Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 24 octobre 2016 et 7 mars 2017 Mme C...A..., représentée par Me Gouedo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 23 juin 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté notifié le 8 février 2016 du préfet de la Mayenne portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les juges de premier instance n'ont pas suffisamment motivé leur décision d'écarter l'application de l'article 24 de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- le préfet de la Mayenne a méconnu l'article 47 du code civil et a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de prendre en compte les pièces qu'elle a produites pour justifier de son état civil ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car elle justifie de ce que l'état de santé de son fils nécessite une prise en charge médicale ;
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article 24 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est contraire aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire enregistré le 14 février 2017, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par Mme A...ne sont pas fondés.
Mme A...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Le Bris a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que MmeA..., ressortissante de la République démocratique du Congo née en 1977, est entrée en France le 11 avril 2014 avec ses quatre enfants ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 7 août 2014, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 1er juin 2015 ; qu'elle a déposé le 9 décembre 2015 une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en invoquant l'état de santé de son filsB..., né le 12 décembre 2012 ; qu'elle relève appel du jugement du 23 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n°2016R0023 notifié le 8 février 2016 du préfet de la Mayenne rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de renvoi ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : 1° Les indications relatives à son état civil et, le cas échéant, à celui de son conjoint et de ses enfants à charge " ; qu'aux termes de l'article L. 111-6 de ce code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil " ; qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que cet article pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ;
3. Considérant que, pour rejeter la demande de titre de séjour de MmeA..., le préfet de la Mayenne s'est fondé sur le motif tiré de ce qu'elle n'avait pas fourni de preuves suffisamment probantes de son état civil dès lors que les actes de naissance présentés pour elle-même et son fils B...ne comportaient pas la signature du déclarant et l'heure d'établissement, en méconnaissance des dispositions du code de la famille congolais, que son acte de naissance comportait des discordances de numéro " H " et " P ", et que les indications fournies par le site internet de l'ambassade de la République démocratique du Congo étaient contradictoires avec le fait que cette ambassade lui ait fourni une attestation indiquant qu'elle était en attente de délivrance de passeport ; que, cependant, en dépit des irrégularités ainsi invoquées, il n'existe pas d'incohérences entre ces différents documents sur les éléments de l'état civil de la requérante et de son fils ; que Mme A...s'est toujours prévalue de sa nationalité congolaise, et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que celle-ci aurait été remise en cause par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile lors de l'examen de sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié ; qu'il n'est pas contesté que, depuis son arrivée en France, l'intéressée assume la prise en charge des quatre enfants dont elle affirme être la mère, et notamment du jeuneB... ; que, dès lors, le préfet de la Mayenne, en se fondant sur la circonstance que l'état civil de Mme A...et de son fils n'était pas " certain " pour refuser de poursuivre l'instruction de sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger parent d'un enfant malade, a méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code civil ; que les décisions obligeant Mme A...à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour ;
4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement le réexamen de la demande de MmeA... ; qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Mayenne de procéder à ce réexamen dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de délivrer à l'intéressée, dans l'attente, un récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à séjourner en France ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocat de Mme A...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Gouedo de la somme de 1 000 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1601855 du 23 juin 2016 du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté n°2016R0023, notifié le 8 février 2016, par lequel le préfet de la Mayenne a rejeté la demande de titre de séjour présentée par Mme A...et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant son pays de destination sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Mayenne de réexaminer la demande de titre de séjour de Mme A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, un récépissé l'autorisant à séjourner en France.
Article 3 : L'Etat versera à Me Gouedo, avocat de MmeA..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L.761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2017 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme Le Bris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 31 mars 2017
Le rapporteur,
I. Le BrisLe président,
I. Perrot
Le greffier,
M. D...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT03522