Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2018, M.E..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 octobre 2018 ;
2°) d'annuler les arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 27 septembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, ou à défaut, de prendre une nouvelle décision sur sa demande d'admission au séjour dans le même délai, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
en ce qui concerne la décision de remise aux autorités italiennes :
- l'arrêté n'a pas été signé par une autorité compétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues en ce qu'il n'a reçu que les pages de garde de chaque brochure prévue par les textes ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; il n'a pas eu d'entretien individuel et s'il doit être considéré qu'il a eu lieu, il n'a pas respecté les exigences de l'article 5 du règlement ;
- les stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 28 juin 2013 ont été méconnues ; il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;
en ce qui concerne la décision d'assignation à résidence :
- l'arrêté n'a pas été signé par une autorité compétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il est illégal à raison de l'illégalité de la décision portant réadmission vers l'Italie.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2018, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
M. E...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil en date du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Tiger-Winterhalter.
Considérant ce qui suit :
1. M.E..., ressortissant érythréen, né le 1er février 1993, est entré irrégulièrement en France le 19 août 2018 selon ses dires. Il a déposé une demande d'asile le 4 septembre 2018 à la préfecture de Maine-et-Loire. Informé par le relevé d'empreintes digitales et la vérification du fichier " Eurodac " de ce que l'intéressé avait déjà été enregistré les 13 et 14 juin 2018 en Italie, le préfet de Maine-et-Loire a saisi les autorités de ce pays d'une demande de reprise en charge de M. E...sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013. Les autorités italiennes ont implicitement accepté cette reprise en charge le 19 septembre 2018. Par deux décisions du 27 septembre 2018, le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a ordonné la remise de M. E...aux autorités italiennes et, d'autre part, l'a assigné à résidence dans le département pour une durée de quarante cinq jours. M. E...relève appel du jugement du 5 octobre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.
En ce qui concerne l'arrêté de remise aux autorités italiennes :
2. En premier lieu, l'arrêté du 27 septembre 2018 est signé par Mme D...B..., directrice de l'immigration et des relations avec les usagers à la préfecture de Maine-et-Loire. Une délégation de signature a été accordée par arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 26 février 2018, publié le 28 février suivant au recueil des actes administratifs de la préfecture, à MmeB..., à l'effet de signer notamment les actes relatifs aux procédures d'éloignement des étrangers, y compris les décisions d'assignation à résidence qui sont susceptibles d'accompagner les décisions portant remise aux autorités d'un Etat membre en application du règlement n° 604/2013. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
4. L'arrêté du 27 septembre 2018 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de M. E...aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile vise les textes sur lesquels il se fonde, notamment le b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et mentionne qu'il ressort de la comparaison des empreintes digitales de M. E...dans le système Eurodac que ce dernier a déposé une première demande de protection internationale en Italie. Cette décision mentionne également que les autorités italiennes ont été saisies en application du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 d'une demande de reprise en charge et qu'elles ont implicitement accepté cette prise en charge le 19 septembre 2018 en application du paragraphe 2 de l'article 25 du même règlement. Dans ces conditions, cette décision, qui comporte également des considérations de fait sur la situation personnelle de M.E..., est suffisamment motivée.
5. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 que M. E...reprend en appel sans plus de précision doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.
6. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux (...). La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable (...) ". L'application de ces critères peut toutefois être écartée en vertu de l'article 17 du même règlement, aux termes duquel : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre.
7. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen complet et rigoureux de la situation de M. E...et des conséquences de sa réadmission en Italie. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté qu'elle conteste serait entaché d'un défaut d'examen de sa situation.
8. D'autre part, l'intéressé fait état de la situation exceptionnelle dans laquelle se trouve l'Italie, confrontée à un afflux sans précédent de réfugiés, et de problèmes de santé, et soutient qu'il ne pourrait pas être dans ces conditions correctement pris en charge dans ce pays. Toutefois, il n'est pas établi que ces circonstances exposeraient sa demande d'asile à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par ailleurs, si le requérant mentionne un état de santé dégradé, sans autre précision, il n'est pas démontré que ces problèmes de santé ne pourraient pas être traités en Italie ni qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants dans ce pays, alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de sa demande d'asile, la décision contestée aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :
9. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence de MmeB..., signataire de l'arrêté portant assignation à résidence, doit être écarté pour le même motif que celui exposé au point 2.
10. En deuxième lieu, le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté en litige, que M. E... reprend en appel sans plus de précisions, doit être écarté par adoption des motifs retenus à juste titre par le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes.
11. En troisième et dernier lieu, il résulte des points 2 à 8 du présent arrêt que M. E... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de la décision ordonnant sa remise aux autorités italiennes.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 27 septembre 2018 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a prononcé sa remise aux autorités italiennes, d'autre part, l'a assigné à résidence. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées les conclusions à fin d'injonction présentées par M. E...ainsi que celles tendant au bénéfice des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 23 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger-Winterhalter, présidente assesseure,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 mai 2019.
La rapporteure,
N. Tiger-WinterhalterLe président,
L. Lainé
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT03826 2
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