Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 septembre 2019, le centre hospitalier Robert Bisson de Lisieux, représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 juillet 2019 du tribunal administratif de Caen ;
2°) de rejeter la demande de la société OHM présentée devant le tribunal administratif de Caen ;
3°) subsidiairement, de condamner la société OHM à lui verser la somme de 16 772 euros TTC au titre de la part variable de la redevance due sur son chiffre d'affaires pour l'exercice de juin 2012 à juin 2013 ;
4°) de mettre à la charge de la société OHM la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier : il est intervenu en méconnaissance de l'article R. 611-1 du code de justice administrative et du principe du contradictoire dès lors que le seul mémoire produit par le comptable public ne lui a pas été communiqué ; il est entaché d'erreurs de droit au regard des dispositions du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et de l'article R. 6145-54-4 du code de la santé publique, en ce qu'il juge que seule la preuve de la notification du titre de recettes était de nature à établir l'exigibilité de la créance et qu'il décharge la société de l'obligation de payer alors que la créance est de nature contractuelle ;
- saisie par l'effet dévolutif des demandes présentées par la société OHM devant le tribunal administratif, celles-ci seront écartées ; sa contestation de la régularité de la procédure est irrecevable devant le juge administratif ; la société a bien réalisé un chiffre d'affaires permettant le calcul de la part variable de la redevance due pour 2012/2013 ; la redevance d'affermage en discussion est soumise à la TVA ;
- subsidiairement, si la cour devait décider d'annuler l'opposition à tiers détenteur en discussion, elle maintiendra l'exigibilité de la créance en retenant qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 6145-9 et R. 6145-54-4 du code de la santé publique qu'en matière contractuelle le centre hospitalier peut soit émettre un titre de recettes soit demander directement au juge de condamner le débiteur au paiement de sa dette contractuelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'organisation judiciaire ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant le centre hospitalier de Lisieux.
Considérant ce qui suit :
1. Le centre hospitalier Robert Bisson de Lisieux a conclu avec la société Orion Holding un contrat portant sur l'exploitation du service de télévision-multimédia et la gestion du service de téléphonie destinés aux personnes hospitalisées, pour une durée de douze ans et prenant effet le 1er octobre 2010. Le comptable public du centre hospitalier a émis le 5 juillet 2016 une opposition à tiers détenteur afin d'assurer le recouvrement d'une créance de 16 776,94 euros correspondant à un titre exécutoire émis le 6 mai 2015 par l'ordonnateur de cet établissement public et portant sur le montant de la part variable de la redevance due au titre de l'exercice 2012-2013 par l'exploitant de ces services en application de l'article 1-7 du contrat, représentant 6 % du chiffre d'affaires hors taxes réalisé. Par un jugement du 16 juillet 2019 le tribunal administratif de Caen a, à la demande de la société OHM venue aux droits de la société Orion Holding, annulé cet avis à tiers détenteur et déchargé cette société de l'obligation de payer en procédant. Le centre hospitalier de Lisieux relève appel de ce jugement et, subsidiairement, demande de condamner la société OHM à lui verser la somme de 16 772 euros TTC au titre de la part variable de la redevance due sur son chiffre d'affaires.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressées au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. (...) ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.
3. Il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Caen a communiqué la requête présentée par la société Orion Holding au centre hospitalier Robert Bisson de Lisieux et au comptable public de cet établissement. Ce dernier a présenté un mémoire en défense le 21 mars 2019 qui a été visé par le jugement attaqué, cité dans l'argumentation des premiers juges concluant à l'annulation de l'avis à tiers détenteur émis par le centre hospitalier de Lisieux mais n'a pas été communiqué aux parties, dont le centre hospitalier qui était codéfendeur dans l'instance. Or le motif d'annulation retenu par les premiers juges tient uniquement à ce que " (...) Aucune pièce du dossier ne permet de considérer qu'est apportée la preuve de la notification du titre exécutoire du 6 mai 2015, seule de nature à établir l'exigibilité de la créance constatée par ce titre. Cette exigibilité conditionnant la légalité des actes de recouvrement de la créance (...) ". D'une part, une telle preuve du fait que la société OHM avait eu connaissance du titre exécutoire dès avant la mesure de recouvrement contestée pouvait être apportée par le centre hospitalier, qui avait émis le titre de recettes, en réponse au moyen clairement soulevé par la société OHM et, d'autre part, le comptable public, codéfendeur avec le centre hospitalier, s'est borné sur ce point à indiquer au tribunal qu'il appartenait au centre hospitalier d'apporter les éléments nécessaires pour y répondre. Ainsi, dans les circonstances de l'espèce, la méconnaissance par le tribunal administratif de Caen des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative n'a pas, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, porté atteinte au principe du contradictoire et est restée sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
4. En second lieu, si le centre hospitalier Robert Bisson de Lisieux soutient que le jugement est entaché d'erreurs de droit, au regard des dispositions du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales et de l'article R. 6145-54-4 du code de la santé publique, en ce qu'il juge que seule la preuve de la notification du titre de recettes était de nature à établir l'exigibilité de la créance et qu'il décharge la société de l'obligation de payer alors que la créance est de nature contractuelle, ces moyens ont trait au bien-fondé du jugement et ne sont pas susceptibles d'en affecter la régularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
5. Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction alors applicable : " Les dispositions du présent article s'appliquent également aux établissements publics de santé. (...) 4° Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple. Lorsque le redevable n'a pas effectué le versement qui lui était demandé à la date limite de paiement, le comptable public compétent lui adresse une mise en demeure de payer avant la notification du premier acte d'exécution forcée devant donner lieu à des frais. (...)". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution " Tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent (...) ". Il résulte de cette dernière disposition que la saisine entre les mains d'un tiers d'une créance du débiteur portant sur une somme d'argent nécessite que le créancier soit préalablement muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible et que ce titre ne produit ses effets qu'à compter de la date à laquelle il a été régulièrement notifié au débiteur concerné.
