Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 9 août 2018, 4 janvier 2019, 20 janvier 2019 et 19 février 2019 Mme E..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 23 mars 2018 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il se fonde sur les dispositions du 11° de l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile alors que sa situation est régie par les stipulations de l'accord franco-algérien ;
- l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII sur la base duquel l'arrêté contesté est intervenu méconnaît les dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile : il n'est établi ni que les médecins signataires ont été régulièrement nommés par le directeur de l'OFII ni que le médecin ayant établi le rapport médical n'a pas siégé au sein du collège de médecin ;
- cet avis méconnait l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 en ce que les extraits du logiciel Thémis produits au dossier ne permettent pas d'établir qu'il a été rendu de façon collégiale ;
- par ailleurs cet avis ne se prononce pas sur la possibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans le pays d'origine et n'indique ni si Mme E... a fait l'objet d'une convocation au stade de l'élaboration de l'avis, ni si elle a fait l'objet d'un examen complémentaire, ni sur quels éléments objectifs s'est fondé le collège de médecins ;
- elle justifie du bien fondé de sa demande de titre de séjour par l'impossibilité de bénéficier des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine : en effet, elle souffre d'hypertension artérielle compliquée de cardiopathie, d'une hyperparathyroïdie et d'une insuffisance rénale terminale qui la conduit à se rendre trois fois par semaine au centre hospitalier de Brest pour y subir des hémodialyses et qui nécessite dans un avenir proche une greffe rénale qui lui est inaccessible en Algérie, ainsi qu'un traitement médical non substituable ;
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par des mémoires en défense enregistrés les 19 septembre 2018, 18 janvier 2019, 11 février 2019 et 8 mars 2019, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen soulevé d'office, tiré de la possibilité de substituer les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, seules applicables à un ressortissant algérien, aux dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme fondement légal de la décision portant refus de titre de séjour.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 juillet 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Coiffet,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 21 novembre 2017, le préfet du Finistère a refusé de délivrer à Mme E... un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme E... relève appel du jugement du 23 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que le préfet du Finistère a examiné la situation de Mme E..., ressortissante algérienne, au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision contestée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. Une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier. En l'espèce, les stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien sont équivalentes à celles du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elles peuvent, en conséquence, leur être substituées dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie et que l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces stipulations et dispositions.
3. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 7° Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
4. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui demeure applicable en l'espèce : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code également applicable : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016, pris pour l'application des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " Pour l'établissement de l'avis, le collège de médecins peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant rempli le certificat médical. (...) Le complément d'information peut être également demandé auprès du médecin de l'office ayant rédigé le rapport médical. (...) Le collège peut convoquer le demandeur. (...) Le collège peut faire procéder à des examens complémentaires. Les compléments d'informations et les examens complémentaires doivent être communiqués dans un délai de quinze jours à compter de la demande formulée par le collège. (...) A défaut de réponse aux demandes d'informations complémentaires ou de production des examens complémentaires ou lorsque le demandeur ne s'est pas présenté à la convocation qui lui a été adressée ou n'a pas justifié de son identité, le collège délibère et émet l'avis prévu à l'article 6 du présent arrêté. ".
