Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 août 2019 le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du
6 juin 2019.
Il soutient que :
- l'annexe II du décret du 30 juin 2003 interdit de commercialiser un produit sous la dénomination " miel " dès lors que ce produit est un mélange de miel et d'une autre substance ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'étiquetage des produits de la société Famille A... respectait les dispositions du premier paragraphe de l'article 17 du règlement 1169/2011 du 25 octobre 2011 qui impose, en l'absence de dénomination légale ou usuelle, l'usage d'un nom descriptif, comme par exemple " préparation ", " mélange " ou " recette ".
Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2020 la société Famille A..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable, sa signataire ne justifiant pas d'une délégation du ministre de l'économie et des finances ;
- les moyens soulevés par le ministre de l'économie et des finances ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n°1169/2011 du Parlement européen et du conseil du
25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les données alimentaires ;
- le code de la consommation ;
- le décret n°2003-587 du 30 juin 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de Me C..., représentant la société Famille A....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 24 mars 2016, le préfet de Maine-et-Loire a, notamment, enjoint à la société Famille A..., qui exerce une activité de production, de négoce et de vente de miel et de produits de la ruche, de mettre en conformité dans un délai de deux mois l'étiquetage de ses produits de la gamme " Miel et " en y indiquant " Préparation à base de miel et... ", tous les mots de cette dénomination devant être de même taille et de même graphisme. Par une seconde décision du 24 juin 2016, le préfet a étendu cette injonction aux informations commerciales figurant sur le site internet de la société. La société Famille A... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de ces décisions. Par un jugement du 6 juin 2019, le tribunal a fait droit à sa demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance relève appel de ce jugement.
Sur le cadre juridique applicable :
2. D'une part, l'article 7 du règlement n°1169/2011 du Parlement européen et du conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les données alimentaires prévoit que : " 1. Les informations sur les denrées alimentaires n'induisent pas en erreur, notamment:/ a) sur les caractéristiques de la denrée alimentaire et, notamment, sur la nature, l'identité, les qualités (...) de cette denrée;(...) / 2. Les informations sur les denrées alimentaires sont précises, claires et aisément compréhensibles par les consommateurs. (...) / 4. Les paragraphes 1, 2 et 3 s'appliquent également à (...) b) la présentation des denrées alimentaires et notamment à la forme ou à l'aspect donné à celles-ci ou à leur emballage (...) ". Selon l'article 17 du même règlement : " 1. La dénomination de la denrée alimentaire est sa dénomination légale. En l'absence d'une telle dénomination, la dénomination de la denrée est son nom usuel. À défaut d'un tel nom ou si celui-ci n'est pas utilisé, un nom descriptif est à indiquer. ". Aux termes du I de l'article L. 121-1 du code de la consommation, en vigueur jusqu'au 1er juillet 2016 : " Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : / 1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service (...) ; / 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : / a) (...) la nature du bien ou du service ; / b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition (...) ".
3. D'autre part, selon l'article 2 du décret du 30 juin 2003 pris pour l'application de l'article L. 214-1 du code de la consommation en ce qui concerne le miel : " I. - La dénomination "miel" est réservée au produit défini au I de l'annexe I et est utilisée dans le commerce pour désigner ce produit. (...) ". Le I de l'annexe I du même décret précise que : " I. - Au sens du présent décret, le miel est la substance sucrée naturelle produite par les abeilles de l'espèce Apis mellifera à partir du nectar de plantes ou des sécrétions provenant de parties vivantes des plantes ou des excrétions laissées sur celles-ci par des insectes suceurs, qu'elles butinent, transforment, en les combinant avec des matières spécifiques propres, déposent, déshydratent, entreposent et laissent mûrir dans les rayons de la ruche. A l'exception du miel filtré, aucun pollen ni aucun autre constituant propre au miel ne doit être retiré, sauf si cela est inévitable lors de l'élimination de matières organiques et inorganiques étrangères. ". Selon l'annexe II du même décret : " Le miel, lorsqu'il est commercialisé comme tel ou quand il est utilisé dans un produit quelconque destiné à la consommation humaine, ne doit avoir fait l'objet d'aucune addition de produits alimentaires, y compris les additifs alimentaires, ni d'aucune addition autre que du miel. ". Enfin, aux termes de l'article 3 du même décret : " (...) 4° Le pollen, en tant que constituant naturel propre au miel, n'est pas considéré comme un ingrédient, au sens du point f du paragraphe 2 de l'article 2 du règlement susmentionné, des produits définis à l'annexe I. ".
