4 367,84 euros à l'institution de prévoyance des emplois et de la famille (H...), appelées à la cause.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 juin 2019 l'ONIAM, représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande indemnitaire ;
2°) de condamner solidairement le CHU de Tours et la SHAM à lui verser les sommes de 296 247,54 euros au titre de l'indemnité versée à Mme A..., 1 400 euros au titre des frais d'expertise et 22 218,56 euros au titre de la pénalité prévue par le 5ème alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique, assorties des intérêts au taux légal à compter du
8 juin 2017 ;
3°) de mettre solidairement à la charge du CHU de Tours et de la SHAM la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la responsabilité du CHU de Tours doit être confirmée ;
- c'est en revanche à tort que les premiers juges ont retenu que la faute commise par le CHU de Tours à l'occasion de la prise en charge de Mme A... n'avait fait perdre à celle-ci qu'une chance d'obtenir l'amélioration de son état de santé ; il a droit au remboursement de l'intégralité de l'indemnité qu'il a versée à Mme A..., soit 296 247,54 euros ;
- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il y a lieu de retenir un préjudice au titre de l'aide par une tierce personne et un taux de déficit fonctionnel permanent de 40 % et non de 25 % ;
- la SHAM ayant refusé d'indemniser Mme A..., il y a lieu de la condamner à lui verser la pénalité de 15% prévue par l'article L. 1142-15 du code de la santé publique ; en vertu du même article, il a également droit au remboursement des frais de l'expertise amiable.
Par un mémoire enregistré le 16 août 2019 l'H..., représentée par
Me B..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement attaqué en ce qu'il n'a pas fait droit à la totalité de ses conclusions ;
2°) de condamner le CHU de Tours et la SHAM à lui verser la somme totale de 92 012,041 euros assortie des intérêts au taux légal ;
3°) de mettre solidairement à la charge du CHU de Tours et de la SHAM la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ne lui ont pas accordé le remboursement de l'intégralité des allocations qu'elle a versées à Mme A... pour compenser sa perte de revenus professionnels ;
- elle a droit à la somme de 15 450,36 euros au titre du complément d'indemnités journalières versé jusqu'au 31 octobre 2013, à la somme de 16 249,95 euros au titre de la pension d'invalidité versée du 1er novembre 2013 au 28 février 2019, et à la somme de
60 311,73 au même titre pour la période allant du 1er mars 2019 à mars 2038.
Par des mémoires en défense enregistrés les 28 février, 27 mars et 30 mars 2020 le CHU de Tours et la SHAM, représentés par Me G..., demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête de l'ONIAM ainsi que les conclusions présentées par l'H... et par la CPAM de Loir-et-Cher ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement attaqué et de rejeter les demandes présentées par l'ONIAM, l'H... et la CPAM de Loir-et-Cher devant le tribunal administratif d'Orléans.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a jugé que le CHU de Tours avait commis une faute à l'occasion de la prise en charge de Mme A... ;
- les moyens soulevés par l'ONIAM, par l'H... et par la CPAM de
Loir-et-Cher ne sont pas fondés.
Par un mémoire enregistré le 9 mars 2020 la CPAM de Loir-et-Cher, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement attaqué en ce qu'il n'a pas fait droit à la totalité de sa demande ;
2°) de condamner le CHU de Tours et la SHAM à lui verser la somme de
188 199,06 euros, ou à défaut la somme de 115 615,92 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 février 2018 ;
3°) de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par le CHU de Tours et la SHAM ;
4°) de mettre solidairement à la charge du CHU de Tours et de la SHAM la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ne lui ont pas accordé le remboursement de l'intégralité des sommes qu'elle a exposées au bénéfice de Mme A..., le retard d'intervention ayant fait perdre à la patiente toute chance de récupération.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. F...,
- et les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... A..., née en mars 1976, qui présentait des antécédents de hernie discale, a souffert de lombalgies à compter d'octobre 2010. Un examen réalisé par IRM le
18 novembre 2010 a mis en évidence une hernie discale L4-L5 très volumineuse. Mme A... a été opérée le 10 janvier 2011 au CHU de Tours. Les suites immédiates ont été marquées par l'apparition d'un syndrome de la queue de cheval partiel. Une IRM rachidienne a été réalisée le même jour en urgence à 20h24. Une reprise chirurgicale a eu lieu le lendemain à 14h30, mais Mme A... a conservé d'importantes séquelles. Elle a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) de la région Centre, qui a diligenté une expertise confiée à un neurochirurgien, lequel a remis son rapport le 4 avril 2012. Dans un avis du 13 juin 2012, la CCI a estimé que le dommage de Mme A... était dû à un accident médical aggravé par une faute du CHU et a considéré que la réparation des préjudices de Mme A... incombait pour 50 % à l'ONIAM et pour 50 % à l'assureur du CHU de Tours. En l'absence d'indemnisation par la SHAM, assureur du CHU de Tours, l'ONIAM a, par six protocoles transactionnels successifs, versé à Mme A... deux fois la somme de 148 123,77 euros, d'abord au titre de la solidarité nationale, puis en substitution de la SHAM. L'office a ensuite saisi le tribunal administratif d'Orléans d'un recours tendant à ce que le CHU de Tours et la SHAM soient solidairement condamnés à lui rembourser ces sommes, ainsi que les frais d'expertise pour un montant de 1 400 euros et la somme de 22 218,56 euros au titre de la pénalité prévue au 5ème alinéa de l'article L. 1142-15 du code de la santé publique. Par un jugement du 4 avril 2019, le tribunal a condamné le CHU de Tours et la SHAM à verser à l'ONIAM la somme de 35 748 euros. Il les a également condamnés à verser 30 423,01 euros à la CPAM de Loir-et-Cher et 4 367,84 euros à l'H.... L'ONIAM relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à sa demande. L'H... et la CPAM de Loir-et-Cher demandent la réformation de ce même jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la totalité de leurs conclusions indemnitaires. Par la voie de l'appel incident, le CHU de Tours et la SHAM demandent son annulation ainsi que le rejet des demandes présentées devant le tribunal administratif d'Orléans par l'ONIAM, la CPAM de Loir-et-Cher et l'H....