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le rapport médical au vu duquel le collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a émis son avis du 13 juillet 2017, sur lequel s'est fondé le préfet du Finistère pour rejeter la demande de titre de séjour de Mme E..., a été établi par un médecin qui n'a pas siégé au sein du collège des médecins de l'OFII, qui était composé des docteursF..., B...etG..., lesquels ont été désignés par une décision n° 2017-25 du 17 janvier 2017 du directeur général de l'OFII, publiée au bulletin officiel du ministère de l'intérieur du 15 avril 2017. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux aurait été pris au terme d'une procédure irrégulière en raison de l'irrégularité de la composition de ce collège au regard des dispositions des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, l'avis émis le 13 juillet 2017 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) indique, contrairement à ce que soutient Mme E..., qu'elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
7. En troisième lieu, la requérante avance que cet avis ne précise pas si certains éléments de procédure, tels la convocation pour examen au stade de l'élaboration de l'avis et les demandes d'examens complémentaires, ont été réalisés ou non. Toutefois, aucune des dispositions applicables ne fait obligation au collège de mentionner dans son avis des convocations, demandes ou examens complémentaires qu'il n'a pas effectués. En outre, il ne résulte d'aucune des dispositions précitées, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration doive indiquer les éléments sur lesquels il s'est fondé pour se prononcer sur la possibilité de l'étranger de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
8. En quatrième lieu, lorsque l'avis porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire. Cette preuve contraire n'est pas rapportée par la seule production de captures d'écrans tirées du logiciel de traitement informatique du dossier médical faisant état des date et heure auxquelles ces médecins ont renseigné et authentifié dans cette application le sens de leur avis. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'avis médical concernant MmeE..., daté du 13 juillet 2017, porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " et a été signé par les trois médecins composant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Pour contester la régularité de cet avis, Mme E...se fonde sur les captures d'écrans tirées du logiciel de traitement informatique d'un dossier médical faisant apparaître des dates et heures différentes auxquelles chacun des médecins du collège a entré dans cette application le sens de son avis. Ces documents et ces mentions ne sauraient constituer la preuve contraire mentionnée au point 6. Par suite, Mme E...n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie tirée du débat collégial du collège de médecins de l'OFII.
9. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée souffre d'un lupus compliqué d'une insuffisance rénale terminale nécessitant trois hémodialyses hebdomadaires, d'hypertension artérielle, de cardiopathie et d'une hyperparathyroïdie. Mme E... soutient qu'en l'absence de potentiel donneur vivant dans sa famille, elle ne pourra bénéficier d'une greffe de rein en Algérie et que ses hémodialyses ne pourront y être effectuées de façon appropriée. Toutefois, alors que la greffe de rein n'était pour l'intéressée qu'une perspective de moyen terme à la date de la décision contestée, les documents produits par le préfet du Finistère établissent que l'Algérie est dotée de centres d'hémodialyse publics et privés répartis sur son territoire, que 251 greffes de rein ont été réalisées en Algérie en 2017 dans 14 centres spécialisés et que des initiatives ont par ailleurs été prises pour développer les prélèvements d'organes sur personnes décédées. Si la requérante soutient, en outre, que son traitement, constitué d'antihypertenseurs, de bêtabloquants et de médicaments liés à l'insuffisance rénale, ne pourra être poursuivi en Algérie en raison de leur indisponibilité déclarée par plusieurs pharmacies algériennes, ces médicaments figurent sur la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques, hormis deux antihypertenseurs dont il n'est pas établi qu'ils ne pourraient être substitués par des produits équivalents. Par ailleurs, Mme E... ne justifie pas, par la production d'une décision de non prise en charge que lui a opposée la Caisse nationale des assurances sociales algérienne en raison de son départ d'Algérie, d'une impossibilité de se réaffilier à cet organisme en cas de retour et d'accéder effectivement aux soins et traitements que nécessite son état de santé. Enfin, si la requérante fait valoir qu'elle a subi une parathyroïdectomie, que d'autres pathologies sont apparues et qu'elle est enregistrée en France sur une liste nationale d'attente de greffe de rein depuis le 18 février 2019, ces circonstances, postérieures à la décision de refus de titre de séjour contestée, sont sans incidence sur sa légalité, alors au demeurant que plusieurs certificats médicaux figurant au dossier font état d'une amélioration de son état général. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Finistère aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien.
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français du préfet du Finistère contestée aurait méconnu les dispositions du 10° de l'article L.511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président-assesseur,
- Mme Le Bris, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 25 avril 2019
Le rapporteur
O. Coiffet Le président
I. Perrot
Le greffier
M. D...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 18NT031082