Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 24 janvier 2020 M. et Mme F..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 septembre 2019 ;
2°) d'annuler les décisions portant refus de titres de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine, à titre principal, de leur délivrer des titres de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, des titres de séjour mention " salarié " ou " travailleur temporaire " dans le même délai ou, à titre de subsidiaire, de réexaminer leur situation et de leur délivrer dans l'attente des autorisations provisoires de séjour, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros à verser à leur conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Ils soutiennent que :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de leur situation, notamment en ce qui concerne les perspectives d'intégration de Mme F... ;
- les décisions portant refus de titres de séjour ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ;
- en refusant l'admission exceptionnelle au séjour de Mme F... en qualité de salarié ou de travailleur temporaire sur le fondement des dispositions des articles combinés L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du 28 novembre 2012, le préfet a méconnu ces dispositions et a commis une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée le 5 mars 2020 au préfet d'Ille-et-Vilaine, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. et Mme F... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 20 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes respectives tendant à l'annulation des arrêtés du 3 juin 2019 du préfet d'Ille-et-Vilaine en tant qu'ils leur refusent la délivrance de titres de séjour.
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier des motifs mêmes des arrêtés du 3 juin 2019, qui exposent de façon précise et détaillée le parcours et la situation personnelle, professionnelle et familiale de M. et Mme F..., que le préfet d'Ille-et-Vilaine a procédé à un examen particulier de l'ensemble de leur situation avant de rejeter leurs demandes de titres de séjour. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation de l'arrêté contesté et de l'absence d'un tel examen doit être écarté.
3. M. et Mme F..., ressortissants albanais nés en 1982 et 1983, soutiennent qu'ils résident en France depuis juin 2013 et que leur intégration est démontrée notamment par la scolarisation de leurs deux enfants, nés en 2008 et 2014, l'apprentissage de la langue française de Mme F... par le biais de cours de soutien linguistique, l'emploi qu'elle occupe et le soutien de ses collègues. Si l'intéressée a effectivement travaillé pendant les
dix-huit mois précédant les arrêtés contestés, d'abord en intérim puis sous couvert de contrats à durée déterminée d'une durée maximale de six mois, il ressort toutefois des pièces du dossier que M. F..., qui indique parler un peu le français, ne justifie pour sa part ni d'une activité stable ni d'un projet professionnel précis et que les requérants, hébergés par un tiers, ne disposent pas d'un logement autonome. En outre, il ressort des pièces du dossier que les intéressés, qui ne justifient pas d'une entrée régulière en France et y ont séjourné provisoirement en qualité de demandeurs d'asile, s'y sont, selon leurs déclarations, volontairement maintenus en dépit des mesures d'éloignement dont ils ont fait l'objet en 2016. Par ailleurs, M. et Mme F..., qui n'établissent pas avoir tissé des liens d'une particulière intensité en France, n'allèguent pas être dépourvus de toute attache dans leur pays d'origine, où ils ont résidé jusqu'à l'âge respectivement de trente-et-un et vingt-neuf ans. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des conditions de séjour en France de M. et Mme F..., les décisions contestées portant refus de titres de séjour n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Dès lors, en prenant ces décisions, le préfet d'Ille-et-Vilaine n'a méconnu ni les dispositions du 7° de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces décisions ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés.
4. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date des arrêtés contestés, les deux enfants de M. et Mme F... étaient scolarisés respectivement en deuxième année de cours moyen et en moyenne section de maternelle. Les intéressés n'établissent pas, compte tenu de l'âge de leurs enfants et de ce qu'ils vivent dans une famille albanophone, l'aînée ayant au demeurant vécu cinq ans en Albanie, que cette scolarité ne pourrait se poursuivre hors de France. Dans ces conditions, les décisions contestées refusant la délivrance de titres de séjour au requérants n'ont pas été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
5. Les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 qui sont dépourvues de caractère réglementaire.
6. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
7. Mme F... fait valoir qu'elle justifie d'une présence de plus de cinq ans en France, d'un contrat de travail alors en cours d'une durée de six mois et un jour dans un emploi d'agent de fabrication qu'elle occupe depuis dix-huit mois au sein de l'entreprise adaptée Bretagne Ateliers et d'une prolongation de son contrat postérieurement aux arrêtés contestés. Toutefois, l'intéressée n'établit pas, par ces circonstances et compte tenu de l'ensemble de sa situation telle qu'évoquée au point 3, que le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que son admission au séjour en qualité de salarié ou de travailleur temporaire ne répondait pas à des considérations humanitaires et ne se justifiait pas au regard de motifs exceptionnels, au sens de l'article L. 31314 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de M. et Mme F... sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F..., à Mme C... B..., épouse F... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- Mme D..., présidente-assesseure,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2020.
Le rapporteur
C. D...
Le président
I. Perrot
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT002822