3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer un récépissé en qualité de demandeur d'asile, ou à titre subsidiaire, de prendre une nouvelle décision sur sa demande d'admission au séjour, dans un délai de quinze jours sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
. en ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités allemandes :
- la décision est insuffisamment motivée en méconnaissance de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; les mentions stéréotypées de l'arrêté ne permettent pas de faire apparaitre le critère de responsabilité retenu pour prononcer le transfert ; la décision n'est pas motivée en fait ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; le résumé de l'entretien individuel ne lui a pas été remis alors qu'il doit lui être remis pour qu'il puisse utilement se défendre ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation ; le préfet s'est estimé lié par les critères de détermination de l'Etat responsable ;
- les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ainsi que les disposition de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ; il fait l'objet d'une mesure d'éloignement définitive en Allemagne ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; il a fait l'objet d'une décision de rejet définitif de sa demande d'asile le 26 février 2018, ainsi que d'une obligation de quitter le territoire allemand et une interdiction d'entrée et de séjour sur le territoire allemand ;
. en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
- la décision est insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; la décision, stéréotypée, n'est pas motivée en fait ;
- le préfet n'a pas examiné sa situation particulière et s'est estimé en situation de compétence liée pour l'assigner à résidence sur le fondement des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert auprès des autorités allemandes ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le délai de réadmission de M. D... en Allemagne a été reporté jusqu'au 15 avril 2021 ;
- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D..., ressortissant somalien né en juillet 1998, est entré en France en août 2020. Il a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée le 25 août 2020. Par une décision du 30 septembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile, et par une décision du même jour, a également prononcé son assignation à résidence. M. D... relève appel du jugement du 14 octobre 2020 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 30 septembre 2020.
Sur la décision portant transfert auprès des autorités allemandes :
2. En premier lieu, en vertu du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, lorsqu'une telle demande est présentée, un seul Etat, parmi ceux auxquels s'applique ce règlement, est responsable de son examen. Cet Etat, dit Etat membre responsable, est déterminé en faisant application des critères énoncés aux articles 7 à 15 du chapitre III du règlement ou, lorsqu'aucun Etat membre ne peut être désigné sur la base de ces critères, du premier alinéa du paragraphe 2 de l'article 3 de son chapitre II. Si l'Etat membre responsable est différent de l'Etat membre dans lequel se trouve le demandeur, ce dernier peut être transféré vers cet Etat, qui a vocation à le prendre en charge. Lorsqu'une personne a antérieurement présenté une demande d'asile sur le territoire d'un autre Etat membre, elle peut être transférée vers cet Etat, à qui il incombe de la reprendre en charge, sur le fondement des b), c) et d) du paragraphe 1 de l'article 18 du chapitre V et du paragraphe 5 de l'article 20 du chapitre VI de ce même règlement. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.
3. L'arrêté prononçant le transfert de M. D... auprès des autorités allemandes vise le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que le règlement portant modalités d'application du règlement n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile, relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de M. D..., rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque l'intéressé s'est présenté devant les services de la préfecture de Maine-et-Loire et précise que la consultation du système Eurodac a montré que M. D... était connu des autorités allemandes auprès desquelles il avait sollicité l'asile. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent du présent arrêt que la décision portant transfert de l'intéressé auprès des autorités allemandes est ainsi suffisamment motivée en application des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. (...) ".
5. Il ressort des mentions figurant sur le compte-rendu signé par M. D... qu'il a bénéficié le 25 août 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, de l'entretien individuel prévu par l'article 5 précité du règlement n° 604/2013. Cet entretien s'est tenu en langue somali, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'un interprète, dont l'identité est portée sur le compte rendu d'entretien, intervenant pour le compte de la société ISM Interprétariat, agréée par le ministère de l'intérieur. Il n'est pas établi que le requérant n'aurait pas été en capacité de comprendre les informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles relatives à sa situation au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte-rendu qui en a été établi. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... ou son conseil auraient demandé à avoir accès au résumé de l'entretien individuel. Le moyen selon lequel il ne lui aurait pas été remis une copie de ce résumé doit donc être écarté. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé et doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable (...) ". Par ailleurs, l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose que : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
7. M. D... n'établit pas que sa demande d'asile serait exposée à un risque sérieux de ne pas être traitée par les autorités allemandes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, alors que l'Allemagne est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, il ne démontre pas davantage qu'il serait exposé au risque de subir en Allemagne des traitements contraires aux dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et que la décision de transfert méconnaîtrait ainsi l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...)".
9. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. D... et se serait cru tenu par l'application des critères prévus par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
10. D'autre part, il est constant que la demande d'asile qu'avait présentée M. D... en Allemagne a été rejetée par les autorités allemandes, qui ont donné leur accord pour le transfert de l'intéressé sur le fondement des dispositions de l'article 18-1-d) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, relatives aux personnes dont la demande d'asile a été définitivement rejetée. Néanmoins, aucun élément probant n'atteste que l'intéressé aurait épuisé l'ensemble des voies de recours contre la décision de rejet de sa demande d'asile en Allemagne ou qu'un retour forcé vers la Somalie pourrait être effectivement mis en oeuvre par les autorités allemandes dans des conditions ne respectant pas les droits de l'intéressé, notamment les garanties permettant d'éviter qu'un demandeur d'asile ne soit expulsé, directement ou indirectement, dans son pays d'origine sans une évaluation des risques encourus, alors qu'aucune défaillance systémique dans la mise en oeuvre des procédures d'asile n'a été relevée à l'encontre de l'Allemagne. Dans ces conditions, et alors que M. D... ne fait pas état d'un état de particulière vulnérabilité, il n'est pas établi que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Sur la décision portant assignation à résidence :
11. L'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) / Les huit derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois pour les cas relevant des 1° et 2° à 7° du présent I, ou trois fois pour les cas relevant du 1° bis (...) ". L'article L. 561-1 du même code dispose que : " (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois dans la même limite de durée, par une décision également motivée (...) ". Par ailleurs, l'article R. 561-2 du même code dispose que : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ".
12. En premier lieu, il résulte des points 2 à 9 du présent arrêt que M. D... n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision ordonnant son transfert aux autorités allemandes.
13. En deuxième lieu, la décision portant assignation à résidence de M. D... comporte l'exposé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
14. En dernier lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté du 30 septembre 2020 portant assignation à résidence de M. D... ni des autres pièces du dossier que le préfet de Maine-et-Loire se serait cru tenu d'assigner l'intéressé à résidence du fait de la décision concomitante de transfert auprès des autorités allemandes.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de Maine-et-Loire du 30 septembre 2020. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme C..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 avril 2021.
La rapporteure,
M. C...Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT03660