Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 octobre 2020, Mme E..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 28 septembre 2020 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 19 août 2020 du préfet de Maine-et-Loire ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
en ce qui concerne l'arrêté de transfert :
- il n'est pas suffisamment motivé ;
- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard à sa situation de santé et à sa vie privée et familiale ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant transfert en Allemagne ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante ivoirienne née en 1992, déclare être entrée irrégulièrement en France le 17 juin 2020, en provenance d'Allemagne. Le 7 juillet suivant, elle s'est présentée à la préfecture de Maine-et-Loire pour solliciter le statut de réfugié. Les recherches conduites par la préfecture sur le fichier Eurodac ont fait apparaître que l'intéressée avait préalablement déposé une demande d'asile en Allemagne où ses empreintes ont été relevées. Sollicitées, les autorités allemandes ont accepté son transfert le 13 juillet 2020 sur le fondement du d) du 1° de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. A la suite de cet accord, le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de l'intéressée aux autorités allemandes par un arrêté du 19 août 2020 et l'a assignée à résidence dans le département de Maine-et-Loire. Par un jugement du 28 septembre 2020, dont Mme E... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur l'arrêté portant transfert :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté et de la violation des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013, que Mme E... reprend en appel sans autre précision, par adoption des motifs retenus aux points 2 à 7 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) " et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire a procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée et des conséquences de son transfert en Allemagne au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile, de son état de santé et de sa situation personnelle. Si Mme E... a accouché peu après son entrée en France d'un enfant mort-né, situation nécessitant pour elle un traitement médicamenteux et la réalisation de bilans de santé, il n'est pas établi que les difficultés en résultant auraient perduré au-delà de quelques semaines. Si elle fait valoir qu'elle a été opérée le 7 janvier 2021, soit après la décision contestée, ni la gravité de cette opération d'un oeil ni un quelconque lien avec les suites de son accouchement ne sont établis. Ces éléments ne permettent dès lors pas à eux seul de démontrer que son état de santé la placerait dans une situation d'exceptionnelle vulnérabilité et qu'elle ne pourrait bénéficier en Allemagne des soins utiles requis. Par ailleurs, si Mme E... fait état de sa vie en couple avec un ressortissant camerounais, il demeure que leur vie commune en France est récente à la date de la décision contestée et que son compagnon a fait l'objet concomitamment d'un arrêté de transfert vers l'Allemagne dont la légalité a été reconnue par la présente cour. Par suite, alors même que la sépulture de son enfant mort-né est établie en France, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 19 août 2020 du préfet de Maine-et-Loire serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur l'arrêté portant assignation à résidence :
5. En premier lieu, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et de l'erreur manifeste d'appréciation, que Mme E... reprend en appel, doivent être écartés par adoption des motifs retenus aux points 11 et 13 du jugement attaqué.
6. En second lieu, il résulte des points 2 à 4 du présent arrêt que Mme E... n'est pas fondée à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant son transfert aux autorités allemandes.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 19 août 2020 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié Mme C... E... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 19 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2021.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03163