Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 juin 2019 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet de son recours administratif préalable présenté le 10 octobre 2017 au directeur interrégional des services pénitentiaires du grand ouest contre la décision de la commission de discipline du centre pénitentiaire de Rennes du 6 octobre 2017 le sanctionnant de 14 jours de placement en quartier disciplinaire ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est au terme d'une erreur de droit que le jugement écarte le moyen d'annulation tiré de la violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard au cumul de fonctions du directeur de l'établissement et à la nature de la décision de sanction contestée ;
- les décisions sont irrégulières ; le rejet de son recours est entaché d'un défaut de motivation ; la commission de discipline était irrégulièrement composée en ce qu'il apparait que seul son président était présent ; si un assesseur était présent il n'a pu vérifier qu'il n'était pas le rédacteur du compte-rendu d'incident et du rapport d'enquête ; si un assesseur du corps d'encadrement était présent il n'a pu vérifier sa compétence au regard des articles R. 57-7-8 et R. 57-7-12 du code de procédure pénale ; en méconnaissance de l'article R. 57-7-8 du même code l'assesseur extérieur à l'administration pénitentiaire était absent et son habilitation non établie ; la procédure mise en oeuvre en l'espèce méconnait l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la sanction adoptée est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 août 2020, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;
- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 juillet 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 18 août 2020.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de procédure pénale ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., alors incarcéré au centre pénitentiaire de Rennes-Vézin, a fait l'objet le 6 octobre 2017, par la commission de discipline de cet établissement, d'une sanction de quatorze jours de cellule disciplinaire en conséquence de faits survenus le 4 octobre 2017 alors qu'il se trouvait en cellule. Par une décision implicite, le directeur interrégional des services pénitentiaires du grand ouest a rejeté le recours formé le 10 octobre 2017 par M. A... contre cette sanction. Par un jugement du 3 juin 2019, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande d'annulation de ces deux décisions et l'intéressé ne conteste plus devant la cour que la décision implicite du directeur interrégional des services pénitentiaires du grand ouest.
2. Une personne détenue n'est recevable à déférer au juge administratif que la seule décision, expresse ou implicite, du directeur interrégional des services pénitentiaires, qui arrête définitivement la position de l'administration et qui se substitue ainsi à la sanction initiale prononcée par le chef d'établissement. Eu égard toutefois aux caractéristiques de la procédure suivie devant la commission de discipline, cette substitution ne saurait faire obstacle à ce que soient invoquées, à l'appui d'un recours dirigé contre la décision du directeur interrégional, les éventuelles irrégularités de la procédure suivie devant la commission de discipline préalablement à la décision initiale.
3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-32 du code de procédure pénale : " La personne détenue qui entend contester la sanction prononcée à son encontre par la commission de discipline doit, dans le délai de quinze jours à compter du jour de la notification de la décision, la déférer au directeur interrégional des services pénitentiaires préalablement à tout recours contentieux. Le directeur interrégional dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception du recours pour répondre par décision motivée. L'absence de réponse dans ce délai vaut décision de rejet.".
4. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués. ". Ainsi, dès lors que M. A... n'a pas demandé la communication des motifs de la décision implicite du directeur interrégional des services pénitentiaires du grand ouest qu'il conteste, le moyen qu'il soulève, tiré du défaut de motivation de cette décision, est inopérant.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 57-7-6 du code de procédure pénale : " La commission de discipline comprend, outre le chef d'établissement ou son délégataire, président, deux membres assesseurs ". Aux termes de l'article R. 57-7-8 du même code : " Le président de la commission de discipline désigne les membres assesseurs. / Le premier assesseur est choisi parmi les membres du premier ou du deuxième grade du corps d'encadrement et d'application du personnel de surveillance de l'établissement. / Le second assesseur est choisi parmi des personnes extérieures à l'administration pénitentiaire qui manifestent un intérêt pour les questions relatives au fonctionnement des établissements pénitentiaires, habilitées à cette fin par le président du tribunal de grande instance territorialement compétent. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-12 de ce code : " Il est dressé par le chef d'établissement un tableau de roulement désignant pour une période déterminée les assesseurs extérieurs appelés à siéger à la commission de discipline ". Et aux termes de l'article R. 57-7-14 du même code : " A la suite de ce compte rendu d'incident, un rapport est établi par un membre du personnel de commandement du personnel de surveillance, un major pénitentiaire ou un premier surveillant et adressé au chef d'établissement. (...) L'auteur de ce rapport ne peut siéger en commission de discipline. (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que la commission de discipline réunie le 6 octobre 2017 pour statuer sur les faits reprochés à M. A... était composée de son président et de deux assesseurs. Celui siégeant en qualité de personne extérieure à l'administration pénitentiaire avait été habilité à cet effet par une décision du 26 août 2011 du président du tribunal de grande instance de Rennes. Si par ailleurs M. A... soutient qu'il n'a pu s'assurer que l'assesseur appartenant au personnel de surveillance de l'établissement n'aurait pas été l'auteur des deux comptes-rendus d'incident à l'origine de la sanction décidée, ou du rapport mentionné à l'article R. 57-7-14 du code de procédure pénale, une telle suspicion n'est pas établie par les pièces au dossier, alors qu'il a participé à la commission de discipline et qu'il connaissait les auteurs des deux comptes-rendus d'incident. Enfin, aucune disposition, et notamment pas celle de l'article R. 57-7-12 du même code qu'il invoque, n'imposait que soit porté à sa connaissance, préalablement à la réunion de la commission, l'identité de l'assesseur appartenant au personnel de surveillance de l'établissement qui a été désigné, en application de l'article R. 57-7-8 du code de procédure pénale, par le président de la commission de discipline. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de discipline ne peut qu'être écarté.
7. En troisième lieu aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ".
8. Eu égard à la nature et au degré de gravité des sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues, qui n'ont, par elles-mêmes, pas d'incidence sur la durée des peines initialement prononcées, celles-ci ne constituent pas des accusations en matière pénale au sens des stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En outre, si les sanctions disciplinaires encourues par les personnes détenues peuvent entraîner des limitations de leurs droits et doivent être regardées de ce fait comme portant sur des contestations sur des droits à caractère civil au sens des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6, la nature administrative de l'autorité prononçant ces sanctions fait obstacle à ce que ces stipulations soient applicables à la procédure disciplinaire dans les établissements pénitentiaires. Par suite, M. A... ne saurait utilement invoquer, à l'encontre de la décision contestée, la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 57-7-2 du code de procédure pénale dans sa version alors applicable : " Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue (...) 11° De causer délibérément un dommage aux locaux ou au matériel affecté à l'établissement, hors le cas prévu au 10° de l'article R. 57-7-1 ; (...) / 17° De provoquer un tapage de nature à troubler l'ordre de l'établissement ; (...) ". L'article R. 57-7-47 de ce code dispose dans sa version alors applicable : " Pour les personnes majeures, la durée de la mise en cellule disciplinaire ne peut excéder (...) quatorze jours pour une faute disciplinaire du deuxième degré (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un détenu ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été sanctionné par la décision contestée de 14 jours de cellule disciplinaire aux motifs que, d'une part, il a cassé la télévision qui se trouvait dans sa cellule et, d'autre part, il a été à l'origine d'un tapage caractérisé par des cris et des coups donnés dans la porte de sa cellule. Ces faits sont établis par l'instruction, alors même que l'intéressé les explique par un état de grand énervement né d'un comportement provocateur de certains surveillants, et sont de nature à fonder une sanction. Si le bris délibéré d'une télévision est contesté par M. A..., il demeure que lors de la commission de discipline il n'a pas contesté cette situation en reprochant à l'administration le fait que celle-ci n'était pas, comme habituellement, fixée au mur. Eu égard à la gravité des faits établis et au comportement général de l'intéressé caractérisé par l'agressivité une telle sanction n'apparaît pas disproportionnée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais d'instance, doit être rejetée.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 13 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. C..., président assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2020.
Le rapporteur,
C. C...
Le président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de la justice en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04195