître de l'ouvrage privé, M. A..., aux fins d'exercer une action en garantie décennale ni de lui permettre, à un autre titre, d'exercer une telle action au nom et pour le compte de M. A....
12. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes Entre Beauce et Perche n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au titre de ces dispositions par la communauté de communes Entre Beauce et Perche. Il n'y a par ailleurs pas lieu de mettre à la charge de ce groupement de communes la somme que la société SNE Quantitec demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la communauté de communes Entre Beauce et Perche est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société SNE Quantitec au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Entre Beauce et Perche et à la société SNE Quantitec.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.
Le rapporteur,
T. JounoLe président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet d'Eure-et-Loir en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02658
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