Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire de pièces, enregistrés le 3 février 2018 et le 18 juillet 2018, M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes 5 janvier 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du 2 janvier 2018 de la préfète de la Loire-Atlantique ;
3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire-Atlantique d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande d'admission au séjour en tant que conjoint d'une ressortissante française, dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
en ce qui concerne la décision de réadmission en Espagne :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- la préfète de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation notamment au regard de sa vie familiale en France ;
- les dispositions des articles 4, 5 et 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- le préfet n'a pas indiqué la raison pour laquelle il estimait que le traitement de la demande d'asile de M. A...relevait de la compétence d'un autre Etat membre ;
- en cas de renvoi en Italie il y a un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les dispositions de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
- cette décision méconnaît les stipulations des articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il n'a pas été en mesure de présenter des observations préalables ;
- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant réadmission en Espagne ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense et un courrier, enregistrés le 13 avril 2018 et le 13 novembre 2018, la préfète de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête et indique que M. A...a été déclaré comme étant en fuite depuis le 9 avril 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Allio-Rousseau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien né le 20 octobre 1974, est entré irrégulièrement sur le territoire français le 2 mai 2017 et y a sollicité l'asile le 24 octobre 2017 auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Visabio a révélé qu'il s'était vu délivrer le 10 avril 2017 un visa d'entrée et de court séjour par les autorités consulaires espagnoles à Oran, valable du 20 avril 2017 au 19 octobre 2017. Par deux arrêtés du 2 janvier 2018, la préfète de la Loire-Atlantique a ordonné sa remise aux autorités espagnoles, qui avaient accepté expressément sa prise en charge le 23 novembre 2017, et son assignation à résidence. M. A...relève appel du jugement du 5 janvier 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
Sur l'arrêté de transfert aux autorités espagnoles :
2. En premier lieu, l'arrêté décidant la remise de M. A... aux autorités espagnoles comporte les motifs de droit et de fait qui le fondent. Contrairement à ce qu'il prétend, le préfet de la Loire-Atlantique a mentionné dans son arrêté les problèmes médicaux dont le requérant a fait part lors de son entretien individuel en préfecture. Ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté. Il en va de même de celui tiré du défaut d'examen particulier de sa demande, qu'aucune pièce du dossier ne vient corroborer.
3. En deuxième lieu, les moyens tirés de la méconnaissances des dispositions des articles 4, 5 et 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, que M. A... reprend en appel sans plus de précisions, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à juste titre par le magistrat désigné du tribunal administratif aux points 5 à 10 du jugement attaqué.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
5. Il ressort des pièces du dossier que la relation amoureuse dont se prévaut M. A...avec une ressortissante française était extrêmement récente à la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à prétendre que la préfète de la Loire-Atlantique, qui n'était pas tenue d'expliciter les motifs pour lesquels elle a décidé, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, de ne pas conserver l'examen de la demande d'asile de M. A..., n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de sa situation et des conséquences de sa réadmission en Espagne au regard notamment des garanties exigées par le respect du droit d'asile et de son projet de mariage. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté qu'il conteste serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. En quatrième lieu, si M. A...fait valoir qu'à la date de la décision ordonnant son transfert en Espagne il avait engagé des démarches en vue de contracter mariage avec une ressortissante française, l'arrêté contesté n'a ni pour objet ni pour effet de lui interdire de se marier. Dans ces conditions le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur l'arrêté d'assignation à résidence :
7. En premier lieu, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure affectant la décision ordonnant son assignation à résidence et de l'erreur manifeste d'appréciation que M. A... reprend en appel sans plus de précisions, doivent être écartés par adoption des motifs retenus à juste titre par le magistrat désigné du tribunal administratif aux points 17, 19 et 20 du jugement attaqué.
8. En second lieu, il résulte des points 2 à 6 du présent arrêt que M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités espagnoles.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de la préfète de la Loire-Atlantique du 2 janvier 2018. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 décembre 2018.
Le rapporteur,
M-P. Allio-RousseauLe président,
L. Lainé
Le greffier,
M. B...
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00443