6. Le centre hospitalier Robert Bisson de Lisieux soutient que les conditions de notification du titre exécutoire émis le 6 mai 2015 par son ordonnateur sont sans incidence sur l'exigibilité de la créance. Il appartient toutefois à cet établissement d'établir, en vertu des dispositions citées au point précédent, que préalablement à l'émission d'un acte de recouvrement comme une opposition à tiers détenteur, son créancier a eu connaissance d'un tel titre de recettes. Or, alors même que la société Orion Holding a indiqué ne jamais avoir reçu le titre exécutoire du 6 mai 2015 avant de se voir notifier l'avis à tiers détenteur émis en conséquence le 5 juillet 2016 par le comptable public de cet établissement, il n'a pas davantage en appel qu'en première instance été apporté la preuve que ce titre de recettes avait bien été porté à la connaissance de la société Orion Holding. A cet égard est sans incidence la circonstance que les dispositions de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales permettent une communication d'un tel titre exécutoire par courrier simple. Par suite, le centre hospitalier de Lisieux n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé l'avis à tiers détenteur émis par le comptable public de cet établissement faute pour l'établissement d'établir que la société OHM aurait eu connaissance préalablement du titre exécutoire du 6 mai 2015 le fondant.
7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 6145-54-4 du code de la santé publique : " Les produits des établissements publics de santé sont recouvrés : / 1° Soit en vertu de jugements ou de contrats exécutoires ; / 2° Soit en vertu de titres de recettes émis et rendus exécutoires par le directeur de l'établissement. (...) ".
8. Au cas d'espèce le jugement attaqué, après avoir constaté l'illégalité de l'acte de recouvrement qui était contesté par la société OHM, en a déduit que cette même société devait être déchargée de l'obligation de payer dont procède cet acte de poursuite. La décharge de l'obligation de payer ainsi décidée est la conséquence de l'annulation de l'opposition à tiers détenteur illégale, décidée pour un motif mettant en cause le bien-fondé de la créance et entraînant donc l'extinction de celle-ci, dès lors que le titre exécutoire du 6 mai 2015 ne peut être regardé comme ayant produit ses effets en l'absence de preuve de sa notification. Par suite, le centre hospitalier requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont accordé la décharge de l'obligation de payer demandée par la société OHM en tant qu'elle procédait de l'opposition à tiers détenteur du 5 juillet 2016.
9. En dernier lieu, le centre hospitalier Robert Bisson de Lisieux demande, à titre subsidiaire, la condamnation de la société OHM à lui verser la somme de 16 776 euros TTC telle qu'elle résulte du contrat et du titre exécutoire du 6 mai 2015. Toutefois le centre hospitalier n'avait pas présenté une telle demande devant le tribunal administratif alors que, contrairement à ce qu'il soutient, elle ne pouvait être formulée " pour la première fois en cause d'appel ". Dès lors ces conclusions, présentées pour la première fois devant la cour, sont irrecevables et doivent être rejetées comme nouvelles en appel.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier Robert Bisson de Lisieux n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et que ses conclusions subsidiaires doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par le centre hospitalier de Lisieux.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du centre hospitalier Robert Bisson de Lisieux est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier Robert Bisson de Lisieux et à la société OHM.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03793