Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 février 2020 le préfet d'Indre-et-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 19 février 2020 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant ce tribunal.
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il avait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il a suivi l'avis du 30 novembre 2018 du collège des médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
La requête a été communiquée à Mme A..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante albanaise née le 18 octobre 1983, déclare être entrée irrégulièrement en France le 10 juin 2013. Sa demande d'asile a été rejetée par le directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. Elle a toutefois obtenu, le 30 mai 2017, un titre de séjour en raison de son état de santé, dont la validité a été prorogée jusqu'au 1er mai 2018. Le 13 février 2018, elle a demandé le renouvellement de ce titre. Par un arrêté du 15 mai 2019, le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée d'office. Le préfet d'Indre-et-Loire relève appel du jugement du 19 février 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans, saisi par Mme A..., a annulé cet arrêté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. ".
3. Le préfet d'Indre-et-Loire a pris l'arrêté contesté en s'appuyant sur un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 30 novembre 2018 selon lequel l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Albanie et est en état de voyager vers ce pays.
4. Si Mme A... a produit au dossier des certificats médicaux établis les 26 mars 2018, 3 juillet 2018, 28 janvier 2019 et 11 juin 2019 par le médecin neurologue qui la suit au centre hospitalier universitaire (CHU) de Tours, attestant qu'elle souffre d'une épilepsie grave pharmaco-résistante associée à des manifestations psychogènes, qu'une prise en charge chirurgicale est envisagée et nécessite la réalisation d'un bilan pré-chirurgical invasif qui ne serait pas réalisable en Albanie, cette dernière affirmation n'est pas suffisamment circonstanciée et étayée pour faire douter de la pertinence de l'avis du 30 novembre 2018 du service médical de l'OFII. C'est donc à tort que les premiers juges ont estimé que le préfet d'Indre-et-Loire avait méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ont, pour ce motif, annulé l'arrêté contesté.
5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif d'Orléans.
6. En premier lieu, l'arrêté contesté comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Il est donc suffisamment motivé.
7. En deuxième lieu, le préfet n'est pas destinataire du rapport médical sur lequel s'est fondé le collège de médecins du service médical de l'OFII, qui est protégé par le secret médical, et n'avait donc pas à transmettre ce document à Mme A....
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Il ressort des pièces du dossier que depuis son entrée en France en 2013 Mme A... n'a été en situation régulière que pendant un an environ, qu'elle est faiblement insérée dans la société française et qu'elle ne justifie pas être sans attaches privées et familiales en Albanie, pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente ans. Il n'est par ailleurs pas établi par les pièces du dossier que son état de santé nécessiterait la présence à ses côtés de sa soeur, qui réside également en France. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, contraire aux stipulations rappelées au point précédent.
10. En dernier lieu, les certificats médicaux produits par Mme A... établissent de manière circonstanciée que l'épilepsie dont elle souffre, en lien avec une lésion vasculaire occipitale droite, est significativement aggravée à chaque fois qu'elle est placée en situation de stress. Son médecin traitant écrit par exemple le 5 octobre 2016 : " Malheureusement, depuis ma dernière consultation, les choses se sont dégradées puisqu'elle a fait 5 crises en avril, 9 en mai,
7 en juin, 6 en juillet et 7 depuis août. Il existe clairement un contexte favorisant : ses demandes d'asile ont été refusées et les recours également. Cela a augmenté le stress et c'est depuis ces deux réponses négatives que les crises se sont exacerbées. ". Ce même médecin indique, dans un certificat daté du 11 juin 2019, qu'en raison du stress qu'elle génèrerait, une reconduite en Albanie ne peut être envisagée " dans des conditions sanitaires sûres pour la patiente ". Dans ces circonstances particulières, qui ne sont pas spécifiquement contestées par le préfet
d'Indre-et-Loire, l'arrêté contesté, en tant qu'il fixe l'Albanie comme pays à destination duquel Mme A... pourra être reconduite d'office, est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
11. Il résulte de ce qui précède que le préfet d'Indre-et-Loire est fondé, en ce qui concerne seulement la décision refusant de renouveler le titre de séjour de Mme A... et la décision portant à son encontre obligation de quitter le territoire français qu'il contient, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 15 mai 2019.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
12. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions présentées par Mme A... aux fins d'injonction doivent donc être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme à verser au conseil de Mme A... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1902724 du tribunal administratif d'Orléans du 19 février 2020 est annulé en tant qu'il a annulé les décisions contenues dans l'arrêté du 15 mai 2019 du préfet d'Indre-et-Loire refusant de renouveler le titre de séjour de Mme A... et portant à son encontre obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... A....
Copie sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre
- M. B..., premier conseiller,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.
Le rapporteur
E. B...Le président
I. PerrotLe greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00721