Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 février 2020 M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 novembre 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 24 avril 2018 du préfet des Côtes-d'Armor ;
3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor de lui délivrer une carte de résident dans un délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer ;
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de la décision contestée ;
- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;
- en se fondant sur les dispositions du 2° de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet a commis une erreur de droit ;
- compte tenu de ses ressources, la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 314-8 et du 2° de l'article R. 314-1-1 du même code ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public et qu'il maîtrise la langue française.
Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2020 le préfet des Côtes-d'Armor conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D..., ressortissant russe, relève appel du jugement du 26 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 avril 2018 du préfet des Côtes-d'Armor lui refusant la délivrance d'une carte de résident.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le requérant soutient que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de l'erreur de droit commise par le préfet au regard des dispositions du 2° de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prévoyant la délivrance de plein droit d'une carte de résident à l'étranger parent d'un enfant français, qui ne lui étaient pas applicables. Il ressort des pièces du dossier que si le préfet a cité à tort ces dispositions, sa décision n'est nullement fondée sur leur application. Ainsi, le tribunal administratif de Rennes n'a pas, en ne répondant pas à un moyen inopérant, entaché son jugement d'une omission de répondre à un moyen. Par suite, le jugement en cause n'est pas entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 11 décembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet des Côtes-d'Armor a donné à Mme Béatrice Obara, secrétaire générale de la préfecture, délégation aux fins de signer, en toutes matières, tous actes, arrêtés, décisions, circulaires, requêtes juridictionnelles, correspondances incombant au préfet, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas ceux pris en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté comme manquant en fait.
4. La décision contestée refusant la délivrance d'une carte de résident à M. D... comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est ainsi suffisamment motivée. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Côtes-d'Armor n'aurait pas procédé, préalablement à l'édiction de cette décision, à un examen particulier de la situation du requérant.
5. Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors en vigueur : " Une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie : / 1° D'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues au présent code, à l'exception de celles délivrées sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-7-1, L. 313-7-2 ou L. 313-13, du 3° de l'article L. 313-20, des articles L. 313-23, L. 316-1 ou
L. 317-1 ou du 8° de l'article L. 314-11. (...) / 2° De ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. La condition prévue au présent 2° n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code (...) ". Aux termes de l'article L. 314-2 du même code : " Lorsque des dispositions législatives du présent code le prévoient, la délivrance d'une première carte de résident est subordonnée à l'intégration républicaine de l'étranger dans la société française, appréciée en particulier au regard de son engagement personnel à respecter les principes qui régissent la République française, du respect effectif de ces principes et de sa connaissance de la langue française, qui doit être au moins égale à un niveau défini par décret en Conseil d'Etat. / Pour l'appréciation de la condition d'intégration, l'autorité administrative saisit pour avis le maire de la commune dans laquelle il réside. Cet avis est réputé favorable à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la saisine du maire par l'autorité administrative ". Enfin aux termes de l'article R. 314-1-1 du même code : " L'étranger qui sollicite la délivrance de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " doit justifier qu'il remplit les conditions prévues aux articles L. 314-8, L. 314-8-1 ou L. 314-8-2 en présentant, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 314-1, les pièces suivantes : (...) / 2° La justification qu'il dispose de ressources propres, stables et régulières, suffisant à son entretien, indépendamment des prestations et des allocations mentionnées au 2° de l'article L. 314-8, appréciées sur la période des cinq années précédant sa demande, par référence au montant du salaire minimum de croissance ; lorsque les ressources du demandeur ne sont pas suffisantes ou ne sont pas stables et régulières pour la période des cinq années précédant la demande, une décision favorable peut être prise, soit si le demandeur justifie être propriétaire de son logement ou en jouir à titre gratuit, soit en tenant compte de l'évolution favorable de sa situation quant à la stabilité et à la régularité de ses revenus, y compris après le dépôt de la demande (...) ".
6. Pour regrettable que soit le visa, dans la décision préfectorale contestée, du 2° de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable au parent d'enfant français, M. D... n'étant pas père d'un enfant de nationalité française, il ressort des mentions de cette décision que le refus opposé à M. D... repose sur trois motifs : le non-respect des principes qui régissent la République Française, l'absence de ressources stables et suffisantes et un niveau de langue française insuffisant. Ainsi, l'erreur purement matérielle commise par le préfet ne permet pas d'établir que la décision contestée serait, pour ce motif, entachée d'une erreur de droit.
7. M. D... soutient qu'il a effectué des missions de très courte durée au cours de l'année 2013, qu'il occupe un emploi de vingt-six heures par mois depuis 2015 et qu'il a également bénéficié à compter du mois de mai 2013 d'un contrat à durée indéterminée pour une rémunération mensuelle brute moyenne de 1 500 euros. Il ressort toutefois des pièces du dossier, alors que les justificatifs produits ne couvrent pas l'intégralité de la période de cinq ans précédant sa demande, que l'intéressé a été admis au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi à la suite de la perte de son emploi en juin 2017. Dans ces conditions, alors même que le requérant justifie avoir conclu le 1er juillet 2020, postérieurement à la décision en litige, un avenant à un contrat à durée indéterminée conclu 13 janvier 2020, portant à
35 heures son volume hebdomadaire de travail, M. D... ne justifie pas remplir la condition de ressources pour pouvoir bénéficier de plein droit de la délivrance d'une carte de résident en application des dispositions précitées de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le requérant, n'établit pas, en se bornant à se prévaloir d'un séjour régulier en France depuis l'année 2013, que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
8. M. D... soutient que le préfet lui a opposé à tort et sans solliciter préalablement l'avis du maire de la commune dans laquelle il réside, un défaut d'intégration fondé sur la circonstance qu'il ne justifiait pas d'un niveau A2 en langue française et que son casier judiciaire faisait état de deux condamnations pénales pour des infractions au code de la route commises en 2013 et 2017, alors que ces dernières ne permettent pas de caractériser une menace à l'ordre public. Si le préfet des Côtes-d'Armor ne pouvait effectivement se fonder sur une insuffisante intégration de l'intéressé sans procéder sur ce point à la consultation du maire prévue par les dispositions du 2ème alinéa de l'article L. 314-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur le motif tiré de l'insuffisance de ses ressources évoqué au point 7 et sur l'insuffisance de connaissance de la langue française, l'intéressé, bien que produisant une attestation de connaissance de niveau A1 et A2 de la langue, ne justifiant pas de la délivrance d'un diplôme de ce niveau.
10. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Côtes-d'Armor.
Délibéré à l'issue de l'audience publique du 5 novembre 2020
- Mme Perrot, président,
- Mme C..., président-assesseur,
- Mme Le Barbier, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 novembre 2020.
Le rapporteur
C. C...
Le président
I. Perrot
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT004252