Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 décembre 2019 Mme C... B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 6 avril 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de lui accorder le bénéfice du regroupement familial pour son enfant G... C... dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre de subsidiaire, de réexaminer sa demande de regroupement familial dans un délai de quinze jours, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Elle soutient que :
- la décision contestée procède d'une erreur d'appréciation quant au lien de filiation qui l'unit à l'enfant G... C... ; elle méconnaît les dispositions des articles L. 411-1, R. 421-4, R. 311-2-2 et R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le principe de l'autorité de la chose jugée ; elle a été relaxée des faits de faux et usage de faux documents par un jugement correctionnel du 4 juin 2015 ; aucun des éléments invoqués par le préfet ne permet de renverser valablement la présomption de validité qui s'attache à l'acte de naissance de sa fille, en application de l'article 47 du code civil ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations du 1° de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 septembre 2020, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme C... B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B..., ressortissante congolaise, est entrée en France en 2008 en compagnie de l'enfant G... C... qui était titulaire d'un visa de transit de type B délivré par les autorités italiennes ne lui permettant de séjourner sur le territoire français que durant 3 jours entre le 22 et le 31 juillet 2008. Mme C... B..., qui s'est vu délivrer plusieurs titres de séjour consécutifs, est désormais titulaire d'une carte de résident valable jusqu'au 16 août 2026. Elle a déposé auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le 7 octobre 2014, un dossier de demande de regroupement familial sur place au profit de son enfant mineure G... C..., qui s'était maintenue avec elle en France. Par une décision du 6 avril 2017, le préfet d'Ille-et-Vilaine a rejeté sa demande. Mme C... B... relève appel du jugement du 17 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté le recours formé contre cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des termes de la décision contestée que pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par Mme C... B..., le préfet d'Ille-et-Vilaine s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'acte de naissance présenté pour l'enfant comportait des incohérences administratives au regard de la loi congolaise qui ne pouvaient conduire à une identification favorable.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. ". Aux termes de l'article R. 421-4 du même code : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : / 1° Les pièces justificatives de l'état civil des membres de la famille : l'acte de mariage ainsi que les actes de naissance du demandeur, de son conjoint et des enfants du couple comportant l'établissement du lien de filiation ; (...) ".
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Par ailleurs, hormis le cas où le document aurait un caractère frauduleux, il n'appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d'une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère.
5. Pour établir l'existence du lien de filiation allégué, Mme C... B... a produit à l'appui de sa demande de regroupement familial la copie intégrale de l'acte de naissance de son enfant enregistré dans le volume n° III/2011 des registres de la ville de Kinshasa, commune de Kasa-Vubu sous le numéro 313/2011, acte dressé sur la base d'un jugement supplétif n° RC 7161/II du tribunal de paix de Kinshasa/Pont/Kasa-Vubu du
2 juin 2011. Elle produit par ailleurs à l'appui de sa requête une copie de ce jugement supplétif. S'il fait valoir que l'acte de naissance ainsi produit recèle des anomalies, le préfet ne remet en revanche pas en cause l'authenticité ou le caractère probant du jugement supplétif, dont les mentions sont au demeurant cohérentes avec celles portées sur l'acte de naissance. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, il doit être regardé comme ayant commis, en rejetant la demande de regroupement familial de Mme C... B..., une erreur d'appréciation. La décision contestée doit donc être annulée.
6. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme C... B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :
7. Eu égard au motif d'annulation retenu, et après avoir vérifié qu'aucun autre moyen opérant et fondé n'était susceptible d'être accueilli et d'avoir une influence sur la portée de l'injonction à prononcer, le présent arrêt implique seulement que le préfet d'Ille-et-Vilaine réexamine la demande de regroupement familial présentée par Mme C... B.... Il y a lieu d'adresser au préfet d'Ille-et-Vilaine une injonction en ce sens et de fixer à deux mois le délai imparti pour son exécution. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette mesure d'exécution de l'astreinte demandée.
Sur les frais de l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser au conseil de Mme C... B... dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
D E C I D E
Article 1er : Le jugement ° 1705328 du tribunal administratif de Rennes du 17 juin 2019 ainsi que la décision du préfet d'Ille-et-Vilaine du 6 avril 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer la demande de regroupement familial présentée par Mme C... B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me D... la somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4: Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B... épouse F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- Mme E... premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2020.
Le rapporteur
M. E...
Le président
I. Perrot
Le greffier,
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 19NT047012