Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 2 décembre 2017, M.B..., représenté par Me Rouxel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 juin 2017 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 30 mai 2017 de la préfète de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
sur la légalité de la décision de remise aux autorités suédoises :
- la décision est insuffisamment motivée et la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision, qui n'indique pas qu'un entretien individuel aurait été réalisé, est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ;
- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- l'illégalité de la décision de remise aux autorités suédoises prive de base légale la décision d'assignation à résidence.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2018, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête. Il déclare s'en remettre à ses écritures de première instance.
M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 octobre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Besse a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.B..., ressortissant afghan né le 27 juillet 1981, déclare être entré en France le 20 mars 2017 accompagné de son épouse et de leurs enfants. Il a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique le 2 mai 2017. Les recherches effectuées sur le fichier Eurodac ont révélé que ses empreintes avaient été précédemment relevées en Suède, où il a sollicité l'asile le 1er décembre 2015. La préfète de la Loire-Atlantique a alors saisi les autorités suédoises le 5 mai 2017 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le 11 mai 2017, ces autorités ont expressément accepté cette reprise en charge. Par des arrêtés du 30 mai 2017, la préfète de la Loire-Atlantique a décidé la remise de M. B...aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile ainsi que son assignation à résidence. M. B...relève appel du jugement du 2 juin 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur la décision de remise aux autorités suédoises :
2. En premier lieu, la décision litigieuse vise notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le règlement (UE) n° 604/2013 susvisé, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier ses articles L. 742-3 à L. 742-6. Elle comporte en outre un exposé détaillé des considérations de fait sur lesquelles la préfète de la Loire-Atlantique s'est fondée pour décider la remise de M. B...aux autorités suédoises. Elle mentionne notamment à cet égard que la consultation du fichier Eurodac a révélé que les empreintes de l'intéressé, entré irrégulièrement sur le territoire français, ont été relevées le 1er décembre 2015 en Suède et que les autorités de ce pays, saisies le 5 mai 2017 d'une demande de reprise en charge de l'intéressé sur le fondement du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ont accepté cette reprise en charge le 11 mai 2017. La décision précise en outre que si M. B...déclare souffrir de problèmes de disques vertébraux et d'asthme, il n'établit ni qu'il ne pourrait pas bénéficier en Suède des soins que son état requiert, ni que leur défaut entraînerait pour lui des conséquences d'une extrême gravité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision ne satisferait pas à l'exigence légale de motivation doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Loire-Atlantique n'aurait pas procédé à un examen particulier et complet de la situation de M. B...et des conséquences de son transfert en Suède, notamment au regard de sa vie privée et familiale.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ". Il ressort des mentions figurant sur le formulaire signé par M. B...le 2 mai 2017 qu'il a bénéficié le jour même, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en persan, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, avec l'assistance, par téléphone, d'un traducteur assermenté. Par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas bénéficié d'un entretien individuel en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013.
5. En quatrième lieu, M. B...fait valoir sans en justifier que certains membres de sa famille résideraient en France en situation régulière et que son transfert en Suède compliquerait la vie de ses enfants respectivement âgés de deux ans et demi et sept ans. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé est entré en France le 20 mars 2017, accompagné de son épouse et de leurs deux enfants mineurs, et que son épouse a concomitamment fait l'objet d'une décision de remise aux autorités suédoises. Dans ces conditions, compte tenu notamment de l'entrée très récente de M. B...en France et de ce que l'exécution des décisions respectives de remise aux autorités suédoises n'aura pas pour effet de séparer les membres de la famille, la décision de la préfète de la Loire-Atlantique n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît pas, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant assignation à résidence :
6. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté contesté : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet peut prendre une mesure d'assignation à résidence à l'encontre d'un étranger qui fait l'objet d'une décision de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qui présente des garanties propres à prévenir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement.
7. En premier lieu, l'arrêté portant assignation à résidence de M. B...vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ses articles L. 561-2, R. 561-2 et R. 561-3, ainsi que l'arrêté du même jour décidant la remise de l'intéressé aux autorités suédoises. Par ailleurs, en mentionnant que M.B..., entré irrégulièrement sur le territoire français, ne possède qu'une domiciliation administrative mais présente des garanties propres à prévenir qu'il se soustraie à l'exécution de la mesure de remise aux autorités suédoises, et que l'exécution de cette mesure demeure une perspective raisonnable, l'arrêté comporte un exposé des considérations de fait sur lesquelles s'est fondée la préfète de la Loire-Atlantique pour décider d'assigner l'intéressé à résidence. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision doit dès lors être écarté.
8. En deuxième lieu, il résulte des points 2 à 5 du présent arrêt que M. B...n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités suédoises.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 30 mai 2017. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- M. Besse, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 décembre 2018.
Le rapporteur,
P. BesseLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. Guérin La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT03620