Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 février 2020 M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) de prononcer son admission provisoire à l'aide juridictionnelle ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 décembre 2019 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2019 du préfet du Finistère ;
4°) d'enjoindre au préfet du Finistère de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté, signé en vertu d'une délégation de signature trop générale et imprécise, est entaché d'un vice d'incompétence ;
- le préfet a estimé à tort que son âge n'était pas établi pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-15 du même code ;
- il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 juin 2020 le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte à ses écritures de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant malien, relève appel du jugement du 2 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 septembre 2019 du préfet du Finistère lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
L'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 dispose que " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente (...) ". Compte tenu à la fois de la nature, de la date à laquelle la requête a été introduite devant la cour par le requérant et de l'absence de toute réponse donnée par ce dernier à l'invitation qui lui a été faite par le greffe de présenter un dossier d'aide juridictionnelle, il n'y a pas lieu en l'espèce d'accorder à M C... le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 28 février 2019 régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, le préfet du Finistère a donné délégation à Mme A... B..., sous-préfet de l'arrondissement de Châteaulin et signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer en toutes matières, en cas d'absence ou d'empêchement du secrétaire général de la préfecture, du directeur de cabinet du préfet et du sous-préfet de l'arrondissement de Brest, tous les actes relevant des attributions du préfet à l'exclusion de certains actes au nombre desquels ne figurent pas ceux pris en matière de police des étrangers. Contrairement à ce que soutient le requérant, cette délégation de signature n'est ni trop générale ni trop imprécise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française (...) ".
4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification des actes d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger et rédigé dans les formes usitées dans le pays concerné peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact et notamment par les données à caractère personnel enregistrées dans le traitement automatisé " Visabio ", qui sont présumées exactes. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
6. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. C... sur le fondement du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Finistère a notamment estimé que l'intéressé ne justifiait pas avoir été confié au service de l'aide sociale à l'enfance depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour M. C... a présenté un extrait d'acte de naissance établi le 20 avril 2017 ainsi que, délivrés sur la base de ce document, un passeport et une carte d'identité consulaire, au vu desquels il serait né le 25 octobre 1999. Cet extrait d'acte de naissance a été examiné par les services de la direction zonale de la police aux frontières qui ont relevé qu'il ne répondait pas aux formes requises par le droit malien. En outre, la consultation du fichier Visabio a permis au préfet de constater, en se fondant sur la correspondance des empreintes digitales, que l'intéressé avait présenté en 2014 auprès des autorités consulaires françaises au Gabon une demande de visa, à laquelle il a été fait droit, à l'occasion de laquelle il avait déclaré être né le 1er janvier 1988 et avait produit un passeport délivré le 27 août 2014 par les autorités maliennes. M. C... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'analyse ainsi faite de ses documents d'état-civil ou l'exactitude des mentions figurant dans Visabio, l'absence de poursuites pénales ne permettant pas de démontrer l'absence de fraude. Dans ces conditions, et alors même que l'intéressé a pu faire l'objet, à compter du mois de juin 2015, d'un placement auprès de l'aide sociale à l'enfance, au demeurant sans produire ni les décisions de justice y afférant ni les éléments sur la base desquels ce placement a été ordonné, le préfet du Finistère a pu, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, estimer que M. C... ne satisfaisait pas aux conditions d'âge prévues par les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du même code. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté.
7. M. C... ne conteste pas avoir présenté sa demande de titre de séjour, ainsi que le mentionne l'arrêté contesté, sur le fondement des dispositions du 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, sa demande n'ayant été ni présentée ni examinée d'office par le préfet sur le fondement de l'article L. 313-15 du même code, M. C... ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions.
8. M. C..., entré irrégulièrement en France en juin 2015 selon ses déclarations, soutient être père d'un enfant français né le 13 novembre 2018. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, qui n'avait pas fait mention de cet enfant au cours de l'instruction de la demande de titre de séjour qu'il avait présentée au titre de la vie privée et familiale, est domicilié à Brest, alors que son enfant réside avec sa mère en région parisienne. Les justificatifs produits par le requérant, parmi lesquels des attestations établies par des proches postérieurement à l'arrêté contesté et des relevés de compte bancaire faisant état de quelques virements au bénéfice de la mère de l'enfant, ne permettent pas d'établir qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille et qu'il entretiendrait avec elle des liens intenses et stables. En outre, M. C... n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où il a vécu la majeure partie de sa vie et où résident notamment ses parents et sa fratrie. Compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Dès lors, en prenant cet arrêté, le préfet du Finistère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.
D E C I D E
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Finistère.
Délibéré après l'audience publique du 15 octobre 2020 à laquelle siégeaient :
- Mme Perrot, président,
- Mme D..., président-assesseur,
- M. Berthon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 novembre 2020
Le rapporteur
C. D...
Le président
I. Perrot
Le greffier
R. Mageau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 20NT004622