Procédure devant la cour :
Par un arrêt avant dire droit du 24 janvier 2020, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir jugé que Mme B... avait subi deux accidents médicaux non fautifs lui ouvrant droit à réparation au titre de la solidarité nationale, suivis d'une faute du centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay lui ayant fait perdre une chance de guérison rapide et simple, a ordonné une expertise afin que soit évaluée l'ampleur de la chance perdue.
Par une ordonnance du 12 février 2020, le président de la cour administrative d'appel de Nantes a désigné un médecin urologue en qualité d'expert.
Le rapport d'expertise a été enregistré le 2 octobre 2020 au greffe de la cour.
Par une ordonnance du 9 octobre 2020, le président de la cour a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expertise à la somme de 2 124,73 euros.
Par des mémoires enregistrés les 15 et 20 octobre et le 18 novembre 2020
Mme B... maintient ses conclusions antérieures et porte à 2 500 euros la somme qu'elle demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par des mémoires enregistrés les 21 octobre et 12 novembre 2020 la CPAM de
Loir-et-Cher ramène à 8 459,19 euros la somme dont elle demande le remboursement et porte à 1 091 euros et à 2 000 euros ses demandes au titre respectivement de l'indemnité forfaitaire de gestion et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'ONIAM a produit des mémoires, enregistrés les 26 octobre et 18 novembre 2020.
Par des mémoires enregistrés les 27 octobre et 26 novembre 2020, le centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay maintient ses conclusions antérieures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 14 mars 1955, a subi le 27 septembre 2012 une hystérectomie sous coelioscopie au centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay. Une plaie vésicale a été constatée à la fin de l'intervention, qui a été immédiatement traitée par laparotomie. Le
29 septembre 2012, un scanner a mis en évidence l'absence de fonctionnement du rein droit et une hypotonie des cavités pyélocalicielles. Mme B... a été transférée dans une clinique privée de Blois, où il a été constaté un début d'éventration et la désinsertion de l'urètre gauche de son méat. Elle a subi plusieurs interventions chirurgicales pour traiter ces différentes complications, en dernier lieu le 15 avril 2014 pour réparer l'éventration. Aucune solution amiable n'ayant pu être trouvée, Mme B... a saisi le tribunal administratif d'Orléans qui, par un jugement du 31 mai 2018, a mis respectivement à la charge du centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay et de l'ONIAM les sommes de 4 464 euros et de 40 176 euros et a également condamné le centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay à verser à la CPAM de Loir-et-Cher la somme de 594 euros. La CPAM de Loir-et-Cher a relevé appel de ce jugement en tant qu'il a limité à 10% la part de responsabilité du centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay et réduit en conséquence le montant de son indemnité. L'ONIAM a également relevé appel de ce jugement. Mme B... a demandé la majoration des sommes qui lui ont été allouées au titre de l'assistance par une tierce personne et de sa perte de gains professionnels futurs. Par un arrêt du 24 janvier 2020, la cour a jugé que les conclusions d'appel principal de l'ONIAM étaient tardives et que la plaie vésicale et l'éventration subies par Mme B... étaient des accidents médicaux ouvrant droit à l'engagement de la solidarité nationale, mais que le traitement de la plaie vésicale par le centre hospitalier était fautif et avait fait perdre à la patiente une chance de guérison rapide et simple qu'il n'était pas possible d'évaluer en l'état de l'instruction. Elle a donc ordonné une expertise, confiée à un médecin urologue, afin de disposer d'une telle évaluation. Le rapport d'expertise a été enregistré le 2 octobre 2020 au greffe de la cour.