Sur la responsabilité du CHU de Tours :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".
3. Il incombe au juge, saisi d'une action de l'ONIAM subrogé, à l'issue d'une transaction, dans les droits d'une victime à concurrence des sommes qu'il lui a versées, de déterminer si la responsabilité du professionnel ou de l'établissement de santé est engagée et, dans l'affirmative, d'évaluer les préjudices subis afin de fixer le montant des indemnités dues à l'office. Lorsqu'il procède à cette évaluation, le juge n'est pas lié par le contenu de la transaction intervenue entre l'ONIAM et la victime.
4. L'expert mandaté par la CCI de la région Centre, aux termes d'un rapport succinct et peu étayé, a estimé que, dans les suites immédiates de l'opération du 10 janvier 2011, Mme A... avait souffert d'un hématome épidural compressif, accident médical révélé par l'IRM réalisée en urgence à 20h24, dont les conséquences dommageables ont été aggravées par la faute du CHU de Tours qui a tardé à réaliser une reprise chirurgicale. Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier des avis critiques établis les 19 février 2018 et 25 mars 2020
(ce dernier étant produit pour la première fois en appel) par des neurochirurgiens à la demande des défendeurs et qui, ayant été soumis au débat contradictoire au cours de l'instance, peuvent être pris en compte à titre d'éléments d'information, que l'expert n'a pas tenu compte des symptômes présentés par Mme A... à son réveil, qui n'évoquaient pas un hématome épidural compressif, en particulier en l'absence de douleurs lombaires, que l'IRM de 20h24, contrairement à ce qu'a cru pouvoir affirmer l'expert, ne permettait pas de conclure formellement à l'existence d'un tel hématome, et que le chirurgien qui a réopéré Mme A... le 11 janvier 2010 n'a pas davantage constaté la présence d'un hématome alors même que, contrairement aux affirmations de l'expert, elle n'aurait pu échapper au praticien chevronné qu'il était eu égard à son aspect gélatineux très particulier. Or, il est constant qu'en l'absence d'hématome la décision de réopérer Mme A... environ quinze heures après l'IRM de contrôle ne pouvait être regardée comme fautive. Eu égard à ces éléments médicaux étayés, en contradiction avec les conclusions de l'expert missionné par la CCI de la région Centre, la cour estime ne pas disposer d'une information suffisante pour statuer sur le litige. Il y a donc lieu d'ordonner avant dire droit une nouvelle expertise afin de déterminer si les conditions de prise en charge de Mme A... par le CHU de Tours ont été ou non conformes aux règles de l'art.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est ordonné, avant de statuer sur les conclusions de la requête, une expertise, confiée à un neurochirurgien, qui aura pour mission :
- de se faire communiquer tous documents relatifs au suivi médical, interventions, soins et traitements dont Mme A... a fait l'objet au CHU de Tours ;
- de dire si la prise en charge de Mme A... par le CHU de Tours a été attentive, diligente et conforme aux données acquises de la science médicale ; de déterminer en particulier la ou les cause(s) du syndrome de la queue de cheval dont elle a souffert dans les suites de l'intervention du 10 janvier 2011 (hématome compressif ' traumatisme radiculaire ' autre(s) cause(s) '), de dire si cette complication a fait l'objet d'une prise en charge adaptée, conforme aux bonnes pratiques ;
- d'indiquer si les fautes éventuellement constatées ont fait perdre à Mme A... une chance de voir son état de santé s'améliorer ou d'échapper à son aggravation ;
- d'une manière générale, de donner à la cour toute information ou appréciation utile de nature à lui permettre de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer les préjudices subis.
Article 2 : L'expertise sera menée contradictoirement entre l'ONIAM, le CHU de Tours, la SHAM, la CPAM de Loir-et-Cher et l'H... et Mme A....
Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Le rapport d'expertise sera déposé en deux exemplaires dans un délai de trois mois à compter de la date de notification du présent arrêt. L'expert en notifiera des copies aux parties intéressées.
Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'ONIAM, à la CPAM de Loir-et-Cher, à l'H..., au CHU de Tours et à la SHAM.
Délibéré après l'audience du 4 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. F..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2021.
Le rapporteur
E. F...Le président
I. PerrotLe greffier
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02173