Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 septembre 2017, M. D..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 7 juillet 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Vendée du 24 mai 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui délivrer durant ce réexamen une attestation de demandeur d'asile ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté de remise aux autorités slovènes est insuffisamment motivé ; le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;
- il n'est pas établi que " l'entretien Dublin " ait été conduit conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la décision ne mentionne pas le fondement juridique de la désignation de la Slovénie comme Etat responsable de la demande d'asile ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen personnalisé de sa situation, au regard notamment de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la situation des demandeurs d'asile en Slovénie et aux mauvais traitements dont il a été victime dans ce pays ;
- le préfet de la Vendée a écarté, sans explication, l'application des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 permettant de déroger aux règles applicables de réadmission afin de prendre en compte sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2018, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. D... n'est fondé.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 22 novembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau ;
- et les observations de MeB..., représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. E...D..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1993, est entré irrégulièrement en France selon ses dires le 1er janvier 2017. Il y a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 13 février 2017. Les recherches entreprises à cette occasion ont fait apparaître que ses empreintes digitales avaient été relevées le 16 décembre 2016 en Slovénie. Les autorités slovènes, saisies d'une demande de reprise de charge sur le fondement de l'article 18, § 1. b) du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont donné explicitement leur accord le 24 février 2017. Par un arrêté du 24 mai 2017, le préfet de la Vendée a ordonné la remise de l'intéressé aux autorités slovènes. M. D...relève appel du jugement du 7 juillet 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, il ressort de la lecture de l'arrêté contesté qu'il vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par ailleurs, le préfet de la Vendée rappelle les éléments propres à la situation personnelle de M. D...et indique que la Slovénie, responsable de la demande d'asile de l'intéressé sur le fondement du b) de l'article 18 § 1 du règlement n° 604/2013, expressément visé dans l'arrêté, a accepté de reprendre celui-ci en charge. Il a précisé que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Slovénie et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le préfet mentionne également que l'intéressé ne présente aucun élément de nature à permettre sa régularisation administrative. Il résulte d'une telle motivation que le préfet de la Vendée a procédé à un examen particulier de la demande du requérant et qu'il ne s'est pas estimé lié par la décision des autorités slovènes. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation et du défaut d'examen de la situation de M. D...doivent être écartés comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
4. L'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel dont il a bénéficié n'a pas privé M. D...de la garantie tenant au bénéfice d'un tel entretien et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles, comme il ressort d'ailleurs des termes du compte-rendu réalisé à l'issue de cet entretien, s'agissant de son séjour en Slovénie et de sa situation personnelle et familiale. Aucun élément du dossier n'établit que cet entretien, qui a été assuré par un agent habilité de la préfecture, n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, l'arrêté contesté indique que M.D..., qui a déclaré être entré irrégulièrement en France le 13 février 2017, a également séjourné en Slovénie où ses empreintes ont été relevées le 16 décembre 2016, soit depuis moins d'un an. Dans ces conditions, M. D...était en mesure de contester utilement le critère de détermination du pays responsable de sa demande d'asile, alors même que cet arrêté ne mentionne pas l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
6. En quatrième lieu, selon l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Par ailleurs, selon le paragraphe 2 de l'article 3 du même règlement : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 prévoit en principe dans le paragraphe 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre par l'article 17 de ce règlement est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
7. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Vendée n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. D...et des conséquences de sa réadmission en Slovénie au regard des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par ailleurs, si M. D...se prévaut de documents relatant la visite récente du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe en Slovénie ainsi que de différents articles de presse et rapports établis en 2016 et 2017 faisant état d'inquiétudes face aux changements législatifs dans ce pays en matière de droit d'asile, ces pièces ne permettent pas d'établir qu'à la date de la décision contestée il existait des motifs sérieux et avérés de croire à l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Slovénie. Ainsi, l'existence d'un risque sérieux que la demande d'asile de M. D...ne puisse pas être traitée par les autorités slovènes, lesquelles ont expressément accepté la reprise en charge, dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile n'est pas établie. Par ailleurs, il n'est pas démontré que son retour en Slovénie l'exposerait à un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté aurait été pris sans examen personnalisé et violerait les stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté.
8. D'autre part, le moyen tiré de ce que l'arrêté ordonnant sa remise aux autorités slovènes est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du §1 de l'article 17 du règlement 604/2013, que M. D...reprend en appel sans plus de précision ou de justification, doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Vendée du 24 mai 2017. Il y a lieu de rejeter par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 octobre 2018.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03018