Sur la prise en charge de l'indemnité due à Mme B... :
2. Il résulte des conclusions de l'expert mandaté par la cour que la faute du centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay a fait perdre à Mme B... une chance d'éviter les complications survenues après l'intervention du 27 septembre 2012 qui peut être évaluée à 75%. Il y a donc lieu de mettre à la charge de cet établissement de santé 75% des dommages que la patiente a subis en lien avec cette faute, le solde étant indemnisé par l'ONIAM. Il résulte également de l'instruction que, s'agissant spécifiquement du déficit fonctionnel permanent dont reste atteinte Mme B..., évalué à 20%, dont 15% au titre des séquelles de l'éventration et 5% au titre de fuites urinaires, il convient de laisser 75% de l'indemnité due à l'intéressée à la charge de l'ONIAM et 25% à celle du centre hospitalier, seules les séquelles urologiques étant imputables à la faute de ce dernier.
Sur l'évaluation des préjudices de Mme B... :
3. Il ne résulte pas de l'instruction, en particulier des expertises établies en 2013 pour le compte de l'assureur de Mme B... et en 2014 à la demande de la CCI de la région Centre, que la requérante aurait eu besoin, dans les suites des opérations qu'elle a subies entre le
27 septembre 2012 et le 15 avril 2014, de l'assistance d'une tierce personne pour les besoins de la vie quotidienne. Elle n'est donc pas fondée à demander une indemnité au titre de ce chef de préjudice.
4. Les sommes non contestées allouées en première instance au titre de la perte de gains professionnels actuelle (1 440 euros), des souffrances endurées (7 200 euros) et du préjudice sexuel (2 500 euros) indemnisent des préjudices en lien avec la faute du centre hospitalier. Elles doivent donc être mises à hauteur de 75% à la charge de celui-ci pour un total de 8 355 euros et à hauteur de 25 % à celle de l'ONIAM pour un montant de 2 785 euros.
5. Mme B... a subi, du 27 septembre 2012 au 11 avril 2013, un déficit fonctionnel temporaire en lien avec la faute du centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay évalué à la somme non contestée de 835 euros par les premiers juges. Il y a donc lieu de mettre à la charge de cet établissement de santé 75% de cette somme, soit 626,25 euros, et le solde à celle de l'ONIAM, soit 208,75 euros. En revanche, la somme de 665 euros allouée par le tribunal au titre du déficit fonctionnel temporaire subi par Mme B... à partir du 12 avril 2013, qui n'est pas en lien avec cette faute, doit être mise à la seule charge de l'ONIAM.
6. Mme B..., qui était assistante de conservation principale de 2ème classe de la commune d'Orléans, a été placée en arrêt de travail du 27 septembre 2012 au 11 avril 2013, puis du 14 avril au 23 mai 2014, date de consolidation de son état de santé. Elle a été contrainte de solliciter un temps partiel (85%) à partir du 1er janvier 2014 et jusqu'au 1er juillet 2016, date à laquelle elle a été placée en congé de longue maladie avec rémunération à plein traitement. Elle a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 1er avril 2017. Il résulte des avis d'imposition et des bulletins de salaires qu'elle a produits en première instance et en appel que le revenu mensuel moyen net qu'elle a perçu au titre des années 2011, 2012 et 2013 s'établit à 2 113 euros et qu'elle a perdu 141 euros par mois de juin à décembre 2014, 192 euros par mois en 2015 et 367 euros par mois du 1er janvier au 1er juillet 2016. Son préjudice au titre de la perte de gains professionnels après consolidation atteint donc la somme totale de 5 493 euros. Ce préjudice étant la conséquence du déficit fonctionnel permanent de Mme B..., il y a lieu, par application de ce qui a été jugé au point 2, de mettre 75% de cette somme, soit 4 119,75 euros, à la charge de l'ONIAM, et 25%, soit 1 373,25 euros, à celle du centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay.
7. Mme B... ne justifie pas avoir subi une diminution de ses droits à pension de retraite et n'est pas fondée à demander que la perte de revenus professionnels qu'elle a subie entre le 23 mai 2014 et le 1er juillet 2016 soit capitalisée à titre viager, cette perte de revenus étant par nature limitée à sa période d'activité professionnelle.
