Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 20 novembre 2017, MmeE..., représentée par Me F...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er septembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 août 2017 par lequel la préfète de la Loire-Atlantique a décidé son transfert aux autorités tchèques en vue de l'examen de sa demande d'asile ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante cinq jours ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et à titre subsidiaire d'enjoindre à la préfète de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté de remise aux autorités tchèques est insuffisamment motivé ;
- son droit à l'information a été méconnu ;
- l'arrêté de remise aux autorités tchèques ne fixe pas le critère de détermination sur la base duquel la préfète s'est fondée ;
- l'arrêté portant assignation à résidence est entaché des mêmes moyens d'illégalité externe que ceux développés au soutien de sa demande d'annulation de l'arrêté portant remise aux autorités tchèques ;
- l'arrêté portant assignation à résidence doit être annulé en raison de l'illégalité de l'arrêté portant remise aux autorités tchèques ;
- l'arrêté portant assignation à résidence méconnait l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2018, la préfète de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête en faisant valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 19 octobre 2017.
Vu les pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique le rapport de Mme Tiger-Winterhalter et les observations de MeD..., représentant MmeE....
Considérant ce qui suit :
1. MmeE..., ressortissante azerbaïdjanaise née le 28 mai 1976, est entrée irrégulièrement en France et a présenté le 1er août 2017 une demande d'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'elle avait déjà présenté une demande d'asile auprès des autorités allemandes le 14 septembre 2016 puis auprès des autorités tchèques le 15 mai 2017. La préfète de la Loire-Atlantique a alors, le 2 août 2017, saisi les autorités tchèques d'une demande de reprise en charge de l'intéressée. Cette demande a été implicitement acceptée. Par un arrêté du 29 août 2017, la préfète de la Loire-Atlantique a décidé, en application des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile la remise de Mme E...aux autorités tchèques et, par un arrêté du même jour, l'a assignée à résidence dans le département pour une durée de quarante-cinq jours. Mme E...relève appel du jugement du 7 septembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur l'arrêté de remise aux autorités tchèques :
2. En premier lieu, l'arrêté du 29 août 2017 vise les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention de Genève et le protocole de New-York, le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cet arrêté est ainsi suffisamment motivé en droit. La préfète de la Loire Atlantique fait état de la situation personnelle de Mme E... et précise qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en République Tchèque, son époux ayant fait l'objet d'une mesure similaire. Enfin, l'arrêté expose que Mme E...fait l'objet d'un accord de reprise en charge par les autorités tchèques et les raisons pour lesquelles les autorités allemandes n'ont pas été sollicitées pour la reprendre en charge. Dans ces conditions, l'arrêté contesté est également suffisamment motivé en fait.
3. En deuxième lieu, selon l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ". Selon l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-3 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire ".
4. L'entretien individuel de MmeE..., prévu à l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, s'est déroulé le 1er août 2017 à la préfecture de la Loire-Atlantique. Il ressort des pièces du dossier que lors de cet entretien la requérante a bénéficié des services téléphoniques d'un interprète en langue russe, appartenant à la société ISM interprétariat qui est agréée par le ministère de l'intérieur et présente donc toutes les garanties de sérieux et de qualité. Si les coordonnées de l'interprète n'ont pas été communiquées à l'intéressée, l'omission de ces indications ne saurait être regardée comme constituant la méconnaissance d'une formalité substantielle dès lors qu'elle n'a pas affecté le déroulement de l'entretien dont a bénéficié la requérante. Cette dernière a pu présenter ses observations, n'a fait remarquer à aucun moment de l'entretien qu'elle ne comprenait pas ce que lui traduisait l'interprète et a signé le procès-verbal d'entretien sans mentionner d'observations à ce sujet. Par ailleurs, l'absence d'indication de l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel n'a pas privé Mme E...de la garantie tenant au bénéfice de celui-ci et de la possibilité de faire valoir toutes observations utiles, comme il ressort d'ailleurs des termes du compte-rendu réalisé à l'issue de cet entretien. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, l'arrêté vise l'article L. 742-3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 3 du même règlement lequel renvoie au chapitre III, notamment à l'article 7 relatif à la hiérarchie des critères de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile. Par conséquent, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la décision contestée comporte le critère de détermination du pays responsable de sa demande d'asile sur la base duquel la préfète s'est fondée pour prendre son arrêté.
Sur l'arrêté prononçant son assignation à résidence :
6. En premier lieu, à supposer que la requérante ait entendu les soulever, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision portant assignation à résidence et du vice de procédure que Mme E...reprend en appel sans plus de précision ou de justification, doivent être écartés par adoption des motifs du jugement attaqué, retenus à bon droit par le premier juge.
7. En deuxième lieu, compte-tenu de ce qui a été dit aux points 2 à 5 du présent arrêt, Mme E...n'est pas fondée à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités tchèques.
8. En troisième lieu, selon l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membres de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ".
9. Mme E...se borne à faire valoir que la préfète de la Loire-Atlantique n'a pas suffisamment caractérisé le risque qu'elle puisse prendre la fuite, alors justement que la mesure d'assignation à résidence est justifiée par le fait qu'elle présente des garanties propres à prévenir ce risque de fuite. Ainsi, et alors qu'une exécution de la décision d'éloignement restait, par ailleurs, une perspective raisonnable, la préfète n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise à la préfète de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 octobre 2018.
La rapporteure,
N. TIGER-WINTERHALTERLe président,
L. LAINÉ
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 17NT03445