4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'une denrée alimentaire à base de miel doit recevoir un nom descriptif au sens du règlement n° 1169/2011 précité, c'est-à-dire suffisamment clair pour que les consommateurs puissent déterminer sa véritable nature et la distinguer des autres produits avec lesquels elle pourrait être confondue, en particulier du miel pur.
Sur la légalité de la décision du 24 mars 2016 :
5. Il ressort des pièces du dossier que les étiquettes apposées sur les pots des produits commercialisés par la société Famille A... concernés par l'injonction litigieuse comportent en caractères lisibles le terme " préparation ", suivi de l'expression " Miel et " (par exemple " Miel et Vanille ") imprimée dans des caractères de taille supérieure.
6. En premier lieu, contrairement à ce que soutient le ministre, cette dénomination ne contrevient pas aux dispositions de l'annexe II du décret du 30 juin 2003 rappelées au point 3, qui ne sont pas relatives à l'information des consommateurs mais à la composition du miel et qui n'interdisent pas de commercialiser un produit composé à base de miel pur et d'un autre produit alimentaire.
7. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article 3 du décret du 30 juin 2003 qu'un produit alimentaire ne contenant que du miel et du pollen n'a pas à porter un nom descriptif au sens du règlement n°1169/2011 du Parlement européen et du conseil du
25 octobre 2011, puisque le pollen est un constituant naturel du miel et non un ingrédient ajouté. Le préfet ne pouvait donc légalement enjoindre à la société Famille A... d'utiliser une telle dénomination pour ses produits dénommés " Miel et pollen ".
8. En dernier lieu, s'agissant des autres produits de la gamme " Miel et... ", il ressort des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas contesté, que la mention " préparation ", quoiqu'imprimée en petits caractères, est bien lisible sur les étiquettes et que les noms des deux ingrédients du produit y figurent en caractères identiques en police et en taille, de sorte que le consommateur ne peut se tromper sur la nature de ce produit alimentaire composé et est en mesure, à la seule lecture de son étiquette, de le distinguer du miel pur. Dans ces conditions, l'étiquetage figurant sur les produits de la gamme " Miel et... " doit être regardé comme respectant les dispositions du règlement n°1169/2011 du Parlement européen et du conseil du
25 octobre 2011 et du décret du 30 juin 2003. Par suite, le préfet de Maine-et-Loire ne pouvait légalement enjoindre à la société Famille A... de le modifier.
Sur la légalité de la décision du 24 juin 2016 :
9. L'article L. 218-5-5 du code de la consommation dispose : " S'il est constaté avec les pouvoirs prévus au présent livre, un manquement ou une infraction, les agents mentionnés à l'article L. 215-1 peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à un opérateur, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ses obligations. "
10. En application de ces dispositions, la décision du 24 juin 2016, en tant qu'elle étendait pour la première fois au support de vente numérique de la société Famille A... l'injonction prononcée à son encontre le 24 mars 2016 relative à la présentation des produits de la gamme " Miel et... ", ne pouvait légalement intervenir sans une procédure contradictoire préalable. Il est constant qu'une telle procédure n'a pas été mise en oeuvre par le préfet de Maine-et-Loire, privant ainsi la société Famille A... d'une garantie. La seconde décision contestée est donc également entachée d'illégalité.
11. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la société Famille A..., le ministre de l'économie, des finances et de la relance n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé les décisions des 24 mars et 24 juin 2016 du préfet de Maine-et-Loire dans la mesure rappelée ci-dessus.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Famille A... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'économie, des finances et de la relance est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à la société Famille A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société Famille A....
Délibéré après l'audience du 4 février 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 février 2021.
Le rapporteur
E. B...Le président
I. PerrotLe greffier
A. Martin
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03309