Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2017 sous le n°17NT03511, M. C..., représenté par Me Kaddouri, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 octobre 2017 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 octobre 2017 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant son transfert en Italie ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2017 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant son transfert en Italie ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, ou à défaut de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance de l'article 18 du règlement CE 2725/2000 du 11 décembre 2000, des articles 4, 5 et 26 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; il est gravement malade et il a désormais toutes ses attaches en France ;
- l'administration s'est estimée liée par les critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile tels que définis par le règlement Dublin III.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2017 sous le n°17NT03512, M.C..., représenté par Me Kaddouri, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 octobre 2017 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 octobre 2017 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant son assignation à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de 45 jours et l'obligeant à se présenter tous les jours à 15 heures au commissariat de police d'Angers sauf les samedis, dimanches et jours fériés ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2017 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant son assignation à résidence ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Italie ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle ;
- le premier juge n'a pas statué sur le moyen portant sur l'obligation de pointage au commissariat qui est extrêmement contraignante alors qu'il est malade et n'a pas les moyens financiers de se déplacer quotidiennement au commissariat situé à plusieurs kilomètres de son lieu d'habitation ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de la situation du requérant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2017 dans le cadre de l'instance enregistrée sous le n°17NT03512 et sa demande dans le cadre de l'instance enregistrée sous le n°17NT03511 a fait l'objet d'un rejet.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 17NT03511 et n° 17NT03512 de M. C...sont relatives à une même situation et ont fait l'objet d'une instruction commune, il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M.C..., ressortissant soudanais, est entré irrégulièrement en France le 29 mai 2017. Informé de ce que l'intéressé avait déjà été enregistré le 15 avril 2017 en Italie par le relevé d'empreintes digitales et la vérification du fichier " Eurodac ", le préfet de Maine-et- Loire a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement des articles 13.1 et 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités de ce pays ont implicitement accepté cette reprise en charge le 28 septembre 2017. Par deux décisions du 2 octobre 2017, le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a ordonné la remise de M. C...aux autorités italiennes, et d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département pour une durée de quarante cinq jours. Celui-ci relève appel du jugement du 12 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement :
3. Aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...) La demande est examinée par un seul Etat membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. ". Par ailleurs, l'article 17 du même règlement dispose que : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité ".
4. Il ressort des pièces du dossier, notamment du certificat médical établi le 31 août 2017 par un médecin psychiatre, que M.C..., ressortissant soudanais né le 6 février 1990, souffre d'un grave stress post-traumatique, avec tendances suicidaires, qui nécessite absolument un suivi médical régulier et un traitement médicamenteux, qui ont été mis en oeuvre depuis son arrivée en France après un parcours d'immigration particulièrement difficile au cours duquel il a assisté à la noyade de son ami en Méditerranée. Les documents produits, notamment les rapports établis par Amnesty International et Médecins sans Frontières font état de ce que, à la date de l'arrêté contesté, l'Italie, qui est confrontée à un afflux massif de réfugiés, ne pouvait assurer correctement aux personnes vulnérables la prise en charge, les soins ou le suivi médical que requiert leur état spécifique. D'ailleurs, en l'absence de toute réponse expresse aux demandes de reprise en charge formulées par l'administration française, il n'existe aucune garantie que les autorités italiennes aient effectivement pris en compte l'état de santé du requérant et le suivi médical qu'il requiert. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, eu égard à la particulière vulnérabilité de M. C...et aux risques personnels en résultant pour sa santé, le préfet de Maine-et-Loire a entaché la décision de transfert en Italie prise le 2 octobre 2017 d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé en ne faisant pas usage de la faculté d'instruire sa demande d'asile en France en application des dispositions précitées du 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 octobre 2017 de remise aux autorités italiennes ainsi que, par voie de conséquence, celle tendant à l'annulation de l'arrêté du même jour d'assignation à résidence.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Selon l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
7. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté du 2 octobre 2017 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé la remise de M. C...aux autorités italiennes, implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à ce dernier une attestation de demande d'asile lui permettant de séjourner provisoirement en France, durant l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), dans un délai de deux semaines à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
8. M. C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale dans la présente instance. Dès lors, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Kaddouri, avocat du requérant, de la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 octobre 2017 et les arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 2 octobre 2017 de remise de M. C...aux autorités italiennes et d'assignation à résidence sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à M. C...une attestation de demandeur d'asile suivant la procédure normale valant autorisation provisoire de séjour en France, dans un délai de deux semaines à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le versement de la somme de 1 500 euros à Me Kaddouri est mis à la charge de l'Etat dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 octobre 2018.
La rapporteure,
N. TIGER- WINTERHALTERLe président,
L. LAINÉ
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT03511, N°17NT03512
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