Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2019, Mme B... A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 juillet 2019 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 mai 2017 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un récépissé l'autorisant à se maintenir sur le territoire français le temps de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 700 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- elle est intervenue sans examen de sa situation ;
- elle méconnait les articles 5 et 5-2 de l'accord franco-espagnol du 26 novembre 2002 relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière ;
- elle est intervenue en violation des articles 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 février 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 février 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 19 février 2020.
Un mémoire présenté pour Mme B... A... a été enregistré le 24 avril 2020.
Mme B... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, signé à Malaga le 26 novembre 2002, et son décret de publication n° 2004-226 du 9 mars 2004 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les observations de Me D..., représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante du Nigéria, née le 1er avril 1986, titulaire d'une carte de séjour temporaire délivrée par les autorités espagnoles valable jusqu'en 2020, a été convoquée, le 11 mai 2017, par les services de la police aux frontières de Nantes, dans le cadre d'une procédure de reconnaissance frauduleuse de paternité. Par un arrêté du 11 mai 2017, la préfète de la Loire-Atlantique a ordonné sa remise aux autorités espagnoles, sur le fondement de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un jugement n° 1705693 du 10 juillet 2019, dont Mme B... A... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement contesté :
2. Aux termes de l'article 5 de l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne : " (...) 2. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante lorsque ce ressortissant dispose d'un visa ou d'une autorisation de séjour de quelque nature que ce soit délivré par la Partie contractante requise et en cours de validité. " et aux termes de l'article 24 du même accord : " L'Annexe qui accompagne cet accord en détermine les modalités d'application et fixe également (...) les autorités centrales ou locales habilitées à traiter les demandes de réadmission et de transit ; - les délais de traitement des demandes (...) ". Enfin, aux termes de cette annexe : " 1. Renseignements devant figurer sur la demande de réadmission d'un ressortissant d'une Partie contractante et conditions de transmission (art. 4, al. 1 1.3). (...) 1.3 Elle est transmise directement aux autorités définies aux points 6.1.1 et 6.1.2 de la présente annexe, notamment par télécopie ou télex.
1.4. La Partie contractante requise répond à la demande dans les plus brefs délais, au plus tard dans les quarante-huit heures qui suivent la réception de la demande. Ce délai est prolongé de trois jours dans le cas prévu à l'article 3, alinéa 2. 1.5. La personne faisant l'objet de la demande de réadmission n'est remise qu'après réception de l'acceptation de la Partie contractante requise.".
3. Mme A... soutient pour la première fois en cause d'appel que les stipulations de cet accord ont été méconnues dès lors qu'il n'est pas établi que les autorités espagnoles auraient été sollicitées en vue de sa réadmission et auraient donné leur accord en ce sens. Il résulte des stipulations citées que pour pouvoir procéder à la remise aux autorités espagnoles, en application du paragraphe 2 de l'article 5 de cet accord, d'un ressortissant d'un Etat tiers, l'autorité administrative doit obtenir, avant de pouvoir prendre une décision de réadmission de l'intéressé vers l'Espagne, l'acceptation de la demande de réadmission transmise aux autorités de ce pays, habilitées à traiter ce type de demande. Or il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est pas même soutenu par le préfet de la Loire-Atlantique, que préalablement à l'arrêté contesté la France aurait saisi les autorités espagnoles d'une demande de réadmission de Mme A... et a fortiori que celles-ci auraient donné leur accord à cette réadmission. Par suite, doit être accueilli le moyen tiré de la violation des stipulations du paragraphe 2 de l'article 5 de l'accord mentionné ci-dessus.
4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 11 mai 2017.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Il ressort des pièces du dossier que le 1er août 2019, soit postérieurement à l'arrêté du 11 mai 2017, le préfet de la Loire-Atlantique a pris à l'encontre de Mme A... une décision de refus de titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français qui lui ont été notifiées le 12 août 2019, et dont il n'est pas établi qu'elles n'auraient pas acquis un caractère définitif. Par suite, les conclusions de Mme A... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un récépissé l'autorisant à se maintenir sur le territoire français le temps de réexaminer sa situation ne peuvent qu'être écartées.
Sur les frais d'instance :
6. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D..., avocate de M. A..., d'une somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1705693 du 10 juillet 2019 du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 11 mai 2017 du préfet de la Loire-Atlantique décidant la remise de Mme B... A... aux autorités espagnoles sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 3 : L'Etat versera à Me D..., conseil de Mme B... A..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président,
- M. C..., président assesseur,
- Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 16 octobre 2020.
Le rapporteur,
C. C...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04185