Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 mars 2018 et le 10 décembre 2018, M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 novembre 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 14 novembre 2017 du préfet de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique à titre principal de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
en ce qui concerne la décision de réadmission en Italie :
- l'arrêté est entaché d'un défaut de base légale dès lors qu'il ne fait pas apparaître le critère de détermination retenu ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ont été méconnues ; le préfet ne justifie pas avoir délégué à la personne ayant conduit l'entretien la compétence pour le mener ; il n'est pas démontré que l'entretien a été conduit par une personne qualifiée en droit national ;
- le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation notamment au regard de son état de santé ;
- en cas de renvoi en Italie il y a un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Italie ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
- l'édiction de cette décision porte atteinte à son droit à bénéficier d'un recours effectif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2018, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 22 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau ;
- les observations de MeD..., représentant M.A....
Considérant ce qui suit :
1. M. E... A..., né le 1er janvier 1996 en Guinée, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 1er juillet 2017 et y a sollicité l'asile, le 8 septembre 2017, auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a révélé que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie le 13 juin 2016 et qu'il y avait sollicité l'asile le 22 juin 2016. Par deux arrêtés du 14 novembre 2017, le préfet de la Loire-Atlantique a ordonné sa remise aux autorités italiennes, qui avaient accepté implicitement sa reprise en charge le 24 septembre 2017, et son assignation à résidence. M. A... relève appel du jugement du 17 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur l'arrêté de transfert aux autorités italiennes :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. ( ...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel qui, n'étant pas le signataire de la décision de transfert déterminant l'État responsable de l'examen de la demande d'asile, n'avait pas à bénéficier d'une délégation de signature du préfet pour y procéder, n'a pas privé M. A... de la garantie tenant au bénéfice d'un entretien individuel et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles, comme il ressort d'ailleurs des termes du compte-rendu réalisé à l'issue de cet entretien mené le 8 septembre 2017, s'agissant de son séjour en Italie, de sa situation familiale et de son état de santé. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
4. En deuxième lieu, il ressort de l'arrêté du 14 novembre 2017 qu'après avoir relevé que M. A...avait introduit une demande d'asile en Italie le 22 juin 2016 le préfet de la Loire-Atlantique a fait application des articles 3, 7 et 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour déterminer que l'Italie était le pays responsable de l'examen de sa demande d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier et des termes mêmes de la décision de remise aux autorités italiennes que le préfet de la Loire-Atlantique se serait estimé lié par l'accord de reprise en charge du 24 septembre 2017 de ces autorités. Par suite, le moyen tiré du défaut de base légale doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
6. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. A... et des conséquences de sa réadmission en Italie au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son état de santé. A cet égard, si M. A... a fait valoir lors de l'entretien en préfecture qu'il " souffre de douleurs au bras droit, aux dents et au pied droit en raison d'un accident survenu en Guinée ", les documents médicaux produits, tels que la prise de rendez-vous et la prescription de paracétamol et d'antibiotiques, ne permettent pas de démontrer à eux seuls que son état de santé le placerait dans une situation de particulière vulnérabilité. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il conteste serait entaché d'un défaut d'examen sérieux.
7. D'autre part, si M. A...fait état de l'existence de défaillances systémiques affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile en Italie, résultant de l'afflux massif de réfugiés dans ce pays, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance exposerait sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il n'est pas davantage établi qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
8. En premier lieu, les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté en litige et de la méconnaissance de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. A... reprend en appel sans plus de précisions, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à juste titre par le magistrat désigné du tribunal administratif aux points 10, 12 et 13 du jugement attaqué.
9. En deuxième lieu, il résulte des points 2 à 7 du présent arrêt que M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.
10. En troisième et dernier lieu, M. A... a formé, dans le délai de recours applicable, un recours contentieux contre les décisions de remise et d'assignation devant le tribunal administratif de Nantes, puis a relevé appel du jugement rendu devant la présente cour. Il a pu, au cours de ces procédures, faire valoir l'ensemble des éléments nécessaires à l'appréciation de sa situation. Dans ces conditions il n'est pas fondé à soutenir que la décision d'assignation à résidence porterait atteinte à son droit au recours effectif.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Loire-Atlantique du 14 novembre 2017. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 janvier 2019.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01209