Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 mars 2020 M. B..., représenté par
Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 30 janvier 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet d'Indre-et-Loire du 24 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 et les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet d'Indre-et-Loire qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 20 décembre 1984, est entré en France irrégulièrement le 21 février 2011. Le 24 janvier 2019, il a demandé la régularisation de sa situation en qualité de salarié. Par un arrêté du 24 juin 2019, le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office. M. B... relève appel du jugement du 30 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté son recours tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que les dispositions de ce code s'appliquent sous réserve des conventions internationales. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 visé ci-dessus : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et portant la mention salarié. ". L'article 9 du même accord stipule que : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. ". Enfin, aux termes de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle mentionnée aux articles L. 313-20, L. 313-21, L. 313-23 et L. 313-24 sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 ".
3. D'une part, il résulte de la combinaison des stipulations et dispositions précitées que la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour " salarié " prévu à l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 est subordonnée à la production par ce ressortissant d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois.
4. D'autre part, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
5. Compte tenu de ce qui a été indiqué aux points 3 et 4, et dès lors qu'il est constant que M. B... est entré en France sans posséder un visa de long séjour, le préfet
d'Indre-et-Loire pouvait légalement lui refuser, pour ce seul motif, le titre de séjour qu'il sollicitait en qualité de salarié. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de l'accord franco-marocain doit donc être écarté.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. B... résidait en France depuis environ huit ans à la date de l'arrêté contesté, mais en situation irrégulière. Il ne justifie pas d'une véritable insertion professionnelle au regard de la précarité de sa situation et de la modestie de ses revenus, qui ne lui ont d'ailleurs jamais permis d'occuper son propre logement. Il a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans au Maroc, pays dans lequel il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales et privées. Dans ces conditions, et alors même que son frère réside en France de manière stable, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, contraire aux stipulations rappelées au point précédent. Pour les mêmes raisons, cet arrêté n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. A..., premier conseiller,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 décembre 2020.
Le rapporteur
E. A...Le président
C. Brisson
Le greffier
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT00810