8. Le déficit fonctionnel permanent dont souffre Mme B... a été évalué à la somme non contestée de 25 000 euros par le tribunal administratif d'Orléans. Il y a lieu, par application de ce qui a été jugé au point 2, de mettre 75% de cette somme, soit 18 750 euros, à la charge de l'ONIAM, et 25%, soit 6 250 euros, à celle du centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay
9. Le préjudice esthétique subi par Mme B... est exclusivement en lien avec la laparotomie qu'elle a subie en raison de la plaie vésicale. La somme non contestée de 2 000 euros allouée en première instance doit donc être mise à la seule charge de l'ONIAM.
10. Le préjudice d'agrément de Mme B..., évalué à la somme non contestée de 3 000 euros par les premiers juges, est la conséquence de son déficit fonctionnel permanent. Il y a donc lieu de mettre à la charge de l'ONIAM 75% de cette somme, soit 2 250 euros, et à celle du centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay 25% de cette somme, soit 750 euros.
11. Il résulte de ce qui précède que l'indemnité due à Mme B... doit être portée à la somme de 48 133 euros, dont 30 778,50 euros doivent être mis à la charge de l'ONIAM et 17 354,50 euros à celle du centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay.
Sur les droits de la CPAM de Loir-et-Cher :
12. La CPAM de Loir-et-Cher justifie avoir exposé une somme totale de 11 278,92 euros pour la prise en charge de Mme B..., dont il convient toutefois de déduire
397,44 euros (actes de biologie jusqu'au 20 juillet 2013) qui ne sont pas en lien direct avec la faute du centre hospitalier de Romorantin-Lantenay. Par conséquent, les frais à prendre en compte s'élèvent à 10 881,48 euros et l'indemnité qu'il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay à 75% de cette somme, soit 8 161 euros.
13. La somme de 8 161 euros portera intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2017, date d'enregistrement de la demande de la caisse devant le tribunal administratif d'Orléans.
14. La somme de 198 euros que le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay à verser à la CPAM de Loir-et-Cher au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion est portée à 1 091 euros, montant auquel cette indemnité a été fixée par l'arrêté du 27 décembre 2019 visé ci-dessus.
Sur les frais de l'instance :
15. Il y a lieu de mettre les frais de l'expertise, liquidés et taxés par une ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Nantes du 9 octobre 2020 à la somme de 2 124,73 euros, à la charge définitive de l'ONIAM et du centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay, chacun pour moitié.
16. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay les sommes de 1 500 euros et 750 euros à verser respectivement à la CPAM de Loir-et-Cher et à Mme B... et de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 750 euros à verser à Mme B....
DÉCIDE :
Article 1er : L'indemnité de 44 640 euros que le tribunal administratif d'Orléans a alloué à Mme B... est portée à 48 133 euros, dont 30 778,50 euros à la charge de l'ONIAM et 17 354,50 euros à celle du centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay.
Article 2 : La somme de 594 euros que le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay à verser à la CPAM de Loir-et-Cher est portée à 8 161 euros, somme à laquelle s'ajouteront les intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2017.
Article 3 : Le jugement n°1602296 du tribunal administratif d'Orléans du 31 mai 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la CPAM de Loir-et-Cher et des conclusions présentées devant la cour par Mme B... est rejeté.
Article 5 : La somme de 198 euros que le tribunal administratif d'Orléans a condamné le centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay à verser à la CPAM de Loir-et-Cher au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion est portée à 1 091 euros.
Article 6 : Les frais de l'expertise taxés et liquidés par l'ordonnance du 9 octobre 2020 du président de la cour administrative d'appel de Nantes à la somme de 2 124,73 euros sont mis à la charge définitive de l'ONIAM pour un montant de 1 062,36 euros et du centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay à hauteur de 1 062,37 euros.
Article 7 : Le centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay versera respectivement à la CPAM de Loir-et-Cher et à Mme B... les sommes de 1 500 euros et 750 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'ONIAM versera à Mme B... la somme de 750 euros au même titre.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la CPAM de Loir-et-Cher, à Mme C... B..., au centre hospitalier de Romorantin-Lanthenay et à l'ONIAM.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.
Le rapporteur
E. A...Le président
C. BrissonLe greffier
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18NT02916