Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2017 sous le n°17NT03572, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 novembre 2017 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2017 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant son transfert en Italie ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2017 ordonnant son transfert aux autorités italiennes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la décision méconnait les dispositions de l'article 3 paragraphe 2 et de l'article 17 paragraphe 1 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 janvier et 15 mai 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
II. Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2017 sous le n°17NT03573, M.A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 8 novembre 2017 en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2017 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant son assignation à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante cinq jours et l'obligeant à se présenter tous les jours à 15 heures à la gendarmerie de Doué La Fontaine sauf les samedis, dimanches et jours fériés ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2017 du préfet de Maine-et-Loire ordonnant son assignation à résidence ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'existe aucune perspective raisonnable d'exécution de la décision de remise à l'Italie ;
- l'obligation de pointage au commissariat est disproportionnée compte tenu de son lieu de résidence ; cette obligation pourrait être réduite à une fois par semaine.
Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 janvier et 15 mai 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 mars 2018 dans le cadre de l'instance enregistrée sous le n°17NT03572 et sa demande dans le cadre de l'instance enregistrée sous le n°17NT03573 a fait l'objet d'un rejet.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Tiger-Winterhalter.
1. Les requêtes n° 17NT03572 et n° 17NT03573 de M. A...sont relatives à une même situation et ont fait l'objet d'une instruction commune, il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
2. M.A..., ressortissant soudanais, est entré irrégulièrement en France le 12 mai 2017 et a sollicité l'asile le 28 août suivant auprès de la préfecture de Maine-et-Loire. Informé par le relevé d'empreintes digitales et la vérification du fichier " Eurodac " de ce que l'intéressé avait déjà été enregistré le 15 avril 2017 en Italie, le préfet de Maine-et- Loire a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de celui-ci sur le fondement des dispositions combinées des articles 13.1 et 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités italiennes ont implicitement accepté cette reprise en charge le 6 novembre 2017. Par deux décisions du 6 novembre 2017, le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a ordonné la remise de M. A...aux autorités italiennes et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département de Maine-et-Loire pour une durée de quarante cinq jours. M. A...relève appel du jugement du 8 novembre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités italiennes :
3. Selon le paragraphe 2 de l'article 3 du règlement susvisé n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Par ailleurs, aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
4. D'une part, la décision de remise de M. A...aux autorités italiennes n'a ni pour objet ni pour effet de le contraindre à retourner au Soudan, mais seulement de le remettre aux autorités du pays responsable de l'examen de sa demande d'asile. Dans ces conditions, le requérant ne peut utilement se prévaloir des évènements survenus dans son pays d'origine pour contester la décision litigieuse de remise aux autorités italiennes.
5. D'autre part, si l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie, tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient néanmoins à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Si M. A...soutient que les demandes d'asile ne seraient pas traitées actuellement en Italie dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, il ne produit aucun élément concret à l'appui de cette allégation pour renverser la présomption contraire et il ne démontre pas davantage qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants en Italie. Ainsi, les moyens tirés de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions des articles 17 et 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :
6. En premier lieu, selon l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;...". L'assignation à résidence prévue par ces dispositions constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors qu'une mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable et que l'étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à celle-ci. La seule circonstance que M. A...a entendu contester la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes n'établit pas que l'exécution de cette mesure ne demeurerait pas une perspective raisonnable.
7. En second lieu, en vertu de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Par ailleurs, selon l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 561-1 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) ".
8. L'arrêté assignant M. A...à résidence lui impose de se présenter chaque jour à 15 heures, à l'exclusion des samedis, dimanches et jours fériés, à la gendarmerie de Doué La Fontaine. La circonstance que l'intéressé n'a pas l'intention de quitter la France ne peut que rester sans incidence sur la légalité de la décision contestée en tant qu'elle met à sa charge les obligations précitées de pointage. Par ailleurs, si le requérant soutient que ces obligations présentent une " fréquence extrêmement lourde ", alors qu'il est domicilié.... Dans ces conditions, l'obligation de présentation mise à sa charge, qui ne méconnait pas les dispositions précitées de l'article R. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 6 novembre 2017 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées les conclusions présentées par M. A...tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes n°17NT03572 et 17NT03573 de M. A...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 octobre 2018.
La rapporteure,
N. TIGER- WINTERHALTERLe président,
L. LAINÉ
La greffière,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°17NT03572, N°17NT03573
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