Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 mars 2020, Mme B... C..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en date du 19 décembre 2019 ;
2°) d'annuler ces arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 28 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de reconnaître que la France est responsable de l'examen de sa demande d'asile, de lui remettre une attestation de demandeur d'asile, suivant la procédure normale, ainsi que le formulaire prévu à l'article R. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la décision à intervenir sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision de transfert a été signée par une autorité incompétente, dès lors que celle-ci ne bénéficiait pas d'une délégation de signature régulière ; cette décision est insuffisamment motivée ; elle a été prise sans que sa situation personnelle soit examinée ; l'article 4 du règlement n° 604/2013 a été méconnu dès lors que l'information prévue par cet article ne lui a pas été délivrée dès sa présentation en structure de premier accueil ; l'article 5 du même règlement a été méconnu dès lors que l'entretien a été mené par un agent qui n'était pas qualifié, qu'il était sommaire, que l'interprétariat par téléphone n'a pas permis une bonne communication et que sa confidentialité n'était pas assurée ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement précité dès lors qu'elle est enceinte et que sa grossesse présente des risques ;
- la décision portant assignation à résidence repose sur une décision de transfert illégale ; son auteur est incompétent ; elle est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la fréquence de pointage est excessive ; l'obligation faite à l'appelante de se présenter avec ses effets personnels n'est pas prévue par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire, enregistré le 18 mai 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme B... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendus au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C..., ressortissante angolaise, née le 24 septembre 1990, a demandé la reconnaissance de la qualité de réfugiée, le 27 septembre 2019, auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du système Visabio a révélé qu'elle était en possession d'un visa délivré par les autorités portugaises, en cours de validité à la date du dépôt de sa demande d'asile. Le 4 octobre 2019, le préfet a saisi les autorités portugaises d'une requête aux fins de prise en charge, expressément acceptée par ces autorités le 19 novembre 2019. Par deux arrêtés du 28 novembre 2019 le préfet de Maine-et-Loire a ordonné le transfert au Portugal de la requérante et l'a assignée à résidence, pour une durée de 45 jours. Par un jugement du 19 décembre 2019, dont il est relevé appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur l'arrêté de transfert :
2. D'une part, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. /2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".
3. D'autre part, l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle a été notifié à l'administration le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel, ni d'ailleurs le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.
4. Le délai initial de six mois dont disposait le préfet pour procéder à l'exécution de la décision de transférer de la requérante vers le Portugal a été interrompu par la saisine du tribunal administratif de Nantes. Ce délai a recommencé à courir intégralement à compter de la notification à l'administration, le 13 décembre 2019 du jugement attaqué. Il ressort des pièces du dossier que ce délai n'a pas fait l'objet d'une prolongation et que cet arrêté n'a pas non plus reçu exécution pendant sa période de validité. Par suite, l'arrêté en cause est caduc à la date du présent arrêt. La France est donc devenue responsable de la demande d'asile de l'intéressée, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013. Le litige ayant perdu son objet, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requérante tendant à l'annulation de l'arrêté de transfert vers le Portugal.
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté de transfert :
5. En premier lieu, la requérante reprend en appel les moyens invoqués en première instance et tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté de transfert, de l'insuffisance de motivation de cet arrêté, de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge.
6. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un " compte-rendu d'échographie précoce " daté du 15 janvier 2020, qu'à cette date la requérante était enceinte depuis huit semaines, cette grossesse ne présentant pas à ce stade de risque particulier. Or, il n'est pas établi qu'au Portugal, Etat qui a explicitement accepté sa prise en charge, la requérante ne puisse pas bénéficier des soins adaptés à son état de grossesse, lequel n'était au demeurant pas connu du préfet à la date de sa décision. Dans ces conditions, et en l'absence d'autres circonstances particulières, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 en la transférant au Portugal.
8. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, l'exception d'illégalité de la décision de transfert ne peut qu'être écartée.
En ce qui concerne le surplus des moyens :
9. La requérante reprend en appel les moyens invoqués en première instance et tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté d'assignation à résidence, de l'insuffisance de motivation de cet arrêté, d'une erreur manifeste d'appréciation et du défaut de base légale de cette décision. Il y a lieu d'écarter ces moyens par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par le premier juge.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président u tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 octobre 2020.
Le rapporteur,
T. A...Le président,
L. Lainé
Le greffier,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01031
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