Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2017 sous le n°17NT03514, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 octobre 2017 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 octobre 2017 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant son transfert en Norvège ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2017 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant son transfert en Norvège ;
3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, ou à défaut de réexaminer sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière, en méconnaissance de l'article 18 du règlement CE 2725/2000 du 11 décembre 2000, des articles 4, 5 et 26 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; il est gravement malade et il a désormais toutes ses attaches en France ;
- l'administration s'est estimée liée par les critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile tels que définis par le règlement Dublin III.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 24 novembre 2017 sous le n°17NT03515, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 octobre 2017 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 octobre 2017 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant son assignation à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de 45 jours et l'obligeant à se présenter tous les jours à 15 heures au commissariat de police d'Angers sauf les samedis, dimanches et jours fériés ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2017 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant son assignation à résidence ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Norvège ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation personnelle et a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- l'obligation de pointage au commissariat est extrêmement contraignante alors qu'il est malade et n'a pas les moyens financiers de se déplacer quotidiennement au commissariat situé à plusieurs kilomètres de son lieu d'habitation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 février 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 mars 2018 dans le cadre de l'instance enregistrée sous le n° 17NT03514 et sa demande dans le cadre de l'instance enregistrée sous le n° 17NT03515 a fait l'objet d'un rejet.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Tiger-Winterhalter, présidente-assesseure.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n°17NT03514 et n°17NT03515 de M. D...sont relatives à une même situation et ont fait l'objet d'une instruction commune, il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M.D..., ressortissant érythréen, est entré irrégulièrement en France le 17 juin 2017. Informé de ce que l'intéressé avait déjà été enregistré le 26 août 2013 en Norvège, les 11 octobre 2014 et 5 février 2016 au Danemark et le 27 décembre 2016 en Allemagne par le relevé d'empreintes digitales et la vérification du fichier " Eurodac ", le préfet de Maine-et- Loire a saisi ces autorités d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement des articles 23 et 18.1.b du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. Les autorités norvégiennes ont expressément accepté cette reprise en charge le 2 août 2017. Par deux décisions du 2 octobre 2017, le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a ordonné la remise de M. D...aux autorités norvégiennes et d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante cinq jours. M. D... relève appel du jugement du 13 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités norvégiennes :
3. En premier lieu, l'arrêté ordonnant la remise de M. D...aux autorités norvégiennes, responsables de sa demande d'asile, expose avec suffisamment de précisions les éléments de fait et de droit qui le fondent. Il est ainsi régulièrement motivé.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...) 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...)". Il ressort des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire a, le 28 juillet 2017, remis à M. D...plusieurs brochures rédigées en langue tigrigna, langue que l'intéressé a déclaré parler et comprendre, à savoir : le guide du demandeur d'asile en France, la brochure A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ' " et la brochure B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ". Ces documents constituent la brochure commune visée au paragraphe 3 de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et ils contiennent l'intégralité des informations prévues au paragraphe 1 de cet article. M. D...n'est, dès lors, pas fondé à soutenir qu'il n'aurait pas reçu ces informations dans une langue qu'il comprend. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement n° 604/2013 doit être écarté et, pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 doivent être également écartés.
5. Quant à l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000, l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 s'y est substitué. Il est relatif aux droits des personnes concernées et édicte une obligation d'information des personnes relevant du règlement au moment où les empreintes digitales de la personne concernée sont prélevées. À la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29 paragraphe 1 du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Il s'ensuit que la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français remet un demandeur d'asile aux autorités compétentes pour examiner sa demande.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".
7. En l'espèce, l'entretien individuel de M.D..., organisé en application de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, s'est déroulé avec l'assistance téléphonique d'un interprète en langue tigrigna, langue que l'intéressé ne conteste pas parler et comprendre, le 28 juillet 2017 à la préfecture de Maine-et-Loire. Il a pu au cours de cet entretien, exposer son parcours et sa situation personnelle. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté.
8. En quatrième lieu, contrairement à ce que prétend le requérant, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen suffisant de sa situation personnelle. En effet, d'une part, l'intéressé lors de son entretien le 28 juillet 2017 a indiqué n'avoir aucun problème de santé et pas plus en première instance qu'en appel il n'a produit d'éléments médicaux attestant des problèmes de santé allégués et de ce qu'il ne pourrait pas bénéficier de soins appropriés en Norvège. D'autre part, en constatant que l'intéressé n'entrait dans aucun des cas visés aux articles 3-2, 16 ou 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et ne relevait donc pas de l'un des cas dans lesquels les autorités françaises peuvent décider, notamment à titre humanitaire, d'examiner une demande de protection internationale ne relevant pas en principe de leur compétence, le préfet a nécessairement tenu compte de sa situation. Enfin, l'arrêté du 2 octobre 2017 ordonnant sa remise aux autorités norvégiennes prend également en compte sa situation familiale en précisant que l'intéressé ne peut se prévaloir en France d'une vie privée et familiale stable. Sur ce dernier point, il ne ressort d'ailleurs pas des pièces du dossier que cette appréciation du préfet porterait au droit de M. D...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée de nature à entraîner une violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En cinquième lieu, au regard des éléments précédemment décrits de la situation personnelle et familiale de M.D..., il ne ressort pas du dossier que le préfet de Maine-et-Loire aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de son pouvoir discrétionnaire de déroger aux critères règlementaires de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile pour l'admettre à présenter une telle demande en France ni qu'il se serait estimé lié par ces mêmes critères et aurait méconnu les dispositions de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :
10. En premier lieu, l'arrêté du 2 octobre 2017 d'assignation à résidence de M. D... vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle la situation administrative de l'intéressé puis indique que l'exécution de la décision de remise aux autorités norvégiennes demeure une perspective raisonnable. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation ne peut qu'être écarté.
11. En deuxième lieu, il résulte des points 3 à 9 du présent arrêt que M. D...n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités norvégiennes.
12. En dernier lieu, le moyen selon lequel l'arrêté assignant M. D...à résidence serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé qu'il reprend en appel sans plus de précisions ou de justification doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 2 octobre 2017 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités norvégiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées les conclusions à fin d'injonction présentées par M. D...ainsi que celles tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes n°17NT03514 et 17NT03515 de M. D...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, président assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 octobre 2018.
La rapporteure,
N. TIGER- WINTERHALTERLe président,
L. LAINÉ
La greffière,
M. A...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
1
N°17NT03514, N°17NT03515
2
1