Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 10 avril 2020, 6 janvier 2021 et 12 février 2021, la communauté de communes du Pays Fertois et du bocage Carrougien, représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du 7 février 2020 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a fait droit à la demande de la commune de la Ferté-Macé ;
2°) de rejeter la demande correspondante de la commune de La Ferté-Macé ainsi que ses conclusions d'appel incident ;
3°) de mettre à la charge de la commune de la Ferté-Macé la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande correspondant à la taxe foncière et aux primes d'assurance pour 2011 et 2012 n'était pas prescrite eu égard à la procédure contentieuse qu'elle a engagée contre l'arrêté préfectoral du 29 mars 2011 portant répartition des immeubles entre la commune de la Ferté-Macé et la communauté de communes du Pays Fertois ; le délai de prescription a recommencé à courir à compter du 22 juillet 2015, date de rejet de son pourvoi par une décision n° 387135 du Conseil d'Etat ;
- pour les motifs retenus par les premiers juges, la commune de la Ferté-Macé est tenue de lui rembourser les sommes qu'elle a exposés au titre des cotisations de taxe foncière et d'assurances pour le bâtiment " Moche " ;
- les écritures de la commune de La Ferté-Macé sont irrecevables dès lors qu'elle n'établit pas l'habilitation de son maire pour ce faire ;
- les conclusions d'appel incident de la commune sont irrecevables car reposant sur un litige distinct de celui de l'appelant principal et tardives ;
- subsidiairement, le jugement attaqué n'est pas entaché d'un défaut de motivation ou d'une omission à statuer ; les conclusions de la commune tendant à la réformation du jugement attaqué pour la partie non contestée par la communauté de communes seront écartées pour les motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 octobre 2020 et 2 février 2021, la commune de La Ferté-Macé, représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien ;
2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du 7 février 2020 du tribunal administratif de Caen en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la décharge totale de l'obligation de payer présentée par la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien ne sont pas fondés ;
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé faute de tenir compte du fait que la commune a assuré le bâtiment pendant plusieurs années et qu'il est entaché d'omissions à statuer s'agissant du quantum de la créance pourtant contesté, de l'ambiguïté pesant sur la propriété du bâtiment, du fait que la commune avait assuré le bien ;
- il ne pouvait être fait droit aux demandes de la communauté de communes dépourvues de fondement juridique : en qualité de propriétaire la commune avait souscrit une assurance et celle de la communauté de communes, faisant doublon, était inutile ; le quantum de la créance n'est pas fondé par comparaison avec le montant de l'assurance acquitté par la commune pour le même bâtiment et alors que la communauté de communes a pu disposer de la propriété de ce bien entre 2011 et 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien, et de Me D..., représentant la commune de la Ferté-Macé.
Considérant ce qui suit :
1. Le 12 juillet 2007 la communauté de communes du Pays Fertois a décidé d'user de son droit de préemption sur un bien immobilier, la manufacture Moche, situé sur le territoire de la commune de La Ferté-Macé. Par arrêté du 28 mars 2011, le préfet de l'Orne a autorisé le retrait de la commune de La Ferté-Macé de la communauté de communes du Pays Fertois à compter du 1er avril 2011 et, comme aucun accord n'était intervenu entre ces deux personnes publiques, il a également fixé les conditions financières et patrimoniales de ce retrait par un arrêté du 29 mars 2011. Ce dernier arrêté prévoit notamment que la propriété de l'ensemble immobilier constitué des terrains et bâtiments de l'ancienne manufacture Moche est attribuée à la commune de La Ferté-Macé. Néanmoins, la communauté de communes, devenue la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien le 1er janvier 2017, s'est acquittée, d'une part, de la taxe foncière portant sur la manufacture au titre des années 2011 et 2012, s'élevant à la somme globale de 20 464,50 euros et, d'autre part, des primes d'assurances au titre des années 2011 à 2017, s'élevant à la somme globale de 19 968,50 euros. Le 22 décembre 2017, la communauté de communes a émis et rendu exécutoire à l'encontre de la commune de La Ferté-Macé un titre de recette d'un montant de 40 433 euros correspondant aux sommes acquittées pour la manufacture Moche au titre de ces taxes foncières et primes d'assurances. Par un jugement du 7 février 2020, le tribunal administratif de Caen a partiellement fait droit à la demande de la commune de la Ferté-Macé dirigée contre ce titre de recette en la déchargeant de l'obligation de payer la somme de 25 068 euros correspondant à la taxe foncière et aux primes d'assurances acquittées par la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien pour les années 2011 et 2012 mais a rejeté le surplus de ses conclusions. La communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de la commune de La Ferté-Macé et cette même commune demande, par des conclusions d'appel incident, la réformation de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions aux fins de décharge totale.
Sur l'appel principal :
2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette même loi : " La prescription est interrompue par : (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance. (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté préfectoral du 28 mars 2011 autorisant le retrait de la commune de La Ferté-Macé de la communauté de communes du Pays Fertois : " Une commune peut se retirer de l'établissement public de coopération intercommunale (...) dans les conditions prévues à l'article L. 5211-25-1, avec le consentement de l'organe délibérant de l'établissement. A défaut d'accord entre l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale et le conseil municipal concerné sur la répartition des biens ou du produit de leur réalisation et du solde de l'encours de la dette visés au 2° de l'article L. 5211-25-1, cette répartition est fixée par arrêté du ou des représentants de l'Etat (...). Cet arrêté est pris dans un délai de six mois suivant la saisine du ou des représentants de l'Etat (...) par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou de l'une des communes concernées. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 5211-25-1 du même code : " (...) 2° Les biens meubles et immeubles acquis ou réalisés postérieurement au transfert de compétences sont répartis entre les communes qui reprennent la compétence ou entre la commune qui se retire de l'établissement public de coopération intercommunale et l'établissement ou, dans le cas particulier d'un syndicat dont les statuts le permettent, entre la commune qui reprend la compétence et le syndicat de communes. Il en va de même pour le produit de la réalisation de tels biens, intervenant à cette occasion. Le solde de l'encours de la dette contractée postérieurement au transfert de compétences est réparti dans les mêmes conditions entre les communes qui reprennent la compétence ou entre la commune qui se retire et l'établissement public de coopération intercommunale ou, le cas échéant, entre la commune et le syndicat de communes. A défaut d'accord entre l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale et les conseils municipaux des communes concernés, cette répartition est fixée par arrêté du ou des représentants de l'État dans le ou les départements concernés. Cet arrêté est pris dans un délai de six mois suivant la saisine du ou des représentants de l'État (...) par l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou de l'une des communes concernées (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions que la date d'effet du transfert de propriété d'un bien acquis par un établissement public de coopération intercommunale et attribué à la collectivité qui se retire de cet établissement, doit être fixée à la date de prise d'effet du retrait de la commune de la communauté de communes.
4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite du retrait de la commune de La Ferté-Macé de la communauté de communes du Pays Fertois, autorisé par arrêté du préfet de l'Orne du 28 mars 2011, avec une prise d'effet fixée au 1er avril 2011, un second arrêté pris par le préfet le 29 mars 2011 pour fixer les conditions financières et patrimoniales de ce retrait a notamment attribué à la commune la propriété de l'ensemble immobilier de la manufacture Moche. Il résulte des dispositions citées au point précédent que ce transfert de propriété doit être regardé comme intervenu également au 1er avril 2011. Les circonstances que la commune n'aurait pas effectivement disposé de cet ensemble immobilier et qu'aucun acte de transfert de propriété et de publicité foncière ne serait intervenu avant 2017 sont ainsi sans incidence sur la date d'effet du transfert de propriété prononcé par l'arrêté préfectoral. A supposer que l'arrêté préfectoral fixant les conditions financières et patrimoniales du retrait de la commune de La Ferté-Macé soit regardé, comme le soutient la communauté de communes appelante, comme le fait générateur de sa créance, le délai de prescription quadriennal résultant de la mise en oeuvre de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 n'a pu, en tout état de cause, être interrompu du fait du recours en annulation formé par la communauté de communes du Pays Fertois contre cet arrêté préfectoral du 29 mars 2011, dès lors qu'il résulte tant du jugement du tribunal administratif de Caen n° 1100848 du 9 février 2012 que de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes n° 12NT00771 du 14 novembre 2014 le confirmant que la communauté de communes du pays Fertois n'a jamais contesté l'arrêté du préfet de l'Orne du 29 mars 2011 en tant qu'il attribuait à la commune de La Ferté-Macé les terrains et bâtiments de l'ancienne usine Moche, en en estimant la valeur à 81 172 euros. Par suite, c'est en tout état de cause sans méconnaitre les règles issues de la loi du 31 décembre 1968 que le jugement attaqué oppose à la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien la prescription de son action au titre des années 2011 et 2012 compte tenu de l'émission seulement le 22 décembre 2017 du titre de recette ayant pour objet le recouvrement des cotisations de taxes foncières et des primes d'assurance dont elle s'est acquittée aux lieu et place de la commune.
5. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a déchargé la commune de La Ferté-Macé de l'obligation de payer la somme de 25 068 euros au titre des années 2011 et 2012 en raison de la prescription de cette partie de la créance.
Sur l'appel incident :
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions d'appel incident de la commune de La Ferté-Macé :
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune de La Ferté-Macé, dans le respect de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, a été habilité par une délibération du conseil municipal de cette commune du 4 juillet 2020 à " défendre la commune dans les actions intentées contre elle, quelle que soit la nature de ces actions ". Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien aux écritures présentées pour la commune de La Ferté-Macé ne peut qu'être écartée.
7. En second lieu, la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien ne relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 7 février 2020 qu'en tant qu'il a été fait droit à la demande de la commune de La Ferté-Macé de décharge de son obligation de payer à hauteur de la somme de 25 068 euros correspondant à la taxe foncière et aux primes d'assurances acquittées par cette communauté de communes au titre des années 2011 et 2012. Par des conclusions d'appel incident la commune de la Ferté-Macé demande l'annulation de l'article 2 de ce même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, tendant à la décharge de la somme correspondant aux primes d'assurance afférentes au même ensemble immobilier pour les années 2013 à 2017. Ces conclusions incidentes, concernant une partie de la même créance pour des années différentes, ne constituent pas un litige distinct de celui visé par l'appel principal de la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien. Cette dernière n'est dès lors pas fondée à soutenir que de telles conclusions seraient irrecevables.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'article 2 du jugement attaqué rejetant le surplus de la demande de la commune de La Ferté-Macé :
8. Ainsi qu'il a été exposé au point 4, le transfert de propriété de la manufacture Moche de la communauté de communes du Pays Fertois vers la commune de la Ferté-Macé est intervenu le 1er avril 2011 en conséquence de l'arrêté du préfet de l'Orne du 29 mars 2011 fixant les conditions financières et patrimoniales du retrait de la commune de La Ferté-Macé de la communauté de communes. Dès lors, à compter de cet arrêté seule la commune de La Ferté-Macé était tenue d'assurer la manufacture Moche. Si la communauté de communes du Pays Fertois a continué à assurer cet édifice jusqu'en 2017, alors même qu'elle a cessé de s'acquitter du paiement de la taxe foncière pour cette construction dès 2013, il ne résulte pas de l'instruction que cette situation serait née d'une faute de la commune de La Ferté Macé, alors même que celle-ci n'a assuré cet édifice qu'à compter du 1er janvier 2015 sans en informer la communauté de communes. Par suite, la commune de La Ferté-Macé est fondée à soutenir que la communauté de communes ne pouvait obtenir le remboursement des frais d'assurance qu'elle a exposés pour cette construction entre 2013 et 2017.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés par la commune de La Ferté-Macé, que la commune de La Ferté-Macé est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Caen n'a pas fait droit à sa demande de décharge de l'obligation de payer la somme de 15 365 euros correspondant aux primes d'assurances acquittées par la communauté de communes du pays Fertois, puis par la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien, pour la manufacture Moche au titre des années 2013 à 2017.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la communauté de communes du Pays Fertois et du bocage Carrougien. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette communauté de communes la somme demandée par la commune de La Ferté-Macé, sur le fondement des mêmes dispositions, au titre des frais qu'elle a exposés.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la communauté de communes du Pays Fertois et du bocage Carrougien est rejetée.
Article 2 : La commune de La Ferté-Macé est déchargée de l'obligation de payer la somme de 15 365 euros correspondant aux primes d'assurances acquittées par la communauté de communes du pays Fertois, puis par la communauté de communes du Pays Fertois et du Bocage Carrougien, pour la manufacture Moche au titre des années 2013 à 2017.
Article 3 : L'article 2 du jugement n° 1800426 du tribunal administratif de Caen du 7 février 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du Pays Fertois et du bocage Carrougien et à la commune de La Ferté-Macé.
Délibéré après l'audience du 16 février 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- Mme F..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2021.
Le rapporteur,
C. A...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
S. Levant
La République mande et ordonne au préfet de l'Orne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20NT01288