3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée minimale d'un mois, dans un délai de huit jours, et de transmettre sa demande d'asile à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour examen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
. en ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités suisses :
- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; les informations prévues devaient lui être remises dès sa demande de protection internationale au sens des dispositions de l'article 20.2 du règlement ; elle ne s'est vu remettre aucune information ni aucune brochure lors de son passage au centre de pré-accueil, alors que c'est le moment où elle doit être regardée comme ayant introduit sa demande de protection internationale ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il n'est pas établi que l'entretien se soit déroulé dans les conditions prévues par ces dispositions, notamment qu'il a été conduit par une personne qualifiée ; aucune information n'est communiquée quant à l'identité ou la qualité de la personne qui a mené l'entretien ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; sa demande d'asile a été rejetée en Suisse à la fin du mois de janvier 2020 avec une obligation de quitter le territoire suisse avant le 10 mars 2020 ; ces décisions sont devenues définitives ; il existe un risque très important de renvoi par ricochet en Erythrée ; dès que les renvois contraints deviendront matériellement possibles, la Suisse mettra à exécution les décisions d'éloignement comme celle dont elle fait l'objet ; les ressortissants érythréens sont poussés au départ volontaire par la Suisse ;
. en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert auprès des autorités suisses.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté par le préfet de Maine-et-Loire a été enregistré le 14 octobre 2020
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante érythréenne née en août 1996, est entrée en France en février 2020. Elle a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée le 4 février 2020. Par deux décisions du 26 mai 2020, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé, d'une part, son transfert auprès des autorités suisses pour l'examen de sa demande d'asile, et, de l'autre, son assignation à résidence. Mme A... relève appel du jugement du 12 juin 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 26 mai 2020.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est vu remettre, le 4 février 2020, le jour même de l'enregistrement de sa demande d'asile en préfecture, et à l'occasion de l'entretien individuel, les brochures A et B conformes aux modèles figurant à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, qui contiennent l'ensemble des informations prescrites par les dispositions précitées, en langue tigrinya qu'elle a déclaré comprendre. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".
6. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par Mme A... qu'elle a bénéficié le 4 février 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue tigrinya, que l'intéressée a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'un interprète, dont l'identité est portée sur le compte rendu d'entretien, intervenant pour le compte de la société ISM Interprétariat, agréée par le ministère de l'intérieur. Il n'est pas établi que l'intéressée n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte-rendu qui en a été établi. Par ailleurs, aucun élément du dossier n'établit que cet entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. En outre, l'absence d'indication de l'identité et de la qualité de l'agent ayant conduit l'entretien n'a pas privé la requérante de la garantie que constitue le bénéfice de cet entretien individuel. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit. ".
8. Mme A... invoque les risques qu'elle encourt en cas de retour en Erythrée et soutient qu'elle risque d'y être renvoyée par les autorités helvétiques, qui ont rejeté sa demande d'asile et l'ont obligée à quitter le territoire suisse. Toutefois, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... se serait vu notifier une obligation de quitter le territoire suisse à destination de l'Erythrée. D'autre part, il ressort d'un courriel du secrétariat d'Etat suisse aux migrations du 4 janvier 2019 que les ressortissants érythréens dont la demande de protection internationale a été rejetée en Suisse ne se voient certes pas attribuer de titre de séjour, mais peuvent, de fait, séjourner dans ce pays où ils reçoivent une " aide d'urgence " et ne sont, en tout état de cause, pas éloignés à destination de l'Erythrée. Dans ces conditions, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne se saisissant pas de la faculté d'instruire la demande d'asile en France que lui offrait l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
9. En dernier lieu, l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) "..
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 8 du présent arrêt que Mme A... n'est pas fondée à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités suisses.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 26 mai 2020. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 17 novembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Rivas, président de la formation de jugement,
- M. Jouno, premier conseiller,
- Mme E..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 décembre 2020.
La rapporteure,
M. E...Le président,
C. RIVAS
La greffière,
V. DESBOUILLONS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02783