Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 7 juin 2017 et le 1er octobre 2018, Mme G..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 avril 2017 ;
2°) de condamner la communauté de communes des Coëvrons à lui verser la somme de 138 822,24 euros en réparation du préjudice subi
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'autorité gestionnaire du domaine public a commis une faute ; elle a cru, compte tenu de l'attitude non ambigüe de la communauté de communes, qu'elle était propriétaire de son fonds de commerce et qu'elle pouvait en conséquence céder ce fond au repreneur ; toutes les démarches ont été effectuées en ce sens d'autant que l'article 72 de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 reconnaît la possibilité d'exploiter un fond de commerce sur le domaine public ; la communauté de communes avait manifesté son accord à la transformation de la convention en un bail commercial ;
- l'indemnisation d'un occupant du domaine public évincé avant le terme de son autorisation, qui exploite son fonds de commerce, ouvre droit à réparation du préjudice direct et certain résultant de la résiliation unilatérale avant le terme du contrat au regard notamment de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est fondée à demander une indemnisation à hauteur de 108 000 euros, qui correspond à la valeur de son fonds ; elle a été dépossédée en outre de son matériel qui peut être évalué à la somme de 26 037,60 euros TTC.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2017, la communauté de communes des Coëvrons, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme G...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme G... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et notamment son premier protocole additionnel ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,
- et les observations de MeE..., représentant la communauté de communes des Coëvrons.
Considérant ce qui suit :
1. Mme H...G...a conclu le 26 juillet 2007 avec la communauté de communes d'Erve et Charnie, aux droits de laquelle vient la communauté de communes des Coëvrons, une convention portant occupation d'un logement et exploitation du bar restaurant " le Canyon " situé sur le site des grottes de Saulges. Par un courrier du 30 octobre 2014, le président de la communauté de communes des Coëvrons l'a informée de la résiliation de cette convention avec effet au 1er janvier 2015. L'exploitation du restaurant a été par la suite confiée à M. D...A.... Par un courrier du 25 février 2015, Mme G...a demandé à la communauté de communes des Coëvrons de l'indemniser de la valeur du matériel à hauteur de 26 037,60 euros et de la valeur du fonds de commerce à hauteur de 77 000 euros. Cette demande a été rejetée par une lettre du 27 mars 2015. Mme G...relève appel du jugement du 5 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté de communes des Coëvrons à lui verser une somme de 138 822,24 euros en réparation du préjudice subi du fait de la rupture de la convention de concession du café restaurant boutique " le Canyon ".
Sur les conclusions indemnitaires :
2. En premier lieu, en raison du caractère précaire et personnel des titres d'occupation du domaine public et des droits qui sont garantis au titulaire d'un bail commercial, un tel bail ne saurait être conclu sur le domaine public. Lorsque l'autorité gestionnaire du domaine public conclut un " bail commercial " pour l'exploitation d'un bien sur le domaine public ou laisse croire à l'exploitant de ce bien qu'il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux, elle commet une faute de nature à engager sa responsabilité. Cet exploitant peut alors prétendre, sous réserve, le cas échéant, de ses propres fautes, à être indemnisé de l'ensemble des dépenses dont il justifie qu'elles n'ont été exposées que dans la perspective d'une exploitation dans le cadre d'un bail commercial ainsi que des préjudices commerciaux et, le cas échéant, financiers qui résultent directement de la faute qu'a commise l'autorité gestionnaire du domaine public en l'induisant en erreur sur l'étendue de ses droits.
3. D'une part, il résulte de l'instruction que la convention conclue le 26 juillet 2007 entre la communauté de communes d'Erve et Charnie, aux droits de laquelle vient la communauté de communes des Coëvrons, a pour objet de mettre à disposition le café-restaurant-boutique dit " le Canyon " pour occupation du logement et exploitation du bar-restaurant. Cette convention conclue pour une durée d'un an a été accordée à titre précaire et révocable et n'ouvre pas droit à renouvellement exprès ou tacite. L'article 3 précise qu'elle est exclue du champ d'application du décret du 30 septembre 1953 sur les baux commerciaux. L'article 6 fixe le montant de la redevance annuelle à la somme de 500 euros pour les 3 premiers mois et 1 000 euros pour les mois suivants. Dans ces conditions, au regard de son contenu, la convention conclue le 26 juillet 2007 doit être regardée comme une convention d'occupation du domaine public.
4. D'autre part, dans son courrier daté du 21 mars 2013, le président de la communauté de communes des Coëvrons a simplement indiqué, après avoir pris acte du souhait de Mme G...de cesser son activité et céder son exploitation, qu'il était pour l'avenir " favorable sur le principe à transformer la convention de mise à disposition " la liant à la communauté de communes pour l'exploitation du café restaurant en bail commercial. Par suite, contrairement à ce que soutient MmeG..., il ne résulte pas de l'instruction que la communauté de communes des Coëvrons, autorité gestionnaire du domaine public, aurait laissé croire à l'exploitante de ce bien situé sur ledit domaine qu'elle bénéficiait des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux ou aurait modifié la nature de la convention de concession.
5. Il en résulte que la communauté de communes des Coëvrons n'a dès lors pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité en résiliant sans indemnité la convention d'occupation du domaine public dont était titulaire MmeG....
6. En deuxième lieu, eu égard au caractère révocable et personnel, déjà rappelé, d'une autorisation d'occupation du domaine public, celle-ci ne peut donner lieu à la constitution d'un fonds de commerce dont l'occupant serait propriétaire. Si la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a introduit dans le code général de la propriété des personnes publiques un article L. 2124-32-1, aux termes duquel " Un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l'existence d'une clientèle propre ", ces dispositions ne sont, dès lors que la loi n'en a pas disposé autrement, applicables qu'aux fonds de commerce dont les exploitants occupent le domaine public en vertu de titres délivrés à compter de son entrée en vigueur. Par suite, l'exploitant qui occupe le domaine public ou doit être regardé comme l'occupant en vertu d'un titre délivré avant cette date, qui n'a jamais été légalement propriétaire d'un fonds de commerce, ne peut prétendre à l'indemnisation de la perte d'un tel fonds.
7. Il résulte des points 3 et 4 que Mme G...n'a jamais été légalement propriétaire du fonds de commerce du café restaurant boutique dit " le Canyon " et était titulaire d'un titre d'occupation du domaine public délivré avant le 19 juin 2014. Dans ces conditions, elle ne peut ni se prévaloir des dispositions de l'article L. 2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques, ni prétendre à une indemnisation de la perte d'un fonds de commerce.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ".
9. Il résulte de l'instruction que Mme G...ne peut se prévaloir d'aucun droit de propriété sur les biens et locaux constituant le café restaurant " Le Canyon ". Eu égard à la nature précaire et renouvelable annuellement de l'autorisation d'occupation domaniale dont elle était titulaire, elle ne peut se voir reconnaître une quelconque " espérance légitime ". Dans ces conditions, la décision de résiliation de la convention d'occupation du domaine public prononcée par la communauté de communes des Coëvrons le 30 octobre 2014 avant son terme, eu égard à son caractère précaire non équivoque, et le refus d'indemnisation qui a été opposé à Mme G...ne constituent pas des mesures contraires au droit au respect des biens garanti par les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes des Coëvrons, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme G...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme G...la somme de 1 500 euros chacune au profit de la communauté de communes des Coëvrons au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.
Article 2 : Mme G...versera à la communauté de communes des Coëvrons une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... et à la communauté de communes des Coëvrons.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 décembre 2018.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. C...
La République mande et ordonne au préfet de la Mayenne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01761