Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 juin 2021, M. C... E..., représenté par Me Le Floch, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 mai 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 février 2020 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, à ce qu'il lui soit enjoint, dans les mêmes conditions, de réexaminer sa demande de titre de séjour en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Il soutient que :
le jugement attaqué est irrégulier pour être entaché d'une omission à statuer sur le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
cette décision est insuffisamment motivée ;
pour l'application des dispositions du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de la durée de son séjour en France depuis 2011 et de sa situation familiale ;
elle méconnaît les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ;
elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet n'a pas mis en œuvre l'exercice du pouvoir de régularisation qu'il détient alors que sa demande d'admission au séjour se justifiait au regard de motifs exceptionnels ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
cette décision doit être annulée du fait de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
pour les mêmes motifs que précédemment, cette décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
cette décision doit être annulée du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2021, le préfet de la
Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué n'est pas fondé et s'en remet, pour le surplus, à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code des relations entre le public et l'administration ;
la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. L'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... E..., ressortissant algérien né le 2 septembre 1974, est entré sur le territoire français le 1er juin 2011 sous couvert d'un visa d'entrée et de court séjour délivré par les autorités italiennes valable du 1er au 24 juin 2011. Il a sollicité, le 27 mai 2015, son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile sur le fondement des dispositions de l'article L.741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 30 janvier 2007, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile. Le préfet de la Loire-Atlantique, par un arrêté du 21 février 2017, a pris alors à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois. M. E... a sollicité début 2017 la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ". Par l'arrêté contesté du 14 février 2020, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 mai 2021 rejetant sa demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que les premiers juges n'ont pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en violation des stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant. Par suite, M. E... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une omission de répondre à un moyen en tant qu'il porte sur la décision portant obligation de quitter le territoire et est, pour ce motif et dans cette mesure, irrégulier.
3. Il y a lieu de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur les conclusions de M. E... dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et par la voie de l'effet dévolutif de l'appel en ce qui concerne les autres décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance du titre de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) constituent une mesure de police (...) " ; Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
5. L'arrêté attaqué, pris au visa des dispositions et stipulations applicables au cas d'espèce, indique précisément la situation administrative du requérant depuis son arrivée en France et les motifs pour lesquels le titre de séjour qu'il a sollicité ne lui est pas délivré. Il mentionne, en particulier, que l'intéressé n'établit, par les pièces qu'il produit, une présence avérée sur le territoire français que depuis le 27 mai 2015 et non pas depuis neuf ans comme il l'allègue, qu'il est séparé depuis le 13 juillet 2017 de Mme B... de nationalité française, qu'il avait épousée le 6 janvier 2017, de sorte qu'il ne peut pas prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2° de l'article 6 de l'accord franco-algérien. L'arrêté précise également qu'il ne peut d'avantage bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement du 5° du même article de l'accord franco-algérien dès lors qu'il est séparé de son enfant qui vit en région parisienne et qu'il ne peut justifier participer à son entretien et à son éducation dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ni avoir créé de liens affectifs. L'arrêté mentionne aussi qu'il ne peut se voir délivrer un titre de séjour en application des articles 7 b) et 9 de l'accord en l'absence de contrat de travail visé par l'autorité administrative et de visa de long séjour. La décision précise enfin les motifs pour lesquels la décision de refus de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'il n'est pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant. Cet arrêté énonce ainsi, avec suffisamment de précision, les considérations de fait et de droit sur lesquelles son auteur a entendu se fonder pour refuser de délivrer à
M. E... le titre de séjour qu'il sollicitait. Le moyen tiré du défaut de motivation de la décision en litige doit, par suite, être écarté.
6. En deuxième lieu, en vertu du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien
du 27 décembre 1968 susvisé, le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit " au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est le père d'un enfant, dénommé A... H..., issu de son union avec Mme D... H..., de nationalité algérienne et né le 20 mai 2017 et que le requérant a reconnu le 27 novembre suivant. Par un jugement du 26 septembre 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Evry a constaté que M. E... disposait de plein droit, du fait de la loi, de l'exercice de l'autorité parentale sur cet enfant compte tenu de cette reconnaissance. Selon ce jugement, l'attention de M. E... a été particulièrement attiré sur le caractère obligatoire du versement de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant et sur la nécessité que celle-ci soit adaptée à ses capacités financières, M. E... devant alors s'acquitter d'une contribution financière fixée à 100 euros par mois. En outre, ce jugement, qui fixe la résidence de l'enfant au domicile de sa mère, lui accorde un droit de visite qui s'exercera selon un accord défini par les parents ou, à défaut d'un tel accord, selon les modalités précisées par le jugement. Dans ces conditions, en produisant deux preuves de deux déplacements en février et octobre 2018 pour se rendre à Paris où réside son fils, un seul mandat de 200 euros adressé à Mme H... le 13 janvier 2020 et quelques photographies supposées le représenter avec son fils A..., M. E... n'établit pas l'intensité de ses relations avec son enfant, ni qu'il contribuerait de manière régulière et effective à l'entretien et à l'éducation de ce dernier, avec lequel il n'a jamais vécu. Par ailleurs, si le requérant soutient qu'il réside en France depuis 2011, il est constant qu'il n'a pas obtempéré à l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 21 février 2017 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois. Par suite, le préfet de la Loire-Atlantique, en refusant d'admettre au séjour M. E..., n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a ainsi, pas méconnu les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces dernières stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Eu égard à ce qui a été dit au point 7 et alors qu'au surplus, la décision de refus de séjour contestée n'a pas pour effet de séparer le requérant de son fils mineur, le moyen tiré de ce que cette décision a méconnu les stipulations du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et serait entachée d'une erreur de droit ne peut être qu'écarté.
10. En quatrième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur, prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à l'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir. Cet article, dès lors qu'il est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, ne s'applique pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Cependant, bien que cet accord ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, un préfet peut délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit et il dispose à cette fin d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
11. Il ressort des termes de la décision litigieuse que le préfet de la Loire-Atlantique a examiné si l'admission du requérant au séjour se justifiait au regard de motifs exceptionnels ou par des considérations humanitaires. En écartant cette possibilité au motif que la présentation d'un contrat de travail ne constitue pas un motif exceptionnel ou une considération humanitaire, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Par ailleurs, eu égard à ce qui a été dit précédemment, M. E... ne peut utilement se prévaloir de la durée de son séjour en France, ni de la présence de son enfant.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, la décision contestée a été signée par Mme G... F..., directrice des migrations et de l'intégration à la préfecture de la Loire-Atlantique. Par un arrêté du 17 septembre 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet lui a donné délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, dans le cadre des attributions relevant de sa direction. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision litigieuse manque en fait et doit être écarté.
13. En deuxième lieu, la décision portant refus de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de l'obligation de quitter le territoire français.
14. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qui reprennent ce qui a été développé pour contester la légalité de la décision de refus de titre de séjour, doivent être écartés compte tenu de ce qui a été au point 7.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
15. L'obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée d'illégalité, le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de sa contestation de la décision fixant le pays de renvoi.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
17. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. E..., n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions présentées à fin d'injonction par M. E... ne peuvent être que rejetées.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. E... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 mai 2021 est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions de M. E... tendant à l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Article 2 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et le surplus de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour son information, au préfet de la Loire-Atlantique
Délibéré après l'audience du 3 février 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, présidente,
- M. L'hirondel, premier conseiller,
- M. Franck, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 février 2022.
Le rapporteur,
M. L'HIRONDELLa présidente,
C. BRISSON
Le greffier
R. MAGEAU
